En fin de saison, les offres de séjours-golf exotiques se multiplient, très convaincante, une mécanique rodée “all included”. En modèle réduit, moins éloignée de nos rives, la Corse hivernale est aussi attractive, la bronzette mise à part. Son authenticité et son âme font le contrepoids.
Comme en été, l’île de beauté originale est aussi heureuse d’accueillir le visiteur, mais à des tarifs d’hébergement qui fondent. L’âme corse, elle, ne bouge pas. Quelle que soit la raison du séjour, l’escapade en restera empreinte. Bon. Mais le golf ?
S’il n’y a pas pléthore de parcours, le sud de l’île offre de quoi faire plaisir de novembre à mi-décembre ou courant janvier.
Pensez-y déjà pour 2023 même si le bronzage naturel n’est pas au programme d’un soleil hivernal bien présent sans chaleur en Corse du sud, tant à Sperone près de Bonifacio qu’à Sartène où le Domaine de Murtoli s’impose comme la plus naturelle des haltes pour le golf-trotter de passage, qu’il soit en couple ou en groupe.
Un travail acharné
Les pieds dans la grande bleue, cette belle adresse est une ode à la nature surprenant le visiteur même prévenu. Héritier de cette vaste propriété de 2500 hectares, Paul Canarelli ne pensait qu’à requinquer Murtoli en respectant la nature, loin de certaines outrances immobilières.
Plutôt gonflé et contre tous les avis, il allait donner au domaine une nouvelle dimension à la fois hôtelière et pastorale. C’était en 1993. Pendant vingt-deux ans, avec ses compagnons artisans, entre pierres sèches, briques, bois, ciment, il aura fait face aux jalousies, soupçons, critiques, ukases, pour livrer la plus belle réalisation agri-touristique de la Corse, réhabilitant les ruines de bergeries vieilles de quelques siècles.
Qualifier ce travail, c’est osciller entre incroyable et merveilleux, murs de pierres sèches et poutraisons, tomettes et bois de châtaignier reformant un habitat moderne traité à l’ancienne et décoré avec goût, le tout imbibé de l’âme corse.
Une montagne de calme
Les différents espaces d’une vingtaine de maisons distinguées par leur nom (A Figa, A Tiria, I Pini, etc.) s’adaptent aux séjours de deux à quatorze occupants. Amoureux en goguette ou cadres en séminaire y vivent un plaisir total.
Eparpillées sans voisinage immédiat, leurs fenêtres s’ouvrent sur la mer pour certaines, le maquis sur fond de montagne ou la vallée de l’Ortolo pour d’autres, entre brumes matinales et bals animaliers.
Pour faire l’appoint, l’hôtel de la Ferme propose encore treize chambres et suites. Notez-le bien, le coût d’un séjour au Domaine de Murtoli, à la hauteur de ses cinq étoiles en haute saison, en est très loin novembre venu.
Original, pas facile
Vrai luxe, la plupart des habitations offre un jardin paysagé, une piscine, un espace extérieur salon-table à manger-cuisine. Le matin, un solide petit-déjeuner sonne à la porte. Certains choisissent de vivre en autarcie et remplissent le frigo.
Un service dédié peut d’ailleurs s’occuper de leurs emplettes, les laissant savourer plages et criques sur huit kilomètres par joli temps et, selon l’époque, voile, pêche au gros ou en rivière, équitation, chasse, cueillette potagère, remise en forme, et… golf au cœur du domaine.
Kyle Phillips (le fameux Kingsbarns en Ecosse, c’est lui) a bien exploité le terrain en jouant des déclivités naturelles pour concevoir un par 44 de douze trous (clin d’œil à l’histoire du golf). Leur combinaison permet d’enchainer neuf trous (par 31) ou dix-huit (par 67) se mariant de plusieurs façons, avec une carte de score différente chaque jour.
Cuisine inspirée
La cuisine de terroir est incontournable au Domaine de Murtoli. Aux beaux jours, la Table de la Plage s’abonne au plaisir de la mer, poissons et crustacés juste pêchés, viandes, salades et légumes de la propriété.
Le club-house est installé dans une vieille ferme superbement réaménagée autour de grandes cheminées. Au bar, l’ambiance est chaleureuse. On y rencontre un verre de blanc de la vallée de l’Ortolo qui ne se refuse pas avant de passer à “La Table de la Ferme” voisine et excellente.
Le personnel est jeune, souriant, respectueux et s’occupe des clients avec sympathie. En été, il vous recevra aussi à la Table de la Grotte, cavité naturelle dont la roche a été façonnée pour créer un bel espace étagé éclairé aux chandelles.
Les tables sont disposées de part et d’autre d’un escalier taillé dans la pierre. Le cadre est original, romantique et la cuisine inspirée au goût de panzetta, caprettu, brocciu, myrte… L’âme corse…
Sperone, un plaisir si méconnu
Certes, le golf corse ne s’épèle pas sur une quinzaine de parcours du nord au sud.
Mais le manque est compensé par tout le plaisir du Murtoli Golf Links joué sans cohue, ajouté à celui de Sperone aux portes de Bonifacio à vingt minutes de route. Robert Trent Jones Sr. y a signé un opus en 1991.
Ce bijou se fait reconnaître (trop) lentement au fil des ans, le golfeur n’ayant toujours pas mis en nombre la Corse au programme dont seulement deux heures de vol pour poser à Ajaccio ou à Figari, aux portes de Bonifacio et de Sartène.
Certains préfèrent l’exotisme d’une destination lointaine et de longues heures de vol pour se retrouver sur une liste de départs encombrée. Comme il faut de tout pour faire un monde, disons que ce golf-trotter serait au moins aussi heureux sur le formidable par 72 (6’130 m.) de Sperone dont les trous frayent avec la Méditerranée du 11 au 16. De toute beauté !
Comme au club-house, et sa terrasse cinémascope, la réception est des plus agréables, il serait sûrement séduit, prêt à revenir au tee du 1 face à une vraie gageure par jour de brise marine fougueuse, avec le plaisir de savourer le plus souvent un parcours pratiquement pour soi à l’inverse des habituelles, mais embouteillées, destinations plus au sud.
Cette alliance hivernale Sperone/Murtoli est difficile à battre.
Philippe P. Hermann