Le jeune golfeur marocain âgé de 20 ans et encore amateur a crevé l’écran la semaine passée à Dubaï, au premier Rolex Series de la saison. Tous les médias étrangers, et Golf Planète notamment, ont loué la qualité de jeu de ce talent formé en France et qui a décidé de rejoindre le pays de sa mère. Depuis le Texas où il suit ses études, Adam Bresnu nous a offert un long entretien afin de mieux le connaître encore.
Propos recueillis par Lionel VELLA
Né le 6 juin 2004, Adam(e) Bresnu – on peut prononcer Bressenu ou Brénu selon ses dires – a été formé au Stade Français, au Haras Lupin, dans les Yvelines (78). C’est à l’âge de deux ans, grâce à son père, Stéphane, prof de golf à Vaucresson, qu’il a touché ses premiers clubs. Actuellement à Odessa College (Texas) où il suit un cursus en Business Administration, il va rejoindre au prochain semestre l’université de Texas Tech, celle où est passé Clément Sordet par exemple.
Rentré au Texas ce lundi 20 janvier après un long périple depuis Dubaï, le jeune golfeur amateur à l’avenir prometteur s’est livré durant plus de vingt minutes avec nous au jeu des questions-réponses.
GOLF PLANETE : Vous venez d’entrer dans l’histoire du golf en devenant le premier joueur Arabe à franchir un cut dans un Rolex Series sur le DP World. Avez-vous désormais pris la mesure de cet exploit ?
Adam BRESNU : Oui, bien sûr. C’était magique. J’avais un objectif, c’était de gagner. Quand j’ai joué le PIF Saudi International (Asian Tour) au mois de décembre (Ndlr, il a pris la 6e place avec un score total de -17), j’ai vu que j’avais le niveau pour gagner. Avec mon coach, Brad Stracke, qui était aussi mon caddie, on voulait vraiment faire quelque chose de grand à Dubaï. J’ai passé le cut, c’est déjà pas mal (Ndlr, il a terminé 68e en jouant notamment 69 (-3) lors du 2e tour). Si on m’avait dit que j’allais jouer avec Jon Rahm (en partie d’entraînement), Adam Scott et Akshay Bhatia (lors du 3e tour), je pense que j’aurais signé tout de suite. Cela m’a permis de voir pas mal de choses. Je ne suis pas loin d’eux, ça me donne encore plus de motivation. Pour m’entraîner notamment, mais aussi redoubler d’efforts à la salle, dans tous les domaines golfiques. Ce n’est plus qu’une question de temps maintenant.
G.P. : De quoi avez-vous parlé avec ces stars du golf mondial ?
A.B. : Adam Scott, c’est quelqu’un de super sympa. Je lui ai demandé où il avait fait ses études (Ndlr, Université de Las Vegas). Il m’a répondu que l’Université US, ce n’était pas trop son délire, il était loin de sa famille restée en Australie. Il savait qu’il avait le niveau pour passer pro. Ces discussions m’ouvrent un peu plus les yeux car j’ai moi aussi envie de passer pro. Je sais que j’ai le niveau mais je pense que je ne suis pas encore prêt pour le PGA Tour, qui reste mon objectif principal. Quand on voit le niveau de jeu dans les Universités US de niveau 1, c’est équivalent au DP World Tour. C’est incroyable. Le top 100 amateur mondial, ça joue incroyablement bien au golf.
Pour l’instant, ma vie est aux États-Unis. Je vais rester ici pour participer à des Elites Series. Ce sont tous les plus gros tournois US amateur.
G.P. : Vous reverra-t-on bientôt dans un tournoi professionnel ?
A.B. : Il y a une étape au Maroc sur l’Asian Tour (Ndlr, International Series à Rabat (3-6 juillet) sur le parcours rouge de Dar Es Salam) mais je ne pense pas que j’y prendrai part. Pour l’instant, ma vie est aux États-Unis. Je vais rester ici pour participer à des Elites Series. Ce sont tous les plus gros tournois US amateur. Jouer sur l’Asian Tour, c’est cool, mais mon objectif n’est pas de jouer en Asie.
G.P. : Expliquez-nous comment vous avez obtenu vos invitations sur l’Asian Tour, à la fois pour le Qatar puis pour l’Arabie saoudite…
A.B. : Je les ai décrochées via le Pan Arab Championship. C’était en novembre dernier, à Dubaï, au Al Zorah Golf Club. J’ai gagné le tournoi à -16, avec 7 coups d’avance. Le gagnant avait deux invitations pour l’Asian Tour, d’abord au Qatar puis en Arabie saoudite. Et aussi au final Stage de l’Asian Tour (en Thaïlande). J’ai dit ok pour les deux premiers mais j’ai refusé pour les Final Stage car je ne compte pas passer pro pour l’instant.
G.P. : Et en ce qui concerne cette invitation au Hero Dubai Desert Classic ?
A.B. : Quand j’ai fini 6e en Arabie Saoudite, un général des Emirats arabes unis, que je connais très bien, m’a proposé une invitation. On était assis, il y avait avec nous les présidents des Fédérations libanaise et égyptienne… Il m’a dit : « T’en penses quoi de jouer un Rolex Series à Dubaï ? » Je lui ai répondu : « Vous êtes sérieux ? » « Oui, tout à fait sérieux », a-t-il ajouté. Et c’est comme ça que j’ai eu l’invitation.
G.P. : Cette 6e place en Arabie saoudite a-t-elle été pour vous un véritable élément déclencheur après votre 49e place quelques jours plus tôt au Qatar ?
A.B. : Oui… Dès que je fais un gros tournoi pro ou un gros tournoi amateur, je me dis que j’ai le niveau pour battre les autres. C’est comme ça, je pense, qu’il faut fonctionner dans le golf, et de manière générale, dans le sport de haut niveau. Il faut être super confiant, pas se la péter (sic), non, mais avoir confiance en soi. Si on sait qu’on peut le faire, on le fait (rires).
Avec la FFG, c’était superbe. Je suis super reconnaissant. Si j’en suis là, c’est aussi grâce à eux. Mais il y a eu quelques problèmes, des choses que je n’ai pas trop appréciées.
G.P. : Vous avez défendu les couleurs de la France au Championnat d’Europe Boys au Danemark en 2021 puis en Allemagne en 2022. Que vous reste-t-il de cette période ?
A.B. : C’est un souvenir qui reste gravé en moi. Fabuleux. Le staff avait fait un très bon job. On avait une grosse équipe en 2021 mais on n’a pas gagné (Ndlr, avec Ugo Malcor, Oihan Guillamoundeguy, Maxence Giboudot, Martin Couvra, Louis Pilod).
G.P. : Pourquoi avez-vous choisi ensuite de rejoindre la Fédération Royale Marocaine de Golf ?
A.B. : Avec la FFGolf, c’était superbe. Je suis super reconnaissant. Si j’en suis là, c’est aussi grâce à eux. Mais il y a eu quelques problèmes, des choses que je n’ai pas trop appréciées. Je me souviens avoir regardé un film avec mon père, c’était avec Will Smith sur les sœurs Williams (Ndlr, La méthode Williams sorti en salle en 2021). Ce film m’avait impressionné. J’ai dit à mon père : « Papa, je veux être le premier golfeur marocain à jouer sur le PGA Tour ».
Cela a été assez compliqué pour que la France accepte. J’avais une relation très forte avec Jean-François Lucquin, qui était également mon coach. Ce fut très compliqué pour moi de prendre une telle décision. Mais je pense que ça a été la meilleure. J’ai depuis joué sur l’Asian Tour, j’ai joué un Rolex Series… Je ne regrette pas ce choix.
G.P. : Est-il vrai que l’on vous a refusé l’entrée au Centre de Performance au Golf National en raison de manque de place ?
A.B. : Je pense qu’il y avait de la place au Centre de Performance du Golf National, et c’est une raison pour laquelle je n’ai pas trop apprécié. J’étais au pôle France de Terre Blanche à ce moment-là. Cela me faisait mal de quitter Jeff (Lucquin) pour aller à Paris. Mais c’est là que ma famille habite. Cela aurait été plus pratique pour moi, notamment par rapport à mon coach aussi, William Hees (Ndlr, enseignant au Haras Lupin de Vaucresson). Ils ont refusé, je ne l’ai pas très bien pris…
G.P. : Gardez-vous encore le contact avec vos anciens coéquipiers en équipe de France ?
A.B. : Oui, encore de temps en temps avec Oihan (Guillamoundeguy). Je suis toujours ami avec Ugo Malcor et Louis Pilod. Mais je n’ai plus trop de contact avec les autres…
G.P. : Quel est votre vœu le plus cher pour 2025 ?
A.B. : J’en ai plusieurs. D’abord entrer dans le top 50 mondial amateur (Ndlr, il est actuellement 163e). Je veux gagner les Nationals avec Odessa College. Quand j’ai joué le PIF Saudi International, j’ai discuté avec Abraham Ancer. Il est resté un an à Odessa College et il a le record de victoires (8) sur un an. J’en suis à quatre pour l’instant (au 1er semestre). Il me reste encore huit tournois. J’ai cet objectif de battre le record du Junior College.
G.P. : Et si on regarde un peu plus loin ?
A.B. : L’objectif, ce serait de finir n°1 du PGA Tour University. C’est super dur mais je crois en moi. Sinon, passer par le Korn Ferry Tour. Aller en Europe et décrocher l’un des 10 spots sur le PGA Tour ? Oui, c’est une alternative. Cela me rapprocherait aussi de la maison. On n’est pas très loin non plus du Maroc, mais je ne me vois pas faire toute ma carrière sur le DPWT. La météo, là-bas, ça ne me donne pas trop envie (rires).
Le droit de réponse de la Fédération française de golf
Christophe Muniesa, le Directeur général et Directeur technique national de la Fédération française de golf, a tenu à répondre aux déclarations d’Adam Bresnu concernant son choix d’évoluer avec le Maroc, le pays de sa mère.
« Adam était en Pôle Espoir à Montpellier pour la saison 2018-19 puis en Centre National de Performance à Terre Blanche en 2021-22. Il a été maintenu en CNP à la rentrée 2022 – nous tenons d’ailleurs à ce propos à disposition le mail de confirmation de l’intéressé et de son père. Il a ensuite demandé à venir à Paris après quelques semaines, pour se rapprocher de son entraîneur personnel, ce qui lui a été refusé. Il a ensuite indiqué à la DTN qu’il faisait le choix de retrouver sa mère au Maroc. »
« Nous avons été ravis qu’Adam ait joué pour la France et c’est toujours à regret de constater le départ d’un de nos joueurs pour une autre bannière. On respecte sa démarche, bien qu’on la regrette compte tenu du talent de ce jeune joueur. Les éléments qui nous ont été présentés à l’époque reposaient sur des choix personnels, sur une volonté de s’établir au Maroc. Il y avait des considérations familiales aussi… Les discussions ont été menées en totale coopération avec la Fédération Royale Marocaine de Golf (FRMG). Et plus particulièrement avec Olivier Edmond, qui est le DTN de cette Fédération. Au global, on retient qu’Adam continue de progresser, qu’il joue très bien et on lui souhaite le meilleur. »
« Je ne confirme en revanche pas le fait qu’on lui a refusé une place au Centre de Performance du Golf National. Je ne sais pas si cela a été le fait générateur. Je sais qu’il a postulé, comme c’est le cas de nombreux joueurs. Si lui fait le lien entre le fait qu’il ne soit pas rentré au Centre de Performance et le fait qu’il a changé de nationalité, encore une fois on respecte sa décision. Mais si tous les joueurs qui candidatent à entrer au Centre de Performance et qui ne sont pas retenus faisaient de même, il y aurait beaucoup de joueurs français qui changeraient de nationalité. Franchement, cela me semble être une polémique tout à fait stérile. On ne peut que regretter de la part d’Adam de mettre en avant ce type de motivation pour changer de nationalité. Nous, on souhaite le meilleur pour Adam et on ne rentrera pas dans ce genre de polémique. Je pense que ce serait faire un mauvais procès à la FFG de considérer que comme on n’a pas obtenu tout ce que l’on aurait souhaité de la part d’une fédération, cela justifie que l’on change de nationalité. »
Photo : DAVID CANNON / David Cannon Collection / Getty Images via AFP