En s’adjugeant son 2e Masters, Scottie Scheffler assoit un peu plus encore son écrasante domination sur le golf mondial. Le futur père de famille n’est peut-être pas le joueur le plus adulé de l’histoire. Son swing et loin d’être un modèle d’élégance, son style de jeu est un soupçon ennuyeux, ce chrétien dévot est toujours loin des controverses et sa voix fait peu écho dans le maelström du golf actuel. Mais le n°1 mondial est un « nice guy » et un grand champion qu’il faut admirer.
« Le golf est définitivement pour les égoïstes. C’est le sport que je pratique, il prend une place importante dans ma vie, mais il ne me définit pas en tant que personne. »
C’est par une interview étonnamment pleine d’émotions que la semaine de Scottie Scheffler a débuté à Augusta. Sa petite phrase “il n’y a pas que le golf dans la vie” lâchée en conférence de presse, au bord des larmes, avait surpris presque tout le monde. Où était passé l’habituel “boring” (ennuyeux) Scottie Scheffler face à la presse ?
Sans doute très ému de savoir sa femme Meredith, avec qui il forme un couple fusionnel, sur le point d’accoucher de leur premier enfant et donc absente pour la toute première fois pendant un tournoi qu’il dispute, le natif de Ridgewood (New Jersey) n’en a pas moins maintenu le cap en direction de la veste verte. Et le cap a été tenu !
Déjà vainqueur cette année de l’Arnold Palmer Invitational et du Players Championship, deux des plus gros tournois de la saison sur le PGA Tour, le big boss a donc récidivé au Masters après sa victoire en 2022.
Et lui aussi affole les compteurs presque façon Tiger Woods de la grande époque : il est ainsi le premier double vainqueur du Masters depuis l’après-guerre en jouant seulement cinq éditions du tournoi. Il est le seul joueur avec le Tigre à réussir le triplé Palmer-Players-Masters la même année (Woods en 2001). Il a aussi battu un record du PGA Tour dû à la qualité de son « scoring » plus tôt dans la saison. Il n’a toujours pas joué au-dessus du par en 2024…
Il sait scorer, il sait gagner
Alors non, Scottie Scheffler et son étrange jeu de jambes au moment dans la zone d’impact ne possède pas un swing école que les jeunes rêvent d’imiter. Ce chrétien très croyant ne fait pas non plus la Une des gazettes avec sa vie privée ou des prises de position chocs sur les réseaux sociaux.
Son Mantra “J’essaie de glorifier Dieu chaque jour de ma vie” n’est pas exactement le genre de phrase qui met en émoi la planète golf. Et puis, contrairement à Rory McIlroy par exemple, il est assez discret quand il s’agit de s’exprimer sur la guerre des circuits. Au vu de sa stature, on peut le regretter.
Mais sur un parcours, quand il s’agit de toucher les fairways, de planter les drapeaux et de gagner un tournoi, Scottie Scheffler est un tueur. Dans le bon sens du terme.
A l’issue du premier tour joué à ses côtés, Rory McIlroy n’avait pas caché son admiration pour le n°1 mondial, dont le seul talon d’Achille est peut-être le putting. Pour le reste, tout est impressionnant chez lui. « Scottie fait tellement du bon boulot sur le parcours (il a joué 66 lors du 1er tour). On a le sentiment qu’il n’a pas joué 66, et pourtant, il y a bien un 66 sur sa carte. Il est tellement efficace. Et totalement concentré sur le parcours pour scorer. Comparé au reste des joueurs, ce qui est phénoménal, c’est sa capacité à faire peu d’erreurs, peu de bogeys, et très très peu de double bogeys. »
Depuis le début de la saison, il n’en a concédés que deux. Un au Houston Open, un lors du 3e tour ici, au 10 d’Augusta.
Le meilleur depuis Tiger ?
Avec 10 victoires lors de ses 52 derniers tournois, Scheffler est qu’on le veuille ou non, un mâle dominant dans le monde du golf.
Depuis les années Woods, qui a surclassé de la sorte l’élite mondiale ? Il y a peut-être eu Dustin Johnson, Rory McIlroy, Jon Rahm, Jordan Spieth et Brooks Koepka, classables dans cette catégorie.
Mais qui, parmi eux, peut se vanter d’avoir été aussi régulier, aussi solide semaine après semaine que ne l’est le “gentil” Scottie ? Rory sans doute. DJ n’a que deux Majeurs et il parait sur le déclin depuis son départ sur le LIV Golf, comme l’illustre son 2e cut manqué depuis sa victoire en 2020 à Augusta. Rahm est aussi sur le “circuit des rebelles” et son avenir est incertain, Spieth a toujours eu un jeu “fragile” et Koepka n’a réellement dominé qu’en Grand Chelem. Son meilleur résultat en FedEx Cup ? Une 3e place en 2019.
Le double vainqueur du Masters, lui, n’a que 27 ans et son palmarès ne demande qu’à s’étoffer.
La marque des très grands
On n’a donc peut-être pas fini d’admirer ses glissades, non pas causées par un problème de crampons comme l’avait suggéré un consultant télé il y a quelques années (sic), mais par un swing atypique et diablement efficace.
Nul doute qu’il va continuer d’écraser le “stroke gained” dans le grand jeu et soulever d’autres trophées.
Et puis, il faut bien le dire, le futur jeune papa à la réputation d’être assez verni sur les parcours. Et pas qu’une fois. Cette semaine encore, il a rentré une sortie de bunker, ou encore un chip lors du 3e tour au 1 ! Il a aussi frôlé la catastrophe plusieurs fois mais a réussi à rebondir. La réussite ? C’est aussi la marque des grands champions…
©Andrew Redington/Getty Images/AFP