Suite au premier volet de notre enquête qui a intéressé de très nombreux lecteurs, voici le deuxième, davantage axé sur la situation en France, avec un tour du côté de Belle-Île qui possède un merveilleux 14 trous que nous a fait visiter Patrice Clerc. Nous irons aussi à Marmande qui possède un golf de 10 trous.
Nous découvrirons aussi l’éclairage des principaux architectes européens. Avec, au final, le sentiment très partagé qu’il va bien falloir changer à tous les niveaux et repenser un modèle obsolète à de nombreux égards.
Direction d’abord la Fédération où Rénald Meunier, responsable des projets d’équipements au sein de la Direction Relations et Développement Clubs, nous fait le point sur les golfs français qui n’ont ni 18 tous ni 9 trous.
Un dossier préparé par Roland et Denis Machenaud
« Des parcours réduits existent en France. Nous les conseillons pour savoir ce qu’il est possible de faire ou non »
Golf Planète: Hormis l’exemple bien connu du golf de Belle-Île en Bretagne, existe-t-il d’autres réalisations en France disposant de plus de 9 trous et de moins de 18 ?
Rénald Meunier : Oui, il existe quelques autres golfs référencés par la Fédération disposant de plus de 9 trous et moins de 18.
Quatre autres golfs ont également fait une demande d’homologation de leur parcours selon ces particularités :
– Golf de Marmande, 10 trous
– Golf Municipal de la Ville d’Autun, 11 trous
– Golf de St Claude, 15 trous
– Golf Club de Toul Avrainville, 11 trous
Le fait d’homologuer chaque trou permet d’établir des combinaisons pour jouer un parcours de 18 trous sportivement exploitable (gestion des index).
GP : Avez-vous reçu des demandes dans ce sens par le passé ?
RM: Très rarement, la dernière obtenue est celle du golf de Saint Claude en 1994.
Nous sommes persuadés que d’autres golfs disposent de 10, 11, 12 trous et plus mais que seuls 9 trous ont été rendus « officiels ». Dans le cadre d’une pratique loisir, le nombre de trous importe peu, le principal est de jouer et de se faire plaisir !
GP : Que pense la FFG d’une telle éventualité dans le futur ? l’encouragez-vous ?
RM : Encourager n’est pas le mot. Nous conseillons et nous informons les porteurs de projets sur ce qu’il est possible de faire ou non.
Lors du plan « 100 petites structures » (pitch &putt et golf compact), nous avons guidé les porteurs de projet ; sur la question du nombre de trous, nous leur avons rappelé que la gestion d’index se fait sur 9 ou 18 trous mais qu’il est possible de jouer 3 fois un parcours 6 trous.
La question du « bon » nombre de trous à jouer est toujours intéressante à discuter dans une pratique de loisirs. Nous savons que le temps de jeu est important dans notre sport et que tous les joueurs ne peuvent y consacrer 4h30. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons adapté la gestion d’index en compétition en jouant seulement 9 trous ou encore créé les départs recommandés.
Jouons plus vite et selon notre niveau de jeu !
GP : Qu’en est-il de l’affiliation et de l’homologation pour ce type de parcours ?
RM: L’affiliation à la fédération est faite pour être reconnue et bénéficier de ses services (assistance informatique, sportive, juridique…). Les golfs sont alors amenés à devoir une redevance définie selon le type de structure : Pitch&Putt, compact, 9 trous et +. En ce qui concerne les « grands » golfs, ce coût repose sur des tranches de 9 trous. Un golf de 12 trous aura par conséquent une affiliation d’un montant inférieur à celle d’un 18.
En ce qui concerne l’homologation, cela repose sur le fait d’être reconnu par la fédération pour permettre une bonne gestion sportive. Ce sujet est directement lié à l’étalonnage qui va permettre de définir notamment l’ordre de difficulté des trous pour obtenir la répartition des coups reçus selon l’index du joueur. Sur un golf de 12 trous, l’étalonnage permettra de définir les coups reçus en fonction du nombre de trous qui seront doublés pour obtenir 18 trous.
Quel que soit le nombre de trous d’un golf, l’organisation fédérale s’adapte et permet au club d’offrir à ses joueurs une animation sportive ou de loisir.
Patrice Clerc : Le 14 trous de Belle-Île ? Le bonheur absolu !
Grand dirigeant du sport français (FFT et ASO principalement), Patrice Clerc, 73 ans, passe une bonne partie de son temps à Belle-Île-en-Mer dont il est un ambassadeur parfait. Golf Planète l’a rencontré sur place pour évoquer l’originalité du golf de cette destination tourisme appréciée par les marins, les randonneurs, les amoureux du calme et de la bonne table, les nostalgiques de l’ancien domaine de Sarah Bernhardt qui avait jeté son dévolu sur ce lieu magique… mais aussi par les golfeurs.
Golf Planète : Face à la presqu’ile de Quiberon, Belle-Île possède un golf original qui n’a que 14 trous : pouvez-vous nous raconter son histoire ?
Patrice Clerc : Au début, il n’y a eu que 4 trous à Belle-Île et puis, il y a eu un tel engouement dans les années 80 qu’on a décidé de faire un 18 trous. Inauguré en 1984, ce golf rustique n’a jamais été réellement terminé. Le manque de financement, le mauvais état du terrain, l’absence de maitrise foncière ont menacé la survie de ce golf. Les joueurs – moins d’une centaine – ont constitué une SCI et il a été décidé non pas de se contenter de 9 trous mais d’en sauver un maximum pour revenir un jour à 18. C’est ainsi que nous en avons gardé 13 en 1995 auxquels on a pu ajouter un 14e cinq ans après. Depuis, un bassin de rétention d’eaux pluviales a été aménagé et l’entretien en phase avec nos finances permettent une pratique très satisfaisante. Et fait amusant : il n’est plus question de revenir à 18 trous. Tout est bien ainsi.
Justement, comment vit-on le fait de jouer sur un parcours de 14 trous ?
Au début, à titre personnel, et comme beaucoup d’autres amis golfeurs, nous avons joué ces 14 trous en attentant un retour à meilleure fortune. Et puis, le temps passant, nous nous sommes aperçus que 14 trous correspondaient à ce golf loisir que nous recherchions : il ne faut pas oublier que Belle-Île-en-Mer a d’autres atouts et qu’il est bon d’en profiter : la pratique de la voile, la plage, la randonnée, le repos et la détente en famille etc… 14 trous, si l’on joue vite, c’est deux heures et quart et on a ainsi tout le temps de jouir de sa présence dans cette île exceptionnelle. Ainsi, et selon son emploi du temps, le golfeur peut jouer à la demande : 8, 11, 12 ou 14 trous… C’est le bonheur absolu.
La quasi-totalité des golfeurs de Belle-Île se trouvent très bien ainsi et ne veulent surtout ne rien changer. Notre golf est un golf de loisirs, de vacances et non pas de compétition. Même si cela reste aussi envisageable puisque nous avons fait homologuer 9 trous par la Fédération ce qui permet ainsi d’organiser tournois et classements.
Vous qui voyagez beaucoup et qui connaissez de très beaux parcours dans le monde, quel effet vous ressentez quand vous revenez jouer ce parcours ?
Chaque fois, je redécouvre le golf de plaisir ! On se prend moins la tête… même quand les oiseaux marins font des trous sur les greens ou si le trèfle pousse volontiers sur les fairways ! On revient aux origines du golf. Pour mon ami Patrice Léglise, « on est au début de l’histoire du golf, et en plus, il faut tout le temps inventer un coup en fonction de la météo, du vent, du terrain ! L’endroit magique… Le parcours est un links, mais un links surplombant la mer… Tous les trous sont différents et on y joue tous les clubs du sac… Le n° 2, signature du parcours, vous offre un spectacle unique et un challenge difficile… ».
Quelles leçons peut-on tirer de ce parcours de 14 trous ?
Bien entendu, le vrai golf se joue et se jouera sur un parcours de 18 trous. C’est comme les nouvelles formules de tournois sur 54 trous sans cut ne remplaceront jamais les tournois sur 4 tours avec un cut.
Mais un parcours comme Belle-Île est idéal pour les vacances, le fun, le plaisir, les loisirs… Le golf à la carte.
Des amis golfeurs de Chantilly sont venus me rendre visite en juillet et après la partie, ils ont déclaré : « C’est fabuleux, le décor est extraordinaire, les coups sont amusants à jouer… Et les green-fees sont très abordables pour un tel plaisir ! ».
Merci à Florence, Patrice et Valérie pour leur accueil : le golf de Belle-Île est une destination obligatoire pour ceux qui aiment l’authenticité de ce sport, la beauté d’un links surplombant la mer et l’originalité d’un golf qui n’a pas 18 trous ! Green fee entre 35 euros et 52 euros selon la saison. Et bonus : le trou 2 est, à notre avis, dans le top 10 des trous français….
Informations : cliquez içi
Photos Philippe Ulliac et GP
Le golf de Marmande a 10 trous… et tout va bien !
A Marmande dans le Lot & Garonne, le parcours comporte 10 trous avec de nombreuses possibilités de variation.
Gilles Moullé, président de l’Association Sportive, a bien voulu répondre à nos questions.
Golf Planète : Comment est-on arrivé à la solution du 10 trous? Contraintes techniques, financières, environnementales, volonté des joueurs… ?
Gilles Moullé : A l’origine, il s’agissait d’un 9 trous avec une autre configuration. Considérant que la liaison était trop longue entre la sortie du 3 et le départ du 4 (ancienne configuration), le bureau de l’époque a fait construire un trou (3 actuel) pour raccourcir cette liaison. Il s’agit donc d’une volonté du bureau de l’époque.
GP : Officiellement, votre parcours comporte 10 trous. Quelles sont les combinaisons possibles? Quelles sont les options les plus demandées?
GM : En général, il se joue en 2 fois 9 (18 trous). Le trou 3 et 18 ne se jouent qu’une fois (le 3 à l’aller et le 18 au retour). Pour un parcours 9 trous, nous autorisons souvent nos membres et green fees 9 trous à jouer le 18 puisque le green est devant le club-house. Des combinaisons sont également tolérées pour nos membres où ils peuvent, après le 9, jouer le 10 et le 11 puisque le green du 11 est près du club-house. Il est également toléré, toujours pour nos membres de poursuivre et s’arrêter au green du 15. Ces tolérances sont exclusives à nos membres. Elles ne sont jamais proposées aux clients de passage.
GP : Comment sont fléchées les combinaisons?
GM : Aucune combinaison n’étant possible, il n’y a pas de fléchage particulier.
GP Les tarifs sont-ils adaptés selon le nombre de trous joués?
GM : Suivant la réponse précédente, il n’y a pas de tarif par trou joué. Nos tarifs étant modestes (GF 9T basse saison = 15€ / GF 18T Basse saison = 24€ / GF 9T Haute saison = 20€ / GF 18T haute saison = 30€)
Eu égard à cette volonté de conserver des tarifs bas, nous ne saurions que vous inciter à découvrir, si ce n’est déjà fait, ce parcours aux multiples facettes, également situé dans un joli département français pas si mal loti en nombre de parcours, citons en particulier celui de Casteljaloux (18), d’Albret (18) ou de Villeneuve sur Lot (18)…
Golf Planète vous fera découvrir cette destination du sud-ouest prochainement.
Pour les architectes européens : « On est évidemment allé trop loin »
Eux aussi sont inquiets et le disent à travers leur association « European Institute of Golf Course Architects » (EIGCA), dans un rapport publié en Angleterre dont nous avions publié quelques extraits. Ces réflexions trouvent toute leur place aujourd’hui dans l’enquête de Golf Planète.
La grande majorité (75%) pense qu’augmenter la distance de vol de la balle diminue l’intérêt et la maitrise du jeu. En outre, les distances excessives menacent la sécurité, l’environnement, le foncier ainsi que la survie des grands parcours du passé auxquels tout golfeur doit se référer. Très concrètement, les architectes pointent des risques réels :
Intégrité
Les deux tiers des architectes (66%) pensent qu’augmenter les longueurs des parcours menace d’une part l’intégrité et l’essence du jeu et d’autre part la réalité des parcours historiques
Environnement
Une inquiétude concerne directement les questions environnementales à cause des effets négatifs sur l’emprise foncière nécessaire (70%), la consommation d’eau (66%), la réduction des terres constructibles (45%)
Sécurité
88% déclarent être inquiets pour les conséquences en matière de sécurité devant le développement du matériel. 90% ont déjà fait face à cette problématique et 73% ont dû prendre en cause ce phénomène pour obtenir une sécurité plus importante.
Dessin des parcours
93% ont redessiné des parcours pour tenir compte des menaces inhérentes au problème et 83% ont changé leur façon de dessiner un parcours de golf. La question revient très souvent dans leurs conversations avec leurs clients.
Impact
88% croient que l’augmentation des distances atteintes a un effet négatif sur le jeu. Et 79% sur le dessin des parcours.
Jeu
75% pensent qu’augmenter le vol des balles et la technologie du matériel diminue l’intérêt du jeu et conduit à une simplification de la stratégie des parcours. 59% pensent toutefois que l’amélioration du matériel a aussi apporté plus de plaisir chez les amateurs dans leur jeu. Mais qu’un statu quo est maintenant souhaitable.
Développement futur
56% mettent en avant la cohérence et la régularité du coup comme objectif recherché, devant la joie du jeu, les bienfaits de santé, le lien social, l’accessibilité, la réduction du temps de jeu etc.
Règles
95% pensent que les autorités mondiales du golf devraient prendre des mesures pour résoudre les distances atteintes avec le nouveau matériel. 34% disent que seuls les tournois pros devraient être concernés.
Réduction envisagée
De manière générale, les architectes pensent que les distances actuelles atteintes devraient être réduites de 10% à 15%
Tous – ou presque – regrettent le temps d’avant
Écoutez les architectes de golf européens : voici des extraits assez instructifs !
Le golf était un jeu d’adresse, de précision et d’entretien de parcours. C’est devenu un jeu de puissance. Michael Harradine
Augmenter les distances au drive peut conduire à des modifications de parcours qui vont changer son caractère, son essence. David Hemstock
Le nouveau matériel voit souvent voler les balles plus loin… dans la mauvaise direction, malgré les efforts des joueurs. Cela constitue une menace pour la sécurité des joueurs et des voisins…. Ce fait met en péril le développement de certains parcours. Gareth Williams
Je ne vois pas de problème en séparant amateurs et pros.. En fait, je l’encouragerais même. Simon Gidman
Certains pensent que la “bifurcation » serait la fin du golf. Moi je crois qu’une des meilleures choses en golf est de pouvoir se comparer avec les meilleurs. Pas question de perdre cela. Jeff Howes
Nous sommes maintenant régulièrement appelés devant des tribunaux pour évaluer des affaires de sécurité et de responsabilité quand des accidents se passent. Des parcours ont même été fermés. Et la situation est parfois incontrôlable dans des practices. Mark Adam
Le nouveau matériel récompense la puissance de frappe. Ce qui, au golf, creuse encore davantage de fossé entre les hommes et les femmes. Gary Johnston
Le golf devient plus cher, plus long, plus lent, moins durable… Attractif pour personne. Thomas Kelly
Aucun doute sur le fait que le golf est plus fun pour les amateurs, grâce notamment au progrès du matériel. Robin Hiseman
Prenez un vieux sac de golf et essayez de jouer avec des fers anciens. Ce sera difficile et sans plaisir… Will Murray
Accessible, abordable, rapide, pas long : voilà les qualités vitales pour le développement du jeu. Gary Johnston
Infos : EIGCA cliquez içi
Bernard Pascassio : « On s’est trompé : les parcours sont devenus trop durs, trop longs, avec trop d’eau… C’est ridicule »
« Si je devais faire un seul reproche à la situation actuelle, je dirais que l’on s’est trompé en imaginant des golfs trop durs, trop longs , avec trop d’eau, c’est ridicule ! C’est facile pour les pros et injouable pour les amateurs. Ce n’est pas ma conception du golf. Des parcours comme Chantilly ou Muirfield en Écosse, tu peux les jouer 50 m court du green. Aujourd’hui, le golf est devenu un jeu de fléchettes, où il faut que ce soit vert et que ça pitche… Je suis désolé, on a tout faux. Pourquoi faire des lacs de 150 m de long ? Prends le 13 d’Augusta, avec son petit ruisseau, ça c’est génial !
Si j’étais Président de la Fédération, j’embaucherais un architecte de golf pour boucher la moitié des lacs (rires).
On m’avait demandé à l’époque de concevoir des parcours. Mais c’est un métier subtil, compliqué…
Reste que quand le résultat est trop difficile à atteindre, le joueur ne prend pas de plaisir… »
(extrait de Golf Magazine, juin 2022)
Dans un prochain numéro, et pour clore provisoirement le débat, nous donnerons la parole aux équipementiers, acteurs essentiels du développement du jeu en général et aussi aux champions de la planète Golf.
Avec deux questions principales : la balle est-elle la solution ? et les clubs peuvent-ils aussi y contribuer ?
Note : dans notre volet consacré aux « zones à potentiel », nous avons omis de signaler à propos de la Gironde, deux projets de l’architecte Alain Prat, celui de Montalivet et celui de Grayan qui, malheureusement, n’ont jamais pu aboutir… Dont acte.
Salut Christian !
Enfin, nous profitons de ce dossier pour rendre un dernier hommage à notre ami Christian de Guerre, retiré près des Alpes qu’il aimait et qui nous a quittés cet été. Christian dont nous avons apprécié la connaissance du monde du golf mais aussi l’humour et la culture avait été le rédacteur en chef de Golf Européen pendant de très nombreuses années, dans l’ombre d’André-Jean Lafaurie
Lors d’un dernier voyage ensemble en Ecosse il y a 6 ans, déjà touché par la maladie, il avait tenu à tenir bon sur « ces terres qui sont mon Lourdes à moi ». Salut l’ami !
Alexis Orloff et la fédé nous permettront de joindre cette belle photo qui fait remonter en nous de bons souvenirs. RdM