Courte leçon de choses… Déplacer sa balle ne serait-ce d’un millimètre au golf, sans le dire, et c’est la honte. Rapporté au quotidien de chacun de nous, qu’est-ce qu’on va chercher comme poux dans la tête d’un joueur pour un écart aussi riquiqui ?
Voilà bien une remarque de béotien qui ne sait sans doute pas que le joueur est son propre maître-arbitre au golf, se battant à la fois contre le parcours et les autres concurrents. La tradition veut donc que les golfeurs soient blanc-bleu et propres sur eux, et ils le sont majoritairement en toute confiance.
Soupçons, première époque
A 30 ans, quand donc Patrick Reed rejoindra-t-il les rangs d’une honnêteté sans nuage que son passé lui dénie ? Récent vainqueur à San Diego, il présente un palmarès en or, Masters compris, depuis son passage chez les pros en 2011, plus deux titres nationaux amateurs avec son université à Augusta quittée sur des soupçons de vol dans les casiers de ses coéquipiers. «Non, non, non», soutient-il mordicus contre l’évidence, mais ça fait tâche.
Dans le collimateur
En 2019, jouant un riche tournoi sous l’égide de Tiger Woods, Reed omet son vrai score sur une sortie de bunker, son club ayant touché le sable de façon interdite, images vues et revues à la télé. «Non, non, non» derechef, affirmant que l’angle de prise de vue TV est trompeur. Sursis au bénéfice du doute pour ce talent déjà plus dans les petits papiers, ni de son père qu’il maltraite de façon éhontée, ni de ses pairs en Ryder et Presidents Cup peu convaincus.
Faire à sa façon
Ce déficit d’amour est conséquent, mais ne semble pas l’affecter. A Torrey Pines au 3ème tour du Farmers, il s’octroie un drop gratuit sur un incident de jeu qui, à nouveau, interpelle ses camarades du PGA Tour. Ne faisant pas les choses dans l’ordre, peut-être naïvement, il s’embrouille dans une affaire de balle « pluguée » dans le rough. Sans prévenir son adversaire, il lève sa balle, puis semble creuser dans le rough la petite dépression qu’un plug laisserait.
Entourloupe ou pas ?
L’arbitre arrive, analyse et ne voit rien à dire. Pourtant, le ralenti de l’image télé ne dédouane pas Reed, le premier rebond de sa balle rendant impossible un plug. Alors y a-t-il entourloupe ou pas? Parce les faits sont contre lui et que son comportement chagrine, il est vite condamné par ses pairs, alors que le PGA Tour éclaircie ce Captain America de poids en Ryder Cup.
Brebis galeuse
L’impeachment n’est pas pour cette fois. Grande gueule sûrement, naïf sans doute. Toujours “borderline”. Au golf, on ne triche donc pas, de quelque façon que ce soit. Mais nul n’étant parfait en ce bas monde, voyez ce joueur pas au mieux après un trou ou deux, ce qui l’insupporte naturellement. Alors il fait un peu bande à part s’écartant de ses partenaires.
Loin des yeux, il améliore son lie (position de la balle) ou arrange son comptage de coups joués. « Combien fais-tu Jules? » « Cinq », annonce-t-il, au lieu du huit trop réel, en oubliant ici une pénalité, là un mauvais coup.
Maladif, compulsif ou gagne-petit, ce comportement finit par être découvert. Peut-être alors juste soupçonné, déjà une honte, le joueur est mis au ban du club. A ce stade, on ne se refait plus, la tâche indélébile le suivra partout.
Histoires vécues. Et vous?
Souvenirs… Michel, tennisman classé, découvre le golf, passe ses journées au practice pour descendre son handicap à zéro, trichant de toutes les façons possibles pour vite y arriver, passant juste entre les gouttes. Un jour, guetté sans relâche de tournoi en tournoi, il retrouve « sa » balle perdue dans le bois alors que la vraie est contrôlée par un membre du comité, présent dans la zone de recherche. « J’ai », s’époumone-t-il, avant d’être dégradé et exclu du club. On ne l’a plus revu sur un fairway. Dommage, le type était talentueux et sympa.
Plus rigolo, ce joueur dont la balle n’est pas vue sur le green d’un long par 3. Caché par le relief en contre-bas arrière, il lâche une balle de sa poche avec un « Ca y est, je l’ai » bien sonore. Problème, au même moment, ses compagnons trouvaient la vraie balle au fond du trou pour un « hole-in-one », performance désormais inracontable, justifiant son renvoi.
Mieux encore avec des jumeaux
D’aucuns se souviennent des pro-am haut-de-gamme montés par Mark McCormack (IMG) pour le compte d’une banque sise à Genève dont chaque édition est animée par des stars, Palmer, Player, Floyd, de Vincenzo, ou encore Norman, Price ou Miller en 1994 et, côté tricolore, Garaialde et Pascassio. Lors d’une édition à Divonne-les-Bains, un team d’amateurs (disons Pierre, Paul et Edmond) prend la tête grâce au + 2 de Pierre index 14. Score si surprenant qu’on appelle son club pour contrôler ce handicap.
Le lendemain, les habituelles photos exposées et toutes les parties en jeu, une spectatrice se demande où est l’ami Pierre qu’elle ne voit nulle part. Trois questions plus loin, on comprend que ce Pierre est un faux, pro de son état venu au nom de son frère. Apprenant sa découverte, il s’esquive vite à l’anglaise sans même finir la partie. Et le team VIP décapité, qui n’en peut mais, de recevoir son prix quand même, autre bizarrerie…
Réputations mises à mal
Aujourd’hui, le golf est sous la loupe du media audiovisuel, mettant ses qualités en exergue, ce qui est l’essentiel, mais aussi les dérives et les comportements inadéquats de certains. Les jeunes pousses, maîtres dans l’art du mimétisme, absorbent tant les jolis swings que les énervements, vociférations, clubs volants, noms d’oiseaux, ce qui est courant, et les tricheries soupçonnées, d’autant plus intrigantes qu’elles sont rares.
Ainsi, parle-t-on encore de Vijay Singh, à peine connu, accusé d’avoir tripoté sa carte de score lors d’un tournoi indonésien en 1983. Exact ou non, ça colle toujours à l’image du champion fidjien, devenu depuis un vainqueur majeur.
D’autres joueurs moins en vue sont montrés du doigt au bar en fin de journée. Tel pro suédois ou français à l’Open de France dans les hautes herbes de l’Albatros où il s’est cru invisible, ou encore ce professionnel connu habitué des pro-am qui, s’il marque bien les scores de son quatre-balles trou par trou, se trompe volontiers de ligne… Il faut de tout pour faire un monde, mais on aimerait bien s’en passer
Philippe P. Hermann
Photo Principale SIMON BAKER / AFP / Getty