Dans un long entretien à Golf Planète, Christophe Muniesa, directeur général de la Fédération Française de Golf, évoque la situation de la filière golf en France, les actions de soutien aux secteurs pro et amateur, la politique ambitieuse de développement du Golf National etc…
Et bien entendu, les conséquences de la crise sanitaire qui devrait encore affecter notre pays cette année.
La situation reste préoccupante à cause du manque de visibilité
Golf Planète : Alors que commence une nouvelle année toujours marquée par la pandémie, comment jugeriez-vous aujourd’hui la situation du golf en France ?
Christophe Muniesa : La situation reste préoccupante. Ceci est principalement dû au manque de visibilité.
- Regain pour le golf
Les aficionados qui jouent au golf plusieurs dizaines de fois par an, continuent de se ruer dans les clubs, qu’il pleuve, vente ou neige. Ça, c’est un très bonne nouvelle mais de nombreuses personnes qui ont pourtant un projet de pratique du golf à court terme peuvent avoir le réflexe de reporter leur première leçon. Beaucoup de personnes attendent !
Cette situation est particulièrement frustrante alors qu’à l’automne, nous avons senti une vraie effervescence autour de la pratique de notre sport..
Des études menées avec EY (Ernst & Young) et récemment avec SMS (Sports Marketing Surveys) démontrent qu’il y a en France un regain d’intérêt pour la pratique du golf : envie de nature, convivialité, sport sain que l’on peut pratiquer, en famille, tout au long de la vie etc
- Situation disparate dans les golfs
Quant à la situation des clubs, il est très difficile de dégager une tendance générale. Certains clubs, avec de nombreux membres ou abonnés, auront réussi à franchir l’épreuve qu’a constitué 2020, sans trop de casse. D’autres, habitués à accueillir de nombreux touristes, ont beaucoup souffert… Il y a plus de 700 clubs en France : leur situation dépend de l’implantation géographique, du mode d’exploitation…. Signalons enfin que les activités golf liées aux parcours, au pro-shop, à l’enseignement ont très bien résisté alors que les activité hôtellerie, restaurant et événements ont été frappés beaucoup plus durement.
Les golfeurs sont venus jouer et ont soutenu leur club, en montrant là aussi une belle unité autour de notre sport qui a gagné en notoriété.
Nous aidons les pros très concrètement
GP : En 2020, en pleine crise sanitaire, la Fédération a été le moteur principal de l’unité consolidée de la filière golf. Elle a pris aussi des décisions importantes très concrètes dont bénéficient en particulier les pros. Pouvez-vous nous rappeler l’ensemble des mesures en cours ?
CM : Oui, vous avez raison. Pour la ffgolf, il est apparu dès le début de la crise qu’il était fondamental de travailler aux côtés de tous acteurs de la filière pour préparer la sortie de crise ! Après, il y avait aussi une question de stratégie. L’unité c’est bien, mais ça ne suffit pas. Il ne fallait pas rester dans l’incantation mais bien inscrire nos démarches dans le concret.
- Heureusement que les golfs ont rouvert le 28 novembre
Avec l’aide extrêmement précieuses des groupements professionnels (golfs commerciaux, golf associatifs, pros et enseignants, green-keepers, directeurs de golf) et de nos différents conseils, nous avons démontré que nous étions des gens responsables, et que nous pouvions pratiquer notre sport en respectant des consignes sanitaires strictes.
On l’a vu lors du deuxième confinement, si les golfs n’avaient pas rouvert le 28 novembre, il y a fort à parier qu’ils seraient toujours fermés aujourd’hui. Il y a eu une « fenêtre de tir » extrêmement réduite, dans laquelle il a fallu s’engouffrer, et je peux simplement vous dire sans forfanterie que ce n’était pas gagné du tout….
- Le soutien aux jeunes pros est au cœur de notre projet fédéral
Pour ce qui concerne le golf professionnel, nous avons dans un premier temps été contraints d’annuler un certains nombres d’épreuves. Puis, dès que cela a été possible, nous avons relancé l’organisation de tournois pros.
Un grand coup de chapeau aux golfs des Landes qui ont très tôt pris l’initiative de créer un tournoi de reprise au début de l’été 2020. De même, toujours aux côtés de la PGA France, nous avons organisé le tournoi de Roissy, en octobre, dont la ffgolf a financé la dotation.
Cette démarche de soutien est ancrée au cœur du projet fédéral et repose sur deux piliers : aider les joueurs élites amateurs filles et garçons, à réussir leur transition amateur/pro ; offrir des opportunités de jeu sur le sol français aux différentes catégories de pros.
Au cours des dernières saisons la ffgolf a recentré son système d’aides sur les meilleurs joueurs amateurs qui passent professionnels. Ce dispositif de suivi, d’accompagnement et d’aide démarre 2 ans avant le passage professionnel (donc lorsque le joueur est encore amateur) et dure jusqu’à la 3ème année de circuit. Le dispositif est assorti de critères d’évaluation et de progression.
- 15 joueurs aidés chaque année
La fédération apporte aux joueurs ciblés une aide en numéraire qui peut atteindre 10 à 20 K€ et leur permet de financer une partie de leurs frais de déplacement et/ou de coaching. Ces aides peuvent être complétées par l’accès aux structures fédérales d’entraînement et aux entraineurs fédéraux.
En retour, les joueurs « donnent » des journée à la fédération. Des joueurs tels Romain Langasque ou Alexander Levy passent souvent au sein des structures fédérales pour travailler avec les futurs champions. En ce sens, nous nous sommes inspirés de ce que font notamment les Suédois et les Espagnols. Il faut casser les « frontières psychologiques » qui existent dans l’esprit des joueurs entre le monde pro et le monde amateur.
Je ne vais pas énumérer la longue liste de sportif qui ont pu bénéficier de ces aides depuis que le système a été créé au début des années 2000 mais on y retrouve des joueuses comme Gwladys Nocera, Anne-Lise Caudal, Grégory Bourdy, Grégory Havret ou plus récemment, Céline Boutier, Paul Barjon, Antoine Rozner….
Chaque année, sur la base de critères sportifs définis (âge, ancienneté sur les circuits évaluation de la dynamique de progression), une quinzaine de joueurs est identifiée et aidée par la fédération.
Faire du Golf National notre Clairefontaine et création du Challenge des écoles de golf
GP : Quelle est votre vision du déroulement des compétitions amateurs cette année ? Mais aussi des stages ou des entrainements à destination de nos jeunes champions ?
CM : En 2020, la première partie de la saison a été fortement amputée par la crise sanitaire. En revanche, toutes les épreuves, dont l’organisation était programmée à compter de la mi-juillet ont toutes eu lieu. Quant aux compétitions fédérales, initialement prévues en début de saison, elles ont été reprogrammées et finalement organisées. Comme les interligues jeunes ou le championnat de France des jeunes.
- Calendrier amateur français : 2019 année de référence
Pour 2021, à l’instant T, bien que nous travaillions en étroite collaboration avec nos différents partenaires institutionnels, nous n’avons pas de visibilité au-delà du 20 janvier…
Nous nous préparons toutefois à organiser l’ensemble des épreuves amateurs et pro prévues au calendrier.
Pour le dire simplement, nous nous tenons prêts à organiser un calendrier d’épreuves en tous points conformes à celui de 2019, qui fait office d’année de référence.
GP : Sur quels autres dossiers travaillent vos équipes en ce moment ?
CM : Les projets ne manquent pas ! Qu’il s’agissent des projets récurrents que nous venons d’évoquer ou de nouveaux projets.
- Le Golf National sera notre « Clairefontaine » à nous !
Pour ne citer que les principaux, nous finalisons la construction du Centre de Performance au Golf National. La totalité des infrastructures (salles de cours, hébergements, salles de préparation physique, box techniques….) sera livrée dans le courant de l’été et accueillera 24 sportifs parmi les meilleurs français, à compter de septembre. Nous nous sommes largement inspirés de ce qu’a réussi la fédération de tennis en créant le CNE à Roland Garros, ou le Judo à l’INSEP. Le GN sera plus que jamais notre « Clairefontaine » à nous !
Nous continuerons à entrainer également une partie de l’élite amateur à Terre Blanche.
- Lancement du Challenge National des Écoles de golf
De plus, sous l’impulsion de Pascal Grizot, le nouveau président de la ffgolf qui est très attaché au développement du golf des jeunes, nous avons décidé de lancer en 2021 le Challenge National des Écoles de Golf. L’objectif principal de ce Challenge est de valoriser le dynamisme des écoles de golf et leur capacité à mettre les joueurs sur le parcours en proposant régulièrement des animations/compétitions et en offrant des opportunités de matchs inter écoles de golf à leurs jeunes.
Toutes les écoles déclarées sur auprès de la fédération seront classées. Les joueurs éligibles au Challenge sont les joueurs de 16 ans et moins ayant un index supérieur ou égal à 20.
- Nous accueillerons les Jeux Olympiques en 2024
Enfin, en 2022, nous accueillerons les championnats du monde amateur à Saint Nom la Bretèche et au Golf National. Une opportunité pour mettre un nouveau coup de projecteur sur notre discipline dans une logique de rayonnement du golf. Ce sera une parfaite préparation pour nos équipes à l’épreuve du golf olympique qui se jouera au Golf National en 2024.
Concernant l’actualité, nous préparons la « journée des dirigeants » qui réunit chaque année près de 300 manageurs de clubs (directeurs, présidents….). Cette journée se tiendra le 28 janvier prochain « en ligne », compte tenu de la période. Et puis, ensuite viendra la National Golf Week, au Golf National, début avril (toutes les infos sont disponibles en ligne https://nationalgolfweek.com)
Nous travaillons également sur deux axes fondamentaux : réussir la transition écologique du Golf Français, et continuer de développer la pratique golfique de loisir pour toutes les catégories d’âges.
J’ai déjà été bavard, mais ce sera sans doute l’occasion lors d’un prochain échange de donner la parole aux deux vice-présidents qui épaulent Pascal Grizot sur ces sujets, Sylvianne Villaudière et Gilles Paris, respectivement en charge justement des thématiques Écologie et Développement.
Photos Alexis Orloff, Ffgolf et Getty