Sénateur écologiste du Morbihan à la retraite depuis 2023, le Breton Joël Labbé nous a accordé une interview pour tenter de comprendre les raisons de la mise en place de la loi portant son nom votée en 2014 et mettant fin à l’usage de produits phytosanitaires sur les terrains de sport engazonnés, dont les terrains de golf, à partir du 1er janvier 2025.
Propos recueillis par David CHARPENET
GOLF PLANÈTE : Quel était l’objectif initial de la loi portant votre nom ?
JOËL LABBÉ : À l’origine, je voulais faire une loi qui soit un premier pas en avant. Un pied dans la porte. Une étape avant de se pencher sur le problème de l’agriculture. Je n’avais pas souhaité intégrer le monde agricole dans la loi à l’époque, parce que je savais que le texte ne serait pas voté dans ces conditions. Les agriculteurs ne sont pas concernés par la loi Labbé. Mais maintenant, il est peut-être temps de se pencher sur l’utilisation des produits phytosanitaires dans le monde agricole. Ils ont une grande liberté d’utilisation, portée par des lobbies extrêmement puissants. Peut-être qu’il est temps de réfléchir à une solution…
G.P. : Pour en revenir aux terrains sportifs engazonnés, la liste dérogatoire prévue par votre texte de loi d’origine, en cas d’impasse technique concernant les usages, dénature-t-elle la loi ?
J.L. : Il faut être pragmatique. Si on ne peut pas faire autrement et si ça ne met pas en péril la biodiversité… Je ne suis pas un intégriste ! En cas d’impasse technique, il avait été convenu d’élaborer une liste de produits dérogatoires. Et il est vrai que pour certaines maladies, on n’a pas de produits équivalents de biocontrôle. N’étant plus sénateur, je ne vais pas pouvoir discuter de la liste dérogatoire. Mais j’avais trouvé mes interlocuteurs sportifs de bonne composition à l’époque.
G.P. : Pensez-vous que la densité du gazon et du feutre sur les greens (où sont utilisés la plupart des produits chimiques sur un parcours de golf) peut être suffisante pour empêcher les produits de s’infiltrer dans le sol et dans les eaux souterraines ?
J.L. : Je ne crois pas à la dégradation spontanée de toutes les molécules chimiques présentes dans les produits phytosanitaires. Beaucoup de scientifiques contredisent cette version un peu fleur bleue avancée par certains gestionnaires de golf. Il faudrait d’ailleurs également une nouvelle loi pour mieux réglementer les zones de captages d’eau et les rejets des produits qui pourraient polluer les eaux, notamment dans le domaine agricole.
Pour les golfs, il y a la possibilité d’avoir des dérogations pour les départs, les fairways et les greens. Tout a été intégré petit à petit et ça a bien évolué.
G.P. : Dix ans après sa promulgation, le texte est-il toujours d’actualité ou mériterait-il des ajustements ?
J.L. : Les ajustements ont été faits dès le début puisque les terrains de sport ont été écartés. Et pour les golfs, il y a la possibilité d’avoir des dérogations pour les départs, les fairways et les greens. Tout a été intégré petit à petit et ça a bien évolué. Mais le plus important c’est qu’on sent bien qu’on a dépassé le point de non-retour et on va maintenant continuer d’aller de l’avant. Vers du positif. Le grand chantier reste cependant le domaine agricole. Et notamment les points de captage d’eau qui ne sont pas assez protégés par les bandes de 5 mètres. Ça obligerait à faire une agriculture bio dans de plus grandes zones et ce serait une sacrée avancée.
G.P. : Vous êtes-vous heurté à la puissance des différents lobbys lors de l’élaboration de votre texte ?
J.L. : Disons que j’ai développé des stratégies de contournement.
(Joël Labbé, un sénateur fraîchement retraité) Photo : Éric Dervaux / Hans Lucas / AFP
G.P. : Pourquoi avoir quitté Europe Écologie Les Verts en 2016, deux ans après l’élaboration de la loi portant votre nom ?
J.L. : Je ne suis pas parti en claquant la porte en 2016, deux ans après la promulgation de la loi portant mon nom. Mais plutôt que de rentrer en conflit avec certaines personnes, j’ai préféré prendre mes distances, tout en restant écologiste, mais plus avec EELV.
G.P. : Jouez-vous au golf ?
J.L. : Non.
G.P. : Sans vouloir opposer le domaine sportif et le domaine agricole qui ont tous les deux leurs contraintes, n’y a-t-il pas un risque d’amalgame de la part de l’opinion publique, sachant que les volumes de produits phytosanitaires utilisés n’ont rien à voir ?
J.L. : C’est certain que si on prend comme base de référence l’utilisation des produits phytosanitaires dans le domaine agricole, tout le reste ne représente pas grand chose. Mais je suis satisfait de l’application de la loi dans le monde non-agricole. En revanche, tout reste à faire dans le monde agricole.
Retrouvez également le livre d’entretiens de ce sénateur rock n’ roll intitulé L’Utopie et la vie, publié chez Actes Sud
Photo : Daniel Pier / NurPhoto / AFP, sauf mention