C’est dans un entretien exclusif réalisé par Fabien Pigalle, l’ancien directeur du Old Course de Cannes Mandelieu et publié dans l’Equipe, que Victor Dubuisson a confirmé l’arrêt définitif de sa carrière. L’ancien numéro 15 mondial avait perdu la flamme, 13 ans après ses débuts sur le circuit.
Au lendemain de son retrait de la liste des inscrits aux qualifications du LIV Golf,Victor Dubuisson a enfin lâché ses vérités dans l’Equipe. Des mots, des phrases qui sonnent comme des aveux.
La solitude était devenue extrêmement pesante.
Une façon aussi de lever le voile sur le joueur énigmatique qu’il a été ces derniers temps et d’éclairer ses nombreux fans en quête d’explications pour comprendre ce champion unique à la carrière aussi mystérieuse qu’incroyable.
« Ça fait quelques années que je réfléchis au fait que j’ai décroché depuis quelque temps de ma vie de golfeur pro. J’avais de plus en plus de mal à supporter la vie sur le Tour. C’est formidable, mais la solitude était devenue extrêmement pesante. En tout cas pour moi. J’ai l’impression d’avoir atteint mes limites et je sais que je peux trouver du plaisir ailleurs », avoue le Cannois âgé de 33 ans.
« J’ai vécu beaucoup de choses ces 15 dernières années. J’ai 90 % de bons souvenirs car je ne retiens que le positif. Ces dernières années ne se sont pas bien déroulées mais j’avais besoin de ça pour tourner la page. C’est la vie, pour moi ce n’est pas une fin. »
Plus loin il évoque les regrets qu’il a pu susciter chez ceux qui ont vu en lui un joueur hors du commun comme lorsqu’en Ryder Cup en 2014 il participe activement à la victoire de l’Europe à Gleneagles (Ecosse) aux côtés de Graeme McDowell, entre autres. Roger Damiano son premier coach, Benoit Ducoulombier, celui qui l’a mené vers les sommets, et Pascal Grizot, qui fut son capitaine en Equipe de France, sont de ceux-là, et Dubuisson n’a pas manqué de les remercier pour l’avoir accompagné autant que supporté.
« Ces frustrations, je les comprends. Je suis même d’accord avec ça. Oui, j’aurais pu faire plus [..] Je n’étais pas du tout prédestiné à avoir cette carrière. Beaucoup de personnes diront que j’aurais pu faire plus et que j’aurais pu être numéro 1 mondial. Mais ma force, c’est de me satisfaire de ce que j’ai eu. Je m’en contente amplement. Je ne vis pas dans le regret. »
Il fallait que je gagne vite ma vie pour ma mère et ma sœur. C’était une énorme pression.
Sa décision de raccrocher, aussi surprenante soit-elle, intervient alors qu’il avait réussi à obtenir une invitation pour participer aux épreuves de sélection du LIV. Le circuit dissident financé par l’Arabie saoudite via le PIF (Fonds d’investissement public) et qui aurait pu convenir à son désir de jouer moins pour se consacrer à ses autres passions.
« J’ai effectivement reçu une invitation il y a 10 jours et j’en suis flatté. C’était une belle opportunité, mais j’ai beaucoup réfléchi et ce n’est pas ce que je souhaite au fond de moi. Je sais que ça peut choquer mais je ne suis pas une personne d’argent. Je n’organise pas ma vie en fonction de ça », explique un Dubuisson sur lequel la pression n’a jamais semblé avoir de prise.
Heureux comme Victor
« Je suis parti de rien donc je suis extrêmement satisfait de ce que j’ai fait. […] Je ne jouais pas au golf pour moi, mais pour ma famille. Il fallait que je gagne vite ma vie pour ma mère et ma sœur. C’était une énorme pression. J’étais 50 fois moins stressé à la Ryder Cup. »
Fatigué par cette vie de pro qui l’a mené partout dans le monde, il reconnait qu’il n’éprouvait de plaisir que dans les résultats. Des extases sportives qu’il n’avait plus connues depuis sa 4e place à Abu Dhabi en janvier 2022.
Alors même s’il avait conservé un droit de jeu sur le DP World Tour pour 2024, il déclare sans hésiter qu’il aurait fait le même choix.
« Je suis content et soulagé de ça. Il n’y a plus de retour en arrière. »
©PhilIppe Millereau KMSP via AFP