The Open célèbre cette année sa 150e édition. Or le plus ancien Majeur est créé en 1860, il y a 162 ans. Le décalage s’explique par les diverses annulations imputables aux guerres mondiales mais pas que… Retour sur la raison cocasse de sa première suppression, survenue en 1871.
Pour fêter sa 150e édition, The Open ne pouvait choisir meilleur endroit que l’Old Course de Saint-Andrews. Et même si certains champions ne s’y rendront pas, rien de plus logique pour l’antre du Royal & Ancient qui est à l’origine de son développement. Mais pas de sa création ! Pour cela il faut se rendre au Prestwick Golf Club pour en trouver la trace, en 1860.
Le décès d’un champion provoque la création de l’Open
L’année précédente, le décès du champion Allan Robertson (de Saint-Andrews) avait laissé le monde de la compétition orphelin. Le club de Prestwick, qui a comme greenkeeper un certain Old Tom Morris, lui-même architecte du parcours, a donc l’idée de créer un tournoi pour désigner un tout nouveau champion : ainsi nait The Open.
Willie Park Sr. et Old Tom Morris, les premiers champions
Prestwick prend en charge tous les frais d’organisation pour accueillir… les 8 joueurs professionnels engagés. Sur une épreuve de 36 trous effectués en une seule journée (soit trois fois le parcours de 12 trous), l’Ecossais Willie Park Sr. s’impose face au favori local, Old Tom Morris. La rivalité entre les deux hommes permet au tournoi d’écrire ses premières lettres de noblesse.
Pas d’argent au vainqueur, juste une ceinture
Willie Park Sr ne reçoit pas de prime pour sa victoire, mais un trophée d’un genre un peu particulier : une ceinture rouge en cuir ornée de médailles diverses représentant des golfeurs et des caddies. Son nom : the Challenge Belt qui a coûté 25 £, soit environ 3 800 € d’aujourd’hui. Une somme non négligeable pour l’époque.
Ainsi, dans le premier règlement du tournoi, il est stipulé par écrit : « Le gagnant doit toujours laisser la ceinture au trésorier du club jusqu’à pouvoir garantir que la ceinture sera conservée en toute sécurité et déposée sur la table lors de la prochaine réunion de compétition jusqu’à ce qu’elle devienne la propriété du gagnant en étant gagnée trois fois de suite ».
Les organisateurs n’imaginent pas un seul instant que ce genre d’exploit puisse être réalisé.
L’émergence de Young Tom Morris bouleverse l’Open
Or ils vont se tromper dans les grandes largeurs d’un links et ce, très rapidement ! En effet, tapi dans l’ombre de son papa, Young Tom Morris apprend tous les rudiments du jeu sur le parcours de Prestwick dont il connait tous les pièges et les recoins. Tommy va établir de nombreux records, et non des moindres.
Le premier est celui de la précocité : à 13 ans, il bat en partie amicale son père Old Tom Morris qui est alors le tenant de l’Open. Un an après il fait ses débuts dans le tournoi sans toutefois terminer l’épreuve. Ce n’est que partie remise : après une 9e place en 1866 et une 4e en 1867, il remporte l’Open en 1868, 1869 et 1870 ! Ce formidable hat-trick lui permet de conserver la fameuse ceinture.
L’édition 1871 purement et simplement annulée
Le comité d’organisation est bien embêté : que remettre lors de l’édition suivante en 1871 ? Deux camps s’affrontent : l’un préconise l’achat d’une nouvelle ceinture et l’autre le ralliement à d’autres clubs pour partager les frais. Lors du vote, ce dernier l’emporte mais au cours des mois suivants il ne parvient pas à mener à bien le projet. A l’automne, le tournoi est reporté ! Il faut préciser qu’à l’époque, il existait d’autres événements bien plus rémunérateurs et que son annulation n’a pas suscité un grand émoi.
Il s’agissait quand même de The Open, ouvert aussi aux amateurs…
Des pourparlers avec d’autres clubs écossais sont réactivés un an plus tard pour partager les frais d’une coupe. Ainsi, le 11 septembre 1872, les clubs de Prestwick, du Royal & Ancient Golf Club of St-Andrews et The Honourable Company of Edinburgh Golfers (Musselburgh) parviennent à un accord historique.
La ceinture remplacée par la Claret Jug
Chaque club participe à hauteur de 10 £ pour passer commande d’une aiguière en argent – la célèbre Claret Jug – et reçoit le droit d’accueillir à tour de rôle le tournoi. Ainsi naît la fameuse rotation encore en vigueur aujourd’hui. Et au tournoi de renaître définitivement avec une précision de taille : personne n’aura le droit de posséder la coupe même si un joueur gagne le tournoi 36 fois de suite.
Malheureusement, Youg Tom Morris ne soulèvera jamais l’aiguière en argent bien que son nom y soit inscrit pour l’édition 1872. Celle-ci s’est déroulée… deux jours après la décision de reprendre et la coupe n’était bien sûr pas encore prête. Vainqueur une quatrième fois de suite, le prodige écossais rate ensuite le coche à deux reprises avant de mourir tragiquement à 24 ans seulement.
Sa disparition fait désormais partie de la légende de l’Open. Seules la Première Guerre mondiale (de 1915 à 1919), la Deuxième (de 1940 à 1945) et la Covid (2020) sont venues interrompre 12 autres fois son bon déroulement.