Si Augusta National Golf Club connaît un défaut, un seul, c’est son adresse en Géorgie profonde. Pour le reste, le premier tournoi majeur de l’année est d’une classe hors normes devant le rideau comme en coulisse.
Quel plaisir de retrouver, une fois l’an, l’Augusta National Golf Club pour suivre et raconter « The Masters Tournament ». Enfin, quand le satané Covid 19 le permet. Pour la presse, ce sera globalement une nouvelle année sans, mais un heureux public sera accepté à faible dose pour sa 85e édition dans quelques jours. On s’en réjouit pour l’ambiance.
Expansion à grands coups d’acquisitions
Pourquoi cette préférence marquée pour le plus jeune tournoi du Grand Chelem face à un monument tel l’Open Championship même disputé à St Andrews? Les scribes que nous sommes empilent les raisons.
Le Masters est le seul championnat se déroulant chaque année sur le même parcours, enfin presque, tant d’importantes retouches peu visibles sont entreprises d’une édition à l’autre. Ainsi le club a-t-il acquis une bande de terrain mitoyenne aux trous 13 et 15 pour les rallonger sous la direction de Tom Fazio.
Par ailleurs, nouveau propriétaire de dizaines d’hectares séparés du terrain de jeu par Berkmans Road, importante route municipale, le club l’achète, chamboule le territoire récupéré pour retoucher le green du No 4, et allonger le No 5 sur recommandation de son Président Fred S Ridley.
Et, pas économe, il finance 500 mètres plus loin les quatre voies de la New Berkmans Road. Avant que le « National » connaisse un souci de trésorerie… Ici, l’argent n’est pas un problème. Jamais.
Toujours en mouvement
On reste quand même surpris et admiratif en découvrant, d’une édition à l’autre, de nouveaux aménagements comme cette série de “townhouses” mises à disposition des grands sponsors pour la réception de leurs invités, ou encore le nouveau “Berkmans Place” qui a l’air d’être là depuis des lustres en bordure du No 5.
Cette récente structure d’accueil est dédiée aux invités ou amis VIP des vestes vertes (les membres). Le coût du ticket d’entrée est infesté de zéros… Une fois sur place, les hôtes ont le choix entre plusieurs bars et restaurants à titre gracieux, ou de jouer au putter, pour des tournées de Corona, sur des reconstitutions des greens du 7, 14, et 16. Le tout entre deux visites au parcours et aux champions par un accès réservé.
Aménagements et réaménagements
Le vaste carrefour, passage obligé des visiteurs après les sas de contrôle-sécurité de l’entrée, a été réaménagé en 2018 pour encadrer un énorme “Masters Patron Shop”, vaste surface de vente de toutes sortes de produits « logotés Masters » où 64 caisses attendent les cartes bancaires.
Impressionnant, autant que le centre de presse ouvert en 2017 et son espace de travail en amphithéâtre suréquipé qui sera si peu occupé ce 5 avril. Les superlatifs manquent. Ce bâtiment à l’allure très “sud profond” tient du palace avec tous les services et prestations imaginables, hors chambres et piscine.
Unique et incomparable
Il est relié au club-house et au practice par des voies souterraines réservées aux voiturettes qui assurent une liaison permanente. Il n’y a vraiment rien de comparable dans le monde, même dans les pays où l’excès en tout n’est pas un défaut.
Augusta National et son Masters ont de quoi s’attirer les plus grands compliments. Ajoutez-y les exceptionnelles qualités du parcours, classé le plus souvent dans le Top 3 mondial.
Comment faire mieux quand bien même le club n’est pas exempt de tout reproche en raison de particularismes malvenus que le critique citera pour réduire la personnalité unique du « Masters Tournament ».
Des interdis d’une autre époque
Ainsi est-il interdit de courir, règle un peu contournée à l’ouverture des portes très tôt le matin, quand il s’agit d’aller occuper la meilleure place autour d’un green pour s’y poser toute la journée sur un siège pliable, de couleur verte bien sûr.
Personne ne piquera, ni la place, ni le siège pliant quand le “patron” (spectateur en jargon local) s’absente. Ailleurs, il est interdit de s’asseoir n’importe où, voire de s’étendre pour un dodo ou un bain de soleil. Les pieds nus sont tout aussi bannis que les smartphones hors journées d’entraînement. Etre pincé avec un iPhone, même éteint en poche, conduit le fautif à la porte.
Les boissons ou aliments dans un conditionnement aux marques visibles n’entrent pas. Les glacières en tout genre sont aussi bannies. Pas d’escabeau, ni de périscope pour apercevoir les stars par-dessus les quinze rangées de spectateurs devant soi.
Et, comble du comble aux Etats-Unis, pas question de porter une casquette, visière à l’envers, dans l’enceinte du club, remarquée très vite par une surveillance de tous les instants assurée par des centaines d’agents en uniformes ou non.
On peut apprécier ou non ces astreintes qui n’affectent pas vraiment le grand spectacle offert.
Heureusement, son ambiance chauffe avec la participation de spectateurs connaisseurs ayant payé cent quinze dollars par jour pour en être. De l’ordre de 50 000 en édition normale, ils ne seront peut-être que 15 000 en avril prochain. Choisis par le hasard, ces bienheureux sont avertis par e-mail comme ceux qui n’iront pas.
Tous, ils figurent depuis des lustres sur une liste où la file d’attente est largement plus fournie, ce qui fait l’affaire des habitués du marché noir, installés au moins à plus de 1600 mètres de l’entrée pour faire commerce, sans souci légal, de tickets récupérés et revendus à des prix insensés.
And the winner is…
En quittant Amen Corner et Golden Bell, le fameux No 12 dont le par 3 se mêle souvent de choisir le vainqueur au dernier tour, le “patron”, heureux de sa journée, passera forcément par les allées du Merchandise Center. Il y dépensera, dit-on, 800 dollars (670 euros) en moyenne.
A 15000 ou 50000 spectateurs/jour pendant une semaine, faites le calcul !
Le « Masters Tournament » a tout, gros sous compris, pour chatouiller l’ego des trois autres majeurs qui prétendent, chacun à leur tour, être le plus beau, affirmation difficile à défendre, leurs profils ne permettant pas une juste comparaison.
Philippe P. Hermann
Golfers & Co