A l’occasion de la sortie de l’imposant « Sport et cinéma » qui dresse la liste de (presque) tous les films ayant pour théâtre le sport, nous avons demandé à l’un de ses deux auteurs, le journaliste et cinéaste Julien Camy, de nous parler de la place du golf dans le 7e art.
Avec votre père Gérard Camy, professeur et historien du cinéma, vous êtes l’auteur d’un superbe ouvrage de 500 pages qui recueille les films de sport. Quels ont été vos critères de sélection ?
Nous avons porté avant tout un regard de spectateur, pas uniquement de critique. Nous avons privilégié les films qui représentaient le mieux et de façons différentes leur sport tout en ayant un oeil véritablement international, pas seulement hollywoodien. En gros, il faut que le film relève d’un intérêt cinématographique, sportif et historique.
Justement, les films de golf présentés sont tous américains…
Oui c’est la particularité du golf : il est hollywoodien. La principale raison est que les producteurs et les acteurs pratiquaient et pratiquent toujours le golf. Dans leur livre Golf in Hollywood, Robert Z. Chew et David D. Pavoni expliquent aussi que les parcours étaient des lieux propices à la concrétisation des projets cinématographiques.
Cela a commencé par des comédies.
Burlesques même, car le swing n’est pas chose aisée et cela amène à des situations où les ratages sont potentiellement drôles. Harold Lloyd et Buster Keaton s’en sont donnés à coeur joie ! Ce genre perdure, mais il faut bien l’avouer, ces films sont aujourd’hui pour la plupart grossiers et insipides.
Quelle est selon vous la meilleure comédie de golf ?
Golf en folie sans aucun doute (Caddyshack 1980) où Bill Murray, en jardinier chassant une taupe, est au sommet de son art.
D’autres genres ?
Plein d’autres ! Les beaux paysages des parcours sont propices aux contes philosophiques et surtout aux comédies sentimentales. Il y a même des films d’horreur : je vous recommande un nanar, Panique sur le green (Blades 1989) où les membres d’un club sont retrouvés découpés en morceaux par une méchante faucheuse…
Mais le genre le plus utilisé reste le biopic, le plus souvent hagiographique…
Oui, le champion de golf est très populaire aux Etats-Unis et il est considéré comme un héros. Il est de surcroit plus facile à filmer car les acteurs, presque tous golfeurs, sont très crédibles dans leurs rôles.
Dans votre livre, le réalisateur Ron Shelton (Tin Cup 1998) indique que le golf est le sport le plus difficile à filmer car il ne produit pas d’images renversantes…
Je ne suis pas complètement d’accord avec lui. Le golf a produit des films crédibles. Le tennis me semble beaucoup plus dur à filmer par exemple : la crédibilité des échanges, plus longs, est difficile à obtenir et l’action de la balle, sans cesse en mouvement, complique la réalisation. Au golf, l’action est courte : on tape la balle et on la voit rouler sur le terrain. On peut tricher plus facilement !
Toujours est-il qu’il n’y a pas de grands films sur le golf…
Ah bon ? Tout dépend de ce qu’on entend par grand film : relève-t-il d’un succès critique ou populaire ? Pour moi, La légende de Bagger Vance en est un. Il y a tout : un bon réalisateur (Robert Redford), de grands comédiens (Will Smith et Matt Damon) et un scénario original qui arrive à parler de sport et de sa philosophie en reliant l’intrigue à un contexte historique marquant, la crise économique de 1929.
A propos de grand film, vous ne mentionnez pas Goldfinger avec sa séquence culte de golf.
Vous avouerez qu’il s’agit d’abord d’un film d’espionnage… Et puis il faudrait citer tous les James Bond car il en a pratiqué des sports ! Mais vous avez raison, cette séquence est importante car il s’agit de la seule fois où l’agent 007 triche pour gagner ! (En échangeant sa balle)
Faut-il être golfeur pour apprécier les films de golf ?
Ah pas du tout ! On va au cinéma pour suivre une histoire passionnante, pour voir des personnages, peu importe le thème. Faut-il avoir conduit une locomotive pour apprécier La Bête humaine de Jean Renoir ? Je ne suis pas golfeur, et pourtant j’apprécie ce sport car tout en mêlant contexte historique et philosophie, il prend souvent le temps de dresser de jolis portraits humains. J’ai beaucoup appris aussi sur l’histoire du monde. Le sport a toujours été un miroir, un haut-parleur de l’actualité.
A l’image de la comédie dramatique The Phantom of the Open, pourquoi selon vous les derniers films ne sont jamais sortis en salle en France ?
Il y a un certain mépris en France pour le genre, tous sports confondus. Et puis, vous le savez aussi bien que moi : le golf n’est pas aussi populaire qu’aux Etats-Unis ! Et souvent, les grandes vedettes manquent à l’affiche.
Savez-vous si un film de golf va sortir prochainement ?
Non, je l’ignore. En fait, nous attendons tous le biopic sur Tiger Woods ! Il vaudra son pesant de popcorns !
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