Romain Langasque est l’un des trois Français sélectionnés par Luke Donald au sein de l’équipe d’Europe continentale de la Team Cup, répétition générale de la Ryder Cup. L’Azuréen est conscient qu’il doit redoubler d’efforts cette année pour espérer faire partie de l’aventure en septembre prochain dans la banlieue de New York. Interview sans langue de bois.
Propos recueillis par Lionel VELLA
Romain Langasque est arrivé ce mardi à Abu Dhabi, hôte de cette Team Cup 2025 opposant les Continentaux aux Britanniques et Irlandais. Il est depuis samedi dernier dans les Emirats, plus précisément à Dubaï où il s’est entraîné intensément sur les parcours du Els Club et du Trump International Golf Club. Comme il nous l’a confirmé durant un petit quart d’heure par téléphone, tous les voyants sont au vert. Il n’y a plus qu’à…
GOLF PLANETE : Qu’avez-vous fait à l’issue du Dunhill Championship à Leopard Creek jusqu’à ce retour à la compétition début janvier ?
Romain LANGASQUE : A mon retour d’Afrique du Sud jusqu’au 1er janvier, je n’ai pas touché les clubs. Cela m’a fait beaucoup de bien. J’en avais besoin quelque part. La fin de saison a été intense. J’ai super bien joué en Afrique du Sud (Ndlr, 2e au Nedbank, 15e au Dunhill Championship) mais il a fait très chaud là-bas. Je sentais qu’il fallait que je coupe et que je me sorte un peu du golf. Plus moralement que physiquement d’ailleurs…
G.P : Ce droit de jeu manqué pour le PGA Tour 2025 a-t-il été définitivement digéré ?
R.L. : Complètement ! Je l’ai beaucoup mieux digéré que la première fois, fin 2023. A ce moment-là, c’était vraiment très dur de l’accepter. Là, ça a été beaucoup plus simple. Franchement, je me sens beaucoup plus détaché du résultat de ce que j’ai pu vivre auparavant.
G.P. : Vous avez été appelé pour cette Team Cup le 11 décembre en tant que dixième homme, juste après le Nedbank Golf Challenge. Qui vous a contacté ? Comment l’avez-vous appris ?
R.L. : C’est directement Luke Donald qui m’a appelé. Une demi-heure après ma partie le dimanche au Nedbank. Je m’y attendais un peu quelque part, dans le sens où je pense que je méritais cette dernière place. J’avais fini meilleur européen dans ce tournoi et je savais qu’un nom allait être désigné à l’issue du Nedbank… J’étais ultra content mais d’un autre côté, je savais que j’avais gagné ma place. Je n’étais pas surpris mais plutôt ultra satisfait. Et puis surtout hyper fier d’avoir réussi à rebondir très vite après avoir manqué la carte sur le PGA Tour. Représenter l’équipe européenne continentale, ça me tient vraiment à cœur.
Behind the scenes with @Lancaisse at the Team Cup 👋#TeamCup pic.twitter.com/kuxbdUHtZw
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G.P. : Dans quel état d’esprit êtes-vous à quelques heures du début de cette Team Cup version 2025 ?
R.L. : Je me sens bien. Je joue bien. L’atmosphère, l’organisation est vraiment super. C’est toujours un bon tournoi pour se remettre dans le jeu, après une pause. Je suis content. Tous les feux sont au vert.
Si je gagne la Ryder Cup, c’est possible que je prenne ma retraite dans la foulée…
G.P. : Vous avez publié sur un réseau social la photo du vestiaire de l’équipe européenne continentale. On se croirait vraiment dans un vestiaire d’une équipe de football…
R.L. : Oui. C’est très sympa. Dans les chambres, on avait nos tenues qui nous attendaient. Ce sont des petites choses qui font vraiment plaisir.
G.P. : Qu’est-ce qui vous a le plus impressionné depuis votre arrivée dans cette équipe européenne ?
R.L. : Je ne m’attendais pas à ce que ce soit aussi bien organisé. Il n’y a vraiment rien qui a été laissé au hasard. Pour le coup, il y a vraiment le sens du détail. C’est très surprenant et surtout très agréable.
G.P. : Trois Français dans l’équipe, ça permet aussi sans doute de se sentir encore plus à l’aise, non ?
R.L. : C’est vrai que c’est cool. Cela montre le progrès constant du golf français (Ndlr, entretien réalisé avant que la rumeur d’un remplacement de Nicolai Højgaard, malade, par Julien Guerrier soit évoquée). La Fédération, Pascal (Grizot), doivent être contents de voir que la France est aussi bien représentée. Il y a une belle émulation dans le golf tricolore, depuis plusieurs années maintenant. Et ça joue beaucoup sur les récents excellents résultats d’ensemble.
G.P. : Allez-vous jouer cette Team Cup aux côtés d’un autre joueur français ?
R.L. : Sur ce que j’ai compris, il y a des chances que je joue avec Matthieu (Pavon) toute la semaine. Sur ce que j’ai vu, ce serait Nicolai (Højgaard) avec Francesco (Molinari). Manassero avec Antoine (Rozner). Rasmus (Højgaard) avec Rasmus (Neergaard-Petersen), Thorbjørn (Olesen) avec Niklas (Nørgaard). Mais ça peut évidemment changer…
G.P. : Avez-vous une préférence dans les formules de jeu ? Vous sentez-vous plus à l’aise en fourballs qu’en foursomes par exemple ?
R.L. : Mon jeu est assez complet, assez global. Je me sens bien dans n’importe quelle formule.
G.P. : Avez-vous eu des discussions individuelles avec Luke Donald ?
R.L. : Un tout petit peu en amont du tournoi, par message. Pour les préférences, les caractères… On a eu des petites discussions, en effet. Mais ce n’est pas encore la Ryder Cup…
Pour avoir vraiment ma chance, je pense que je dois déjà entrer dans le top 50 mondial. Je ne suis pas très loin. Il va falloir aussi bien jouer dans les semaines qui précèdent la Ryder Cup.
G.P. : Vous venez de le souligner, cette Team Cup est une répétition générale pour la Ryder Cup à Bethpage en septembre prochain. Quelles sont aujourd’hui vos chances de participer à cet événement ?
R.L. : Aujourd’hui, je dirais que j’ai peut-être 20 % de chances d’être à Bethpage. Il y a donc encore du chemin…
G.P. : Que faudra-t-il faire pour justement être de cette aventure ? Réussir par exemple un gros coup dès la semaine prochaine au Hero Dubaï Desert Classic, premier Rolex Series de la saison ?
R.L. : Pour avoir vraiment ma chance, je pense que je dois déjà entrer dans le top 50 mondial. Je ne suis pas très loin (Ndlr, au 5 janvier 2025, il pointe à la 77e place mondiale). Il va falloir aussi bien jouer dans les semaines qui précèdent la Ryder Cup. Montrer des bonnes choses sur la fin… Je pense que cette semaine peut être intéressante, notamment sur notre attitude, sur la façon d’être, sur la façon de faire… Après, il ne faut pas se mentir, c’est la façon dont tu joues les deux derniers mois qui précèdent la Ryder Cup qui est importante. Je le vois comme ça. Il va falloir être bon au bon moment.
G.P. : En 2023, à l’issue de la Hero Cup (rebaptisée Team Cup en 2025), six joueurs (quatre Britanniques et deux Continentaux)* avaient été retenus pour jouer à Rome la 44e Ryder Cup de l’histoire. Combien selon vous de joueurs présents à Abu Dhabi cette semaine seront du voyage aux États-Unis ?
R.L. : S’il y a en six, ce serait exceptionnel. Ce serait 50 % de l’équipe de Ryder Cup 2025. Cette semaine, il y a (Tommy) Fleetwood, (Tyrrell) Hatton, Justin Rose, qui sont trois grands joueurs… Après, on a tous potentiellement notre place dans cette équipe. La Ryder, c’est l’élite. Ce n’est que douze joueurs. Il n’y a pas de place à l’erreur. S’il y en à six présents cette semaine, ce serait exceptionnel. Quatre, ce serait déjà bien. Il faut voir aussi ce qui va se passer avec les joueurs du LIV Golf. D’ailleurs, sur ce dernier point, on espère tous qu’un accord sera très bientôt entériné.
Continental Europe 🆚 GB&I
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G.P. : Pour vous, qu’est-ce que ça représente la Ryder Cup ?
R.L. : La gagne ! Je veux la gagner cette Ryder Cup. Après, il y a l’émotion. C’est vraiment un rêve de gosse. Il y a des moments où je me dis que si je gagne la Ryder Cup, c’est possible que je prenne ma retraite dans la foulée…
G.P. : Vous êtes sérieux ?
R.L. : Oui, très sincèrement ! Si jamais je la gagne un jour, et si je continue, ce sera uniquement pour le côté financier. Mais c’est possible qu’ensuite, j’ai envie de faire autre chose. Vraiment. C’est vraiment mon rêve. Une fois que je l’aurais atteint… (Il s’arrête) En deuxième lieu, il y a aussi ce rêve de gagner le Masters. Cela demande tellement de sacrifices, tellement de choses que… (Il s’arrête de nouveau) J’ai 30 ans. Si ça se passe dans six mois, peut-être que ce sera un peu tôt. Mais si je me qualifie dans l’une des trois ou quatre prochaines Ryder Cup, après ça, j’aurais atteint mon objectif principal. C’est ce que je ressens au fond de moi, en tout cas.
G.P. : Vous évoquez l’aspect financier, important quand on est golfeur professionnel. Quel est votre sentiment sur la polémique autour de la prime de 500 000 dollars accordée par la PGA of America aux joueurs de l’équipe US de Ryder Cup ?
R.L. : Je trouve ça dommage car ça salit l’image de cet événement. C’était justement l’un des derniers tournois où c’était le cœur qui parlait, et non pas l’argent. Après, il ne faut pas oublier que la Ryder Cup génère un maximum d’argent. Et les acteurs principaux de la Ryder Cup, ce sont d’abord les joueurs. Je pense en premier lieu que la Ryder Cup, c’est tout sauf l’argent. C’est le cœur, c’est l’équipe, c’est le prestige, les émotions… Est-ce que les joueurs américains ont tort ou raison ? Je dirais qu’ils ont tort. Parce qu’ils gagnent beaucoup d’argent tout le reste de l’année. En résumé, je ne suis pas d’accord avec eux et je préférerais que cet argent soit utilisé pour autre chose. J’ai vu qu’ils reverseraient cette prime à des œuvres caritatives. Dans ce sens-là, oui, ça peut être intéressant.
*Shane Lowry, Tommy Fleetwood, Tyrrell Hatton, Robert MacIntyre, Nicolai Højgaard, Sepp Straka.
Photos : Richard HEATHCOTE et Kate McSHANE / GETTY IMAGES EUROPE / Getty Images via AFP