Bernard Pascassio, l’un des plus grands golfeurs français de l’ère moderne, ulcéré par la situation actuelle où le PGA Tour et le LIV Golf n’arrivent toujours pas à s’entendre pour le bien commun du golf professionnel, souhaite du changement. Pour le Basque de 77 ans, le salut de son sport préféré passera par un Tour mondial, à l’image de ce qui existe déjà dans le tennis.
L.V.
On ne présente plus Bernard Pascassio. Numéro 1 français en 1984, neuf fois retenu en équipe de France pour la Coupe du monde en compagnie de Jean Garaïalde, champion d’Europe 1976 en battant nos amis anglais, consultant reconnu dans le monde audiovisuel… Il a également eu la lourde tâche d’organiser pendant presque 20 ans l’Open de France, tout en créant en parallèle le golf du Médoc en 1988. Son expertise sur le golf tricolore mais aussi mondial fait donc référence. Alors quand le Basque daigne prendre son téléphone et nous appeler pour nous expliquer pourquoi le golf professionnel est aujourd’hui « en danger », on l’écoute. Presque religieusement.
« On est en train de détruire ce que nos illustres anciens ont construit à l’image d’Arnold Palmer aux Etats-Unis et Severiano Ballesteros en Europe, souffle-t-il d’entrée. Les pros ont des droits mais ils ont aussi des devoirs. Il faut que les tournois soient plus forts que les joueurs. Je l’ai entendu maintes et maintes fois quand on organisait avec Patrice Clerc l’Open de France. J’ai à ce titre toujours été contre les primes de départ… »
Aujourd’hui, c’est l’argent qui est roi dans le golf. Ce n’est pas comme ça que l’on construit une entreprise et surtout un avenir. Je trouve que les responsables du golf ne sont pas visionnaires.
Bernard Pascassio
Il fait bien sûr ici allusion aux sommes records qui circulent sur le PGA Tour, mais aussi sur le circuit dissident créé en 2022 sous l’égide du Fonds d’investissement public (PIF) d’Arabie saoudite, le LIV Golf, capable de débaucher à coups de centaines de millions de dollars les meilleurs joueurs évoluant aux Etats-Unis mais aussi sur le DP World Tour.
Pour Bernard Pascassio, cette situation a assez duré. Cette fusion annoncée en juin 2023 et qui n’a toujours pas vu le jour – du moins à l’heure où nous écrivons ces lignes – doit prendre effet le plus vite possible. Pour le bien de tous et notamment pour les fans devant leur poste de TV qui désertent de plus en plus les retransmissions, faute d’une élite réunie et d’un déferlement financier qui frise souvent l’indécence.
« Aujourd’hui, c’est l’argent qui est roi dans le golf, regrette-t-il. Ce n’est pas comme ça que l’on construit une entreprise et surtout un avenir. Je trouve que les responsables du golf ne sont pas visionnaires. Le golf est aujourd’hui devenu mondial et je pense qu’il est temps d’apporter des évolutions qui sont nécessaires. »
Aller partout dans le monde, comme sur l’ATP au tennis…
A l’image de ce qui se fait dans le tennis, Bernard Pascassio imagine un Tour mondial qui visiterait tous les continents, ou du moins tous les pays où le golf est assidument pratiqué. A ce titre, il rejoint ici quelque part le vœu de Pascal Grizot, le président de la Fédération française de golf, mais veut aller encore plus loin. Notamment en restructurant les droits d’entrée sur certains tournois du Grand Chelem, comme le Masters par exemple.
« On joue aussi bien en Corée, au Japon, en Australie, en Afrique du Sud, en Europe, et pourquoi pas demain en Arabie saoudite, analyse-t-il. Il faudrait mettre en place un Tour mondial avec par exemple une quinzaine de tournois aux USA, deux au Japon, trois en Chine, quatre en Europe, cinq en Afrique… Tout cela autour des quatre Majeurs. Comme l’ATP le fait dans le tennis. J’approuve complètement le projet de Pascal Grizot. Mais la seule différence avec ce que je souhaiterais, c’est que lui veut prouver que l’on peut faire jouer l’élite du golf en dehors des Etats-Unis. Je n’irai pas jusque-là… »
J’aimerais aussi que les quatre tournois du Grand Chelem fassent preuve d’un minimum de cohérence. Les 100 premiers mondiaux doivent être systématiquement qualifiés. Même au Masters.
Bernard Pascassio
« J’aimerais aussi que les quatre tournois du Grand Chelem fassent preuve d’un minimum de cohérence, poursuit-il. Les 100 premiers mondiaux doivent être systématiquement qualifiés. Même au Masters. Mon rêve est d’avoir l’élite du golf ensemble. Voir Cameron Smith partir sur le LIV Golf, ça me fait mal au cœur. DeChambeau, Koepka, Rahm apportent du spectacle. Qu’ils se confrontent avec tous les autres, c’est quelque part mon rêve. Ce n’est pas normal qu’il n’y ait que les 50 premiers joueurs mondiaux au Masters alors que les 150 premiers au classement mondial peuvent gagner. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Gary Player. Aujourd’hui, l’élite s’est agrandie. Dans les années 60 ou 70, seuls 30 joueurs, et encore, pouvaient gagner. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Je pense qu’il faut vivre avec son temps. »
Deux tours en stroke play, les deux autres en shot gun…
Pour rendre tous ces rendez-vous encore plus attractifs, notamment aux yeux des néophytes, il imagine quelques « retouches » dans la structure même d’un tournoi, allant jusqu’à scinder les quatre tours en deux « sessions » distinctes. Deux premiers tours en stroke play comme c’est le cas actuellement, et les deux tours suivants dans une formule plus spectaculaire.
« Pourquoi ne pas instaurer un shot gun après deux tours, souligne-t-il. Pendant quatre-cinq heures de retransmission, on aurait du golf intense à la TV, et on verrait tout le monde en même temps… Jouer peut-être 72 trous dans les Majeurs mais réduire à 54 trous les autres tournois. Comme le fait le tennis aujourd’hui où on joue en cinq sets dans les Grand Chelem et en trois sur les autres tournois. Pourquoi pas ? Je cherche des solutions pour rendre ce sport plus attrayant. Je n’ai pas la prétention d’avoir la solution. Mais franchement, aujourd’hui, à la TV, je ne regarde que le samedi et le dimanche… Le reste du temps, ça m’ennuie ! »
Pour moi, Jon Rahm n’est plus un vrai Basque. Quand un Basque donne sa parole, c’est pour la vie.
Bernard Pascassio
Difficile toutefois d’imaginer un Open britannique à St Andrews (ou ailleurs) se jouer autrement qu’en élançant tout le champ depuis le tee n°1, entre 6h30 du matin et 16h00 l’après-midi. On le sait, le Royal & Ancient est très sensible aux traditions. Pas sûr par conséquent que ces éventuels ajustements (ou changements) soient accueillis favorablement dans le Saint des Saints…
Une chose est sûre, pour Bernard Pascassio, il faut agir vite. Et qu’on ne vienne plus lui parler des attitudes de certains golfeurs ayant préféré rejoindre « le côté obscur de la force » après avoir répété à l’infini que jamais, ô grand jamais, il ne quitterait le « cocon familial ». Il vise ici en particulier l’Espagnol Jon Rahm qui, selon lui, a trahi la cause…
« Il faut arrêter l’hypocrisie, conclut celui qui est membre de la PGA Europe depuis plus de 35 ans. Quand j’entends Jon Rahm dire qu’il est parti sur le LIV Golf pour avoir une vie plus paisible en famille, être plus souvent auprès des siens, et que finalement, on le voit revenir jouer en Europe… Quand il touche 500 millions de dollars pour aller sur le LIV et que dans le même temps, un tournoi du Challenge Tour est à 250 000 euros pour 156 joueurs, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. Pour moi, Jon Rahm n’est plus un vrai Basque. Quand un Basque donne sa parole, c’est pour la vie. »
Photo : JACQUES DEMARTHON / AFP