Alors que les Jeux Olympiques vont se dérouler dans les jours prochains au Japon, Golf Planète a demandé à son expert irlandais Ivan Morris son opinion sur la compétition de golf de cette manifestation internationale.
Sa réponse lance un débat qui tiendra toutes ses promesses dans nos clubs-houses et ailleurs !
Rappelons que la France y sera représentée par Antoine Rozner et Romain Langasque.
Comme une sorte de déprime
Les 60 golfeurs automatiquement qualifiés pour les XXXIIe Jeux Olympiques qui vont se dérouler bientôt au Japon sont désormais connus. Ils ont été désignés selon leur classement plutôt que par un processus de sélection fixé par leurs fédérations nationales. L’épreuve masculine se déroulera du 29 juillet au 1er août et le tournoi féminin du 4 août au 7 août.
Je dois admettre que tous les sports olympiques, et le golf en particulier, me plongent dans une certaine déprime aujourd’hui. Gagner une médaille olympique n’est plus considéré avec le même respect qu’avant.
Cette récompense devrait être le summum absolu de tout exploit sportif ; or, au golf en tout cas, ce ne sera jamais le cas. Le golf a ses quatre majeurs (masculins) et il n’y en aura jamais de cinquième. Gagner une médaille olympique sera toujours très loin de l’objectif du jeu de golf géré par le Royal & Ancient.
La Fédération Internationale de Golf compte 116 pays membres. Guam et le Cambodge étant les derniers à y avoir adhéré. Je pense qu’on peut toujours trouver un jeune sportif naturellement talentueux dans n’importe quel pays qui, bien entraîné, pourrait courir aussi vite qu’Usain Bolt ou boxer aussi bien que Kathy Taylor. Mais trouver un jeune golfeur qui tienne tête à Rory McIlroy, Bryson DeChambeau ou Hideki Matsuyama est si improbable que l’idée même ne supporte guère d’être formulée.
Nouveaux territoires et nouveaux revenus
Dans la conception du golf olympique, la réflexion de la FIG n’a été ni passionnante ni originale. Le choix d’épreuves individuelles en stroke play sur 72 trous pour les hommes et les femmes, reprenant la formule utilisée dans les tournois majeurs, n’est pas excitante. Avec seulement les 15 meilleurs joueurs du classement mondial automatiquement éligibles, les États-Unis sont le seul pays à Tokyo avec quatre représentants masculins. Au-delà du top 15, le choix est toujours basé sur ce classement, avec une limite de deux joueurs par pays. Il ne fait aucun doute que ce choix fournit un champ très affaibli et peu représentatif.
Soyons clairs, la raison pour laquelle le golf figure aujourd’hui aux Jeux olympiques est simple : les fédérations nationales souhaitent trouver de nouveaux territoires d’influence et de nouveaux revenus. Amener le jeu sur un territoire vierge et dans des endroits éloignés de la pratique actuelle peut sembler altruiste mais demeure égoïste : l’expansion de la soi-disant industrie du golf, en particulier les emplois consultatifs et administratifs pour les officiels, est au cœur du problème. Le golf olympique permet aux autorités d’étendre leurs tentacules et de se concentrer sur la découverte de nouvelles sources financières partout où elles pourraient être disponibles.
Le golf olympique pourrait bien être une aubaine pour les institutions officielles mais surtout pas pour les meilleurs joueurs avec une « valeur ajoutée » qui attendraient de leur présence aux Jeux un retour gagnant dans les pays où l’on joue au golf aujourd’hui. Alors, pourquoi y aller ?
« Ces Jeux ne sont plus qu’une question d’argent… »
Déjà, de nombreux forfaits ont été annoncés parmi les meilleurs : Lee Westwood, Louis Oosthuizen, Sergio Garcia, Dustin Johnson, Adam Scott, Paul Casey et Tyrrell Hatton, pour commencer. Les trois médaillés de Rio en 2016 ne seront pas là non plus. Justin Rose (Angleterre), Matt Kuchar (USA) et Henrik Stenson (Suède) ont tous perdu la forme et n’ont pas réussi à se qualifier. Le Français Victor Perez ne se rendra pas non plus à Tokyo. Martin Kaymer en annonçant son retrait a déclaré : « Ces Jeux ne sont plus qu’une question d’argent… ».
C’est vrai qu’aller au Japon est délicat en ce moment et la logistique est plus délicate que d’habitude en raison des restrictions liées à la pandémie. La moitié (au moins) de la population japonaise ne souhaitait pas que les Jeux soient organisés de peur de déclencher une nouvelle vague d’infections à la Covid.
Les cérémonies d’ouverture et de clôture, qui sont les points forts des Jeux Olympiques, mettront en vedette des robots d’intelligence artificielle au lieu d’êtres humains chargés d’émotion. Il n’y aura aucune rencontre entre les athlètes, aucune fraternisation avec les autres athlètes dans le village olympique, aucune visite programmée du Japon et impossibilité de regarder d’autres événements sportifs en dehors de celui auquel vous participez. Être enfermé dans votre chambre d’hôtel en attendant votre tour de concourir n’est pas mon idée du plaisir olympique. Bonjour l’ambiance !
Résultats, substances et esprit
De plus, cette période de l’année est chargée avec beaucoup de tournois pour les golfeurs. Pas étonnant que tant de champions déclarent forfait. J’ajoute que je ne serai pas non plus devant mon poste de télévision pour une raison simple : à cause du décalage horaire ! J’ai besoin de mon sommeil régulier ! Sans parler de cette attitude de vouloir gagner à tout prix qui est maintenant la norme aux Jeux Olympiques : la tricherie qui s’aggrave avec le temps concerne évidemment ces substances souvent dénoncées que les athlètes prennent pour améliorer leurs performances. Les Jeux sont loin de l’esprit olympique initialement retenu.
Malgré toute mon côté négatif, je voudrais vous livrer cette réflexion de la golfeuse Danielle Kang, l’une des membres de l’équipe de golf américaine, qui m’a quelque peu réconforté : « Les Jeux Olympiques sont très importants pour moi parce que c’est un lieu où le monde entier se réunit avec un seul but : rivaliser pacifiquement. Or, il est vraiment difficile de trouver la paix dans ce monde avec toutes ces tensions partout. Les Jeux Olympiques, ce sont la vérité du sport… C’est un rêve pour beaucoup de gens : autant pour les téléspectateurs témoins que pour les athlètes qui y participent… ».
Je souhaite bonne chance à Danielle quand elle se présentera sur les greens du Kasumigaseki Country Club mais, je suis désolé, je ne regarderai pas Les Jeux Olympiques.
Yvan Morris
Crédits : US PGA TOUR/IGF