Un reportage de Denis Machenaud
Au pays du long nuage blanc comme on a coutume d’appeler cette terre où les Maoris firent souche, le golf n’a plus rien à prouver, il est tout simplement magnifique à qui sait le découvrir par tous ses aspects . Le plus spectaculaire étant représenté par les deux porte-étendards situés dans l’île du Nord, Kauri Cliffs et Cape Kidnappers . Exceptionnels à tous points de vue, encensés par la critique qui les place tous les deux dans les 10 meilleurs parcours mondiaux non américains, c’est dire !
Ce n’est pas un conte de Noël mais ç’aurait pu l’être ! Quoi de plus agréable en effet pour un golfeur que d’être invité à jouer sur l’un des 100 plus beaux parcours de golf de la planète, sans l’avoir vraiment demandé … C’est pourtant ce qui m’est arrivé au cours de l’été 2013 alors que je me trouvais au bout du monde avec mon frère Bertrand, fidèles supporters de son fils Maxime, demi de mêlée de l’équipe de France de rugby, lors de ce qui s’avèrera comme une tournée « de muerte » chez les fameux All Blacks, lesquels infligèrent à nos Bleus de cuisantes défaites, cela pour l’anecdote …
Entre deux avions et par manque de temps pour explorer toutes les facettes du golf néo-zélandais, nous souhaitions nous frotter en toute modestie aux deux plus beaux parcours de l’île. Pour des raisons d’intendance, nous ne pûmes accéder au fabuleux golf de Cape Kidnappers, réalisé par le célèbre architecte américain Tom Doak, trop loin de notre lieu de villégiature. Par contre, pour l’autre, tout aussi fameux, Kauri Cliffs, l’affaire paraissait jouable . Nous décidâmes de tenter le coup . Rendez-vous fut pris avec le Directeur, pour une partie à une heure très matinale, eu égard au transport depuis Auckland . Celui-ci nous demanda d’être ponctuels, probablement en raison de la fréquentation supposée … Tellement excités à l’idée de poser le tee dans un environnement qu’on nous disait « de toute beauté » , nous partîmes dès potron -minet avec notre voiture de location en direction du golf, plus de 4 heures par des routes désertes et belles, au bord de l’apoplexie, angoissés de ne pas arriver à temps . On ne nous avait tout simplement pas dit que le lieu était si secret, si difficile à repérer, surtout pour des Européens ignorant tout de l’endroit .
Par bonheur, à 8 h pile, le Directeur en fait, était déjà là pour nous accueillir . Une première satisfaction ! Alors que nous nous apprêtions à payer notre dû – un green fee qu’on ne peut pas oublier, dépassant les 500 dollars australiens à l’époque, aussi élevé que Pebble Beach ou Cypress Point en Californie – la situation prit une tournure différente . En voyant notre nom sur le registre, notre ami nous regarda et d’un air plus qu’intéressé, nous demanda si nous étions de la même famille que le joueur de l’équipe de France en tournée et qui devait d’ailleurs affronter les redoutables Blacks dès le lendemain soir dans l’antre de l’Eden Park d’Auckland . Nous répondîmes par l’affirmative, ce qui eut le don de nous faire rentrer sans le vouloir vraiment dans le cercle très fermé des invités du Club. La preuve, s’il en était besoin, que le rugby occupe là-bas une place vraiment à part … Apprenant que l’un de nous deux était en plus Journaliste, a fortiori de golf, nos liens se resserrèrent rapidement et nous pûmes ainsi profiter gracieusement de tout, également du matériel, balles et buggy compris … Ah le nombre de balles égarées dans ces roughs aux splendides herbes hautes souvent impénétrables, aussi sauvages que ceux de Pevero en Sardaigne – pour les amateurs – ou des links écossais … à tel point que la partie s’arrêta plus tôt que prévu, quelques trous avant la fin, panne de munitions oblige et, il faut le dire aussi, à cause d’un vent de folie qui nous broya littéralement les os et … la carte !
Qu’importe ! Un peu dépités par le résultat très décevant mais pas immérité, nous fûmes pris de fou rire en voyant l’ampleur du score mais, en rentrant au club-house – chut ! rien de tout cela ne devait paraître – nous prononçâmes quelques banalités d’usage pour remercier chaleureusement notre interlocuteur – lequel adorait la France – après ce cadeau incroyable, un véritable conte de Noël avant l’heure !
Cerise sur le gâteau : la sur-fréquentation supposée dont il avait été question lors de la réservation n’était qu’une illusion . Les doigts d’une seule main suffisaient pour compter les golfeurs ferraillant sur le parcours toute la matinée . A croire qu’il avait été fermé spécialement pour nous – on devient vite mytho, n’est-ce pas ! – pauvres petits frenchies et tout heureux d’être là …
Maintenant, revenons à nos moutons – néo-zélandais bien sûr !
Le golf, là-bas, n’est pas une religion comme peut l’être le rugby mais fait partie des sports très populaires, avec quelques 500 000 pratiquants répartis sur 400 parcours, pour moins de 5 000 000 d’habitants . Une prouesse qui fait rêver ! Les Néo-Zélandais sont réputés parmi les plus sportifs au monde, à la fois un peuple de marins mais aussi de joueurs de rugby bien sûr et de toutes sortes d’autres disciplines . Il faut dire que le décor s’y prête à merveille, l’île du Nord davantage tournée vers la mer, celle du Sud vers des sports de nature et d’aventure, souvent extrêmes .
Le pays a connu ses heures de gloire avec des champions comme Bob Charles, meilleur putter mondial de toute une décennie … aujourd’hui .
Mais qu’en est-il plus précisément de ce parcours incroyable ? Visuellement parlant, c’est probablement l’un des plus beaux décors qu’on puisse imaginer . Au pays où fut tourné « le Seigneur des Anneaux » on se doutait que le paysage ne serait pas banal . De là à imaginer un tel environnement …
Situé à l’extrême nord de l’île du nord – la Nouvelle Zélande se partage en deux morceaux de terre bien distincts – le golf de Kauri Cliffs domine la mer du Pacifique et la Bay of Islands . Un peu à la manière de Spérone en Corse, avec 15 trous en surplomb de l’océan dont 6 juste au-dessus des falaises . Un peu à la manière d’Étretat, bordé lui aussi par les falaises, ou du fameux New South Wales GC dans le sud de l’Australie, vous savez, ces golfs « carte postale » qui laissent un souvenir à tout jamais dans la vie d’un golfeur .
Deux trous se partagent le label de « trou-signature » : le n°7, par 3 presque de poche – slice interdit ! – avec, en fond, le grand écran en cinémascope des îles Cavalli, plus près la plage de sable blanc et, en bas, le green blotti, prêt à basculer dans la mer … et le n° 16 pour d’autres . A chacun sa préférence !
Techniquement, on pourrait le résumer comme l’a fait le champion américain, Brandt Snedeker en le qualifiant de « Pebble Beach sur-vitaminé » (« on steroids » dans le texte) . L’aller descend du club-house en direction de la mer avec des fairways relativement étroits à la retombée puis s’élargissant ensuite pour des approches plus relaxantes . Rough difficile à maîtriser, on le sait, avec un vent latéral dont il faut absolument tenir compte sous peine de « payer » cher, très cher …
Le retour remonte mais pas franchement une promenade de santé, il faut puiser dans ses ressources physiques pour conserver sa lucidité mais encore et toujours un très beau spectacle qui console de toutes les difficultés . Le grand architecte américain, Rees Jones, ne l’a que très légèrement modifié il y a quelques années, persuadé que Dame Nature était déjà si belle qu’il ne fallait pas trop y toucher . Comme il a eu raison !
Alors, oui, et même si mon frère et moi avions dû faire chauffer la C.B pour l’occasion, la journée serait restée miraculeuse .
Et pour ceux qui ont été séduits, si vous vous trouvez non loin de là, en Australie ou ailleurs à l’occasion d’un voyage, ne ratez pas ce rendez-vous . Et sachez que les green fees ont, depuis cette année 2013, baissé de façon conséquente … On dit même qu’il suffirait de prendre sa licence à la Fédération nationale pour profiter du tarif résidents nettement moins élevé. A bon entendeur …
DM