Après sa première victoire dans les Rolex Series, dimanche à Abu Dhabi, le héros du jour, Victor Perez, est revenu sur sa progression retardée par la pandémie de Covid-19 et sur la manière dont il a retrouvé ses sensations cet hiver.
Vous gagnez dès le début de la saison, alors qu’il y a la Ryder Cup en septembre. Comment se sent-on après une telle victoire ?
Je sentais que je m’étais bien préparé, en prenant le temps de travailler ce que je voulais travailler. C’est difficile et c’est rare d’y arriver, car la saison est tellement chargée, avec tellement de tournois. Ce n’est pas évident de bien s’entraîner, et il faut aussi se reposer. J’ai décidé de ne pas jouer du tout en décembre pour bien préparer la saison suivante, avec bien sûr la Ryder Cup en ligne de mire.
J’ai pris une claque (sur le PGA Tour), j’ai dû faire preuve d’humilité, mais c’est souvent comme ça dans une carrière
Quand sont arrivés les premiers signaux positifs ?
La semaine dernière (Ndlr, à la Hero Cup), j’ai pu commencer à voir où en était mon jeu, en match play, avec un partenaire pour m’aider. Guido (Migliozzi) m’a tiré d’affaire plusieurs fois. Du coup, je donnais l’impression de bien jouer, et là tout d’un coup je me retrouve tout seul. J’ai fait un bon simple contre Jordan (Smith) dimanche (Ndlr, victoire 4&2), ça m’a donné confiance, mais ce n’était qu’un round de golf. Alors arriver ici et mettre tout ensemble sur 72 trous, sur un parcours difficile, avec le vent, en n’ayant joué qu’un seul round dans des conditions plus fraîches, vendredi matin, je ne peux être que ravi de cette victoire.
Cette victoire change-t-elle vos objectifs pour la saison à venir, notamment par rapport aux dix droits de jeu à gagner sur le PGA Tour ?
Idéalement, je pense que c’est l’objectif de tous les joueurs. Et nous avons de la chance que le DP World Tour nous donne cette opportunité. Ce sera plus facile d’aller sur le PGA Tour avec ces dix cartes à prendre en fin de saison. Et comme les Rory McIlroy et autres Jon Rahm seront qualifiés d’office, il sera possible d’obtenir une carte en étant autour de la 20e place en Europe, sans avoir besoin d’être forcément dans le top 50 mondial. Parce que si on n’a pas assez de points, il faut faire des grosses performances ou aller aux finales du Korn Ferry Tour pour avoir une chance… C’est très difficile. On peut être appelé à la dernière seconde pour jouer un tournoi. C’est un peu comme si on jouait à l’extérieur, d’une certaine manière. Nous ne sommes pas toujours les bienvenus, l’environnement est différent, et il faut prouver qu’on est capable de bien jouer dans des gros tournois.
Vous étiez un temps pressenti pour jouer le Saudi International. Pourquoi avez-vous changé votre fusil d’épaule ?
Je me suis posé la question mais mes deux objectifs de début de saison sont de décrocher une des dix cartes qui ouvrent les portes du PGA Tour et de me qualifier pour la Ryder Cup. Je voulais prendre un bon départ et j’ai réussi à le faire. La dotation est plus importante évidemment au Saudi (Asian Tour) mais je ne dois penser qu’à marquer le plus possible de points. Donc j’irai à Ras el Khaïmah après cette semaine à Dubaï. Ensuite, je ferai une pause certainement.
Les gens vivent et respirent le golf en Ecosse, ils sont toujours en train de nous soutenir, ils veulent vraiment qu’on réussisse, mais ils ne sont pas intrusifs du tout
Qu’est-ce que ça vous fait de finir premier des « Ecossais » ? Et qu’est-ce que ça vous apporte de vivre en Ecosse ?
C’est fantastique. Je vis en Ecosse depuis six ans, et la culture du golf, dans tout le Royaume-Uni, c’est quelque chose qui m’aide dans le développement de mon jeu. Les gens vivent et respirent le golf en Ecosse, ils sont toujours en train de nous soutenir, ils veulent vraiment qu’on réussisse, mais ils ne sont pas intrusifs du tout. Ici, les gens ont beaucoup de respect pour les golfeurs professionnels, et les Ecossais sont toujours contents de nous voir nous entraîner au practice, sans nous déranger.
Vous avez aussi changé de lieu de vie en passant de Dundee à Edimbourg…
Oui, on a franchi un palier (rires) ! Je vis désormais à Edimbourg et je m’entraine au Renaissance Golf Club, qui reçoit le Scottish Open. J’espère encore pour quelques années. Les conditions sont parfaites pour s’entraîner, je me sens comme chez moi avec d’autres joueurs écossais. On est très bien reçus. Ce n’est pas très loin de là où je vis maintenant et avoir la possibilité de jouer sur un parcours d’un tel niveau vous oblige à être performant. Il y a toujours du vent, ou quelque chose qui rend le parcours “challenging”.
Le golf européen est-il en train de progresser selon vous ?
Je pense que le golf européen est en très bonne forme et on l’a vu la semaine dernière à la Hero Cup. Ca me fait encore plus plaisir que mes résultats personnels. Il y a beaucoup d’Européens qui commencent à bien jouer sur le PGA Tour. Certains étaient à la Hero Cup la semaine dernière. Ils ont bien joué, et là ils retournent sur le PGA Tour. Cela nous inspire, c’est quelque chose que nous souhaitons tous faire.
Ce n’est pas réaliste de penser qu’on va rester dans le top 5 ou le top 10 mondial pendant 15 ans. C’est possible, mais ça demande beaucoup de travail
En 2019, vous étiez 29e au classement mondial, c’était une bonne année pour vous. Après il y a eu le Covid. Qu’avez-vous fait depuis et comment expliquez-vous que ça aille mieux depuis la fin de l’année dernière ?
C’était vraiment difficile pour moi parce que j’étais sur une belle série de performances, à la fin de l’année 2019 et jusqu’au début de 2020. J’ai fini 2e à Abu Dhabi en 2020 sur l’autre parcours, celui qu’on a joué la semaine dernière (Ndlr, Abu Dhabi Golf Club), et j’étais vraiment au sommet de ma forme. J’étais entré dans le top 50. Mon rêve était en train de se réaliser… Jouer le Masters, jouer les Majeurs, devant beaucoup de monde. Et tout d’un coup, d’un jour à l’autre, tout s’est arrêté. Il y a eu des morts, c’est terrible, donc il fallait arrêter, c’est certain, et des mesures ont été mises en place pour qu’on puisse jouer à nouveau.
Regrettez-vous cette première expérience sur le PGA Tour ?
Quatre mois plus tard, le PGA Tour repartait, avec des règles précises, mais pour moi c’était très difficile parce que j’ai dû m’exiler aux Etats-Unis. On ne pouvait pas s’entraîner au Royaume-Uni, pendant une longue période. Et si je regarde en arrière, il y a deux ans, ce n’était pas réaliste de penser que je pourrais obtenir des résultats en Amérique alors que je n’avais pas joué au golf pendant quatre mois, contre des gars qui s’étaient entraînés et connaissaient les parcours. C’était injouable.
Pensez-vous, avec le recul, que vous auriez dû rester en Europe ?
J’ai peut-être été un peu candide, mais je n’allais pas non plus m’arrêter complètement de jouer. Alors ok, j’ai pris une claque, j’ai dû faire preuve d’humilité, je suis revenu en Europe, mais c’est souvent comme ça dans une carrière. Il y a forcément des hauts et des bas, des bonnes années et des mauvaises années. Ce n’est pas réaliste de penser qu’on va rester dans le top 5 ou le top 10 mondial pendant 15 ans. C’est possible, mais ça demande beaucoup de travail.
Photo: Warren Little/Getty Images Europe via AFP