La semaine dernière, Golf Planète vous a fait découvrir la première rencontre France-USA qui s’est déroulée à Los Angeles en 1988 et à laquelle ont participé deux grands espoirs du golf américain : Tiger Woods qui avait 12 ans alors et Brandie Burton qui allait gagner à plusieurs reprises sur le LPGA.
Extraits de la vidéo France-Californie Junior Cup 1990
Les photos dans l’avion qui amenait Tiger et ses copains en France
Il y eut un match retour deux ans plus tard en France, à Paris et au Touquet. Première fois que Tiger quittait sa Californie : et en 90 comme en 88, celui qui était devenu le meilleur junior américain n’a perdu aucune rencontre… sauf une en partie amicale contre Alexis Godillot !
Côté golf, les parties ont été jouées sur les parcours de Chantilly, Saint-Cloud, Saint-Nom-La-Bretèche et au Touquet. Côté culture les visites de la capitale française, de Versailles et de la Côte d’Opale étaient au programme.
L’équipe française était composée de : Christian Cévaër, Christophe Pottier, Christophe Muniesa, Christofer Dahlström, André Mourgue d’Algue, Sébastien Delagrange, Christophe Ravetto et Jérome Spencer. Et chez les filles : Amandine Vincent, Julie Streichenberger, Anne Thévenin-Lemoine et Nathalie Godillot. Une équipe top pour effacer la défaite de LA. (Photo ci-dessous prise au Touquet).
GP a retrouvé certains acteurs de cet échange sportif et culturel qui vous racontent ces moments émouvants et inoubliables.
Et d’abord les organisateurs : Alain Sarfatti, basé à Los Angeles, et président fondateur du Club de La Tour, son ami Jerry Herrera qui fut le premier coach de Tiger.
Ah, les yeux de Tiger découvrant les plafonds de Versailles…
Alain Sarfatti
« Lors de l’été 1990, une équipe de jeunes golfeurs californiens débarque en France pour affronter une équipe de jeunes Français qu’ils avaient rencontrés deux ans auparavant chez eux. Parmi eux, Tiger Woods. En quoi, cette rencontre est-elle une événement ?
Depuis la première rencontre qui a eu lieu à Los Angeles en décembre 88 et que Golf Planète a présentée la semaine dernière, les responsables de cet échange sportif et culturel se sont mobilisés pour permettre aux jeunes Américains de venir jouer en France. Il s’agissait principalement de Jerry Herrera, pro PGA et coach de Tiger quand il avait entre 11 et 14 ans, de Fred Beauchêne, organisateur d’événements sportifs, d’Alexis Godillot, grand champion de golf et membre de Chantilly et de moi-même, président fondateur du Club de La Tour, basé à Los Angeles et à l’initiative de ce projet. Également, Thomas Eichler, conseiller financier et conférencier international et Michael Yamaki, représentant la famille Watanabe propriétaire du Riviera CC.
Objectif : une fois les institutions comme la PGA et la Ffgolf d’accord, trouver des sponsors pour financer un voyage à 16 personnes, 8 joueurs, 4 joueuses et 3 accompagnateurs PGA. Un somme rondelette qui couvrait les billets, les hôtels, les repas, les déplacements et les visites culturelles. TWA, Volvo, Nike, Titleist, La Mode et Ping, mais aussi des amis comme les chefs Michel Rostand et Paul Génin à Paris et Michel Richard à LA, ou le patron d’Expand Patrick Wallaert, ou encore Christian Bardin de Neutrogena m’ont aidé à boucler le budget.
Quatre clubs français ont accueilli ces jeunes golfeurs américains et français : Chantilly, Saint-Cloud, Saint-Nom-La-Bretèche et Le Touquet. Ils visiteront également les châteaux de Versailles et Chantilly et découvriront en voiture Paris, la Tour Eiffel, Notre Dame etc… Tous les Américains s’exclameront « Whouaaah » devant ces chefs d’œuvre : tel que le montre un film que nous avons tourné, il est amusant de voir Tiger Woods, 14 ans, lever son regard sur les plafonds de Versailles, songeur et admiratif. Émotion aussi quand on voit, dans ce film, les gosses s’échangeaient leurs polos et se congratulaient. Ou quand ils sont reçus par les grands chefs français.
Parlant du Tiger de 14 ans, laissez-moi préciser que ce n’était plus celui qui nous avions connu deux ans auparavant à LA. Il était beaucoup plus grand, plus fort. Un changement qui a frappé les observateurs et qui est dû à l’entrainement imposé par son père et ses coachs.
Grande réussite donc, d’autant que les Américains ont passé le jour de leur fête nationale, le 4 juillet, au Touquet où le maire Léonce Deprez et son adjoint Jacques Farkoa nous ont formidablement reçus.
Réussite sportive, réussite culturelle, dans le partage des valeurs du golf et dans une amitié naissante.
Nos six antennes du Club de La Tour ont assuré le bon fonctionnement de cet échange franco-américain et aujourd’hui, je forme le vœu que d’autres prennent maintenant le relais pour que ces échanges internationaux continuent pour la paix, le golf et le fun !
Il est vrai que la présence de Tiger Woods dans l’équipe californienne apporte une dimension supplémentaire, 30 ans après ! «
Le jeu de Tiger était déjà très complet et sa sportivité exemplaire
Christophe Muniesa
L’actuel directeur général de la Fédération Française de Golf nous a confié son souvenir sur cette rencontre internationale à laquelle il a participé en 90 :
La Ligue de Paris avait organisé en 88 une rencontre contre la ligue de Californie du Sud. Lors du match retour en 90, Tiger faisait partie de l’équipe, tout naturellement car à l’époque, il avait déjà gagné à plusieurs reprise l’US Junior Amateur.
J’ai joué contre lui et un de ses acolytes en foursome. Je faisais équipe avec Christofer Dalhstrom. Nous avons perdu au 17.
Je suis né en 1970 et Tiger en décembre 1975.
Il avait 14 ans, à l’époque.
Son jeu était déjà très complet mais il était encore loin de développer sa puissance maximale. Il était déjà assez grand (près d’1,80 M) et très longiligne. Même skinny !
Il portait de grandes lunettes à la Tom Kite !
Il était très discret, très poli et très agréable. Même assez effacé.
Sa sportivité était exemplaire (putts donnés, aide à la recherche de balles, bonne attitude générale….)
Son swing était très long (léger overswing) quasiment « féminin ». C’était avant qu’il ne s’engage dans un travail de fond avec Butch Harmon qui a œuvré à « raccourcir » son swing comme il l’avait fait plus tôt avec Greg Norman, afin de combiner puissance et précision.
L’après-midi de notre foursome, il a joué contre André Mourgue d’Algue qui a obtenu un bon match nul.
Ma partie contre Tiger Woods et sa suite, par André Mourgue d’Algue
Au printemps 1990, une rencontre officielle est organisée au Golf de Saint Nom la Bretèche entre les meilleurs jeunes de la Ligue de Paris et ceux de la Californie du Sud. J’ai l’honneur d’être sélectionné par Thomas de Kristoffy, le dynamique Président de Ligue de Paris, et son entraîneur, Georgie Leven. L’équipe compte notamment la présence de Christian Cévaër… Lors de la partie d’entrainement sur le parcours Bleu de Saint Nom, Georgie va scruter l’équipe adverse et revient en nous disant qu’ils ont une bonne équipe, et notamment un jeune très prometteur, au jeu de fer impressionnant…
Le lendemain, j’apprends 5 minutes avant mon départ que je joue finalement mon match contre ce jeune au prénom de Tiger. Arrive au départ un jeune longiligne avec des grosses lunettes carrées ; il est visiblement déjà dans sa « bulle ». J’ai l’honneur et je tape un bon drive sur le 1 du Bleu, trou légèrement en monté sur lequel on ne voit pas très bien la tombée du drive.
Ensuite Tiger tape un drive perçant, qui coupe le fairway en deux. Je me dis : « c’est bien tapé, cela va être intéressant de voir qui est le plus long de nous deux ! ». Du haut de mes dix-huit ans, je marche vers nos balles que j’aperçois enfin. En arrivant à la première, je vois que la seconde est 40 mètres devant. Je me rapproche et je me dis en regardant le numéro de la balle : «mince, c’est la mienne ! La journée va être longue». Je tape mon second coup, un bois 5 devant le green, et je rejoins Tiger juste après son coup pour lui demander ce qu’il avait joué. Un fer 8, il me répond. Je suis estomaqué.
En effet, j’ai été régulièrement spectateur des meilleurs joueurs du Monde lors du Trophée Lancôme. Sur ce trou il venait de jouer comme eux, un petit fer au second coup. Je lui demande ensuite ce qu’il fait dans la vie. « Je suis au lycée » me dit-il. Je rebondis en lui disant : « Ah bon, au lycée, mais quel âge as-tu ? » Et là, il finit de m’achever en me répondant « tout juste 14 ans ». Bref, la partie se déroule et je me retrouve 2 down au départ du 15.
Heureusement, je rentre un bon putt de 5 mètres au 15, un putt de 3 mètres au 16, un putt de 2 mètres au 17 et finalement un putt de 2m50 au 18 pour finir all square.
Dans l’euphorie, et ne sachant pas encore exactement contre qui je jouais, je demande à partir en play off au 1 ! Fort heureusement pour moi, je suis arrêté par un officiel qui m’indique qu’il n’y pas de play-off dans cette rencontre. De retour au restaurant panoramique de Saint Nom, je rencontre Christian Cévaër qui me demande avec un grand sourire « Alors, qu’est-ce que tu as fait contre Tiger ? ». Je lui réponds « Match nul, je n’ai malheureusement pas pu partir en play off au 1».
Christian n’en revient pas et il me dit « c’est vrai ce que tu me racontes ? ». Plein d’innocence, je lui dis que oui et que « Tiger aurait dû me battre mais qu’il ne m’a pas fermé la porte et que j’ai pu m’en sortir grâce à mon putting sur les 4 derniers trous ».
De là, il m’explique qui est Tiger et qu’il est en train de battre tous les records de précocité aux USA, notamment ceux établis par Ben Crenshaw (grand champion de l’époque).
Pour l’anecdote, ma mère, capitaine de l’équipe de France à l’époque, ira à l’Orange Bowl en Floride l’année suivante pour accompagner les meilleurs français dont ma soeur Kristel. Elle rencontrera le père de Tiger et ils s’apercevront que leurs fils avaient joué ensemble à Saint Nom l’année d’avant. En bon militaire qu’il était, il confiera à ma mère avoir dit à Tiger, suite à son expérience en France, « Ne sous-estime jamais ton adversaire »…
En 2001, mon père, fondateur du Trophée Lancôme, me fait revenir des États-Unis pour l’édition du Lancôme du 20 septembre 2001 à Saint Nom. Une rencontre avec Tiger est même envisagée, « si l’agenda de Tiger lui permet » écrit son agent Mark Steinberg…
Malheureusement les événements du 11 septembre 2001 entrainent l’annulation de la venue de Tiger et de la possibilité de le revoir à Saint Nom plus de 10 ans après le match. Avec le recul et l’âge, je réalise à quel point c’était un miracle d’avoir fait match nul contre lui et à quel point le Lancôme 2001 fût à deux doigts de mettre le golf sur orbite en France avec la venue du prodige.
Les Résultats :
J’ai battu un Tiger, timide, longiligne, qui avait 30 ans de moins que moi
Alexis Godillot
Dans quelles circonstances s’est déroulée votre partie avec Tiger Woods en 1990 ?
AG : Fred Beauchêne et Alain Sarfatti du club de La Tour basé à Los Angeles avait organisé une rencontre franco-californienne à Paris cette année-là entre jeunes joueurs américains et français. Cette mini tournée à l’organisation de laquelle j’avais participé faisait étape dans mon club de toujours, le golf de Chantilly qui a reçu cette année-là l’Open de France.
Entre deux parties officielles, on m’avait proposé une partie amicale avec celui qui apparaissait déjà comme une future star du golf. J’avais 46 ans alors et TF1 avait filmé cette partie entre le jeune champion junior des USA et moi-même qui était toujours en équipe de France mais qui ne jouait plus les premiers rôles.
Comment s’est passée cette partie ?
Très bien. La première chose à retenir est que Tiger qui avait 14 ans n’était pas très disert car il était très timide. Il portait de grosse lunettes. La conversation était difficile : il ne parlait pas le français, il ne connaissait pas le parcours et nos échanges ne portaient que sur des questions techniques. Il jouait très bien, avec une technique très souple, très instinctive, très naturelle. Rien à voir avec le Tiger qu’il allait devenir plus tard. Le niveau était plutôt élevé…
Et vous avez gagné !…
Oui ! J’ai gagné 1 up contre Tiger. Je ne sais pas comment parce que j’étais très mal parti et puis il s’est un peu égaré dans les roughs. J’ai pu recoller et le battre au 18.
Avant de le rencontrer à Valderrama lors de la Ryder Cup, je l’avais revu lors d’un tournoi international à la Boulie quelques année plus tard et on avait alors pu converser ensemble. Je vous rassure : il n’avait pas été traumatisé par sa défaite à Chantilly !
Aviez-vous deviné l’immense champion qu’il allait devenir ?
Franchement, à cet âge, il était très fin, longiligne. On savait qu’il était un bon joueur mais on était loin d’imaginer ce qu’il est devenu. Le seul indice qui pouvait laisser penser cela était la présence de son père, un ancien Marine, qui avait pour objectif de faire de son fils le meilleur joueur du monde. Et le premier Noir à l’être. On sentait bien chez le père sa détermination et son autorité sans faille. Tiger n’avait aucune liberté vis à vis de son père. Ce qui pourrait expliquer les débordements du fils par la suite.
J’ajouterai que je me souviens bien d’une conversation avec le père qui m’avait expliqué l’origine du choix du prénom Tiger qu’il avait donné à son fils. C’était en souvenir d’un ami colonel vietnamien qui avait disparu alors qu’il combattait ensemble là-bas et qui portait ce prénom…
Quelle leçon avez-vous retenue de cette rencontre ?
Toujours la même leçon : le golf est un langage commun extraordinaire. Sur un parcours, on parle la même langue ! On se débrouille toujours pour se comprendre.
Et quel plaisir de voir des jeunes jouer en équipes ! Le jeu en équipes donne toujours une autre dimension au golf. Que ce soit au niveau régional, national ou international. Des échanges sportifs qui sont aussi des échanges culturels.
La rencontre de 91 a aussi été une parfaite réussite
Michel Brocas
Forts de ses succès en 88 et 90, Alain Sarfatti, Jerry Herrera, Alexis Godillot et leurs amis ont organisé une troisième rencontre à Los Angeles en 1991. La création par Alain Sarfatti de la Fondation Junior Golf Cluc de La Tour a ainsi permis le financement total du déplacement des 9 personnes sélectionnées par la Ligue de Paris.
Le docteur Michel Brocas, membre de Saint-Cloud et arbitre national, a été le seul accompagnant français pour cette ultime tournée à LA. Son fils Julien faisait partie des 8 jeunes joueurs français sélectionnés. Greg Havret était du voyage !
« J’étais le seul parent à avoir fait le déplacement en Californie. J’étais disponible et la présence de mon fils m’a encouragé à y aller. La comète Tiger ne faisait pas partie de l’équipe américaine : il était déjà parti pour des cieux du golf plus élevés.
J’ai un très bon souvenir de cette rencontre sportive et culturelle, très bien organisée par les deux pays.
Les parties se sont jouées sur deux parcours : pour nos déplacements, je conduisais une voiture et Alain une autre. Nous étions logés à l’Hotel Industry Hills près d’un parcours.
Je me souviens de nos visites de Disney, Hollywood, Venice, Universal… Les enfants étaient ravis de découvrir ces lieux qui les faisaient rêver.
Je dois avouer que j’ai aussi un fort souvenir personnel dans la mesure où mon fils Julien avait été remarqué par le pro PGA Jerry Herrera : très gentiment, celui-ci l’a dirigé vers un coach connu, Tom Sargent, qui l’a fait travailler pendant plus d’un mois l’année suivante. Julien a même obtenu des places d’honneur dans des tournois américains… Malheureusement, il a préféré ne pas lâcher ses études françaises et n’a pas pu continuer sur le circuit américain. J’ai trouvé qu’il y avait un peu de gâchis dans cette décision, tellement il avait du talent ! Mais il continue dans le golf au sein de la fédération et c’est une satisfaction.
Un dernière image me revient : une soirée de folie pour le réveillon du 31 décembre, dans une immense et belle villa de Beverly Hills, peuplée de très jolies femmes !…. (photo ci-après).
Ont participé à cette rencontre 91 : Olivier Addad, Julien Brocas, Marc Duheim, Gregory Havret, Alex Belmont, Arnaud Corbin, Vincent Geoffrey et Alex Prunet.
À noter que Julien Brocas s’occupe du sport amateur à la Ffgolf.
En guise de conclusion
Voilà pour cette aventure basée sur un échange interculturel et sportif monté par Alain Sarfatti et Jerry Herrera avec l’aide de Fred Beauchêne et de nombreux sponsors.
Beaucoup de personnalités et de médias avaient salué à l’époque cette initiative. Nous avons retenu pour conclure les mots de Thomas H. Eichler, un célèbre avocat californien qui se souvenant de ces rencontres internationales écrivait en janvier dernier, une ode à Alain ainsi libellée :
« Ce Français charismatique était d’abord la joie de vivre. Son Club de La Tour auquel j’ai adhéré volontiers s’est développé rapidement à Paris et Los Angeles…
Lui et son adorable femme Martine ont toujours rapproché des personnes d’origine très différente. Leur sens de l’humour et leur propension au bonheur partagé nous ont toujours séduits… Des qualités qu’il ont mis au service du golf et des rencontres internationales »….
Contact : Alain Sarfatti , alainnsarfatti@gmail.com tel : 06 23 42 99 01
Photos : Droits réservés, Jerry Herrera, Alain Sarfatti, JLC, Archives Golf Planète.
Merci à tous pour leur autorisation de publication.
La presse américaine salue cet échange
sportif et culturel franco-américain :