Nous profitons de cette période estivale pour vous proposer une relecture du dossier consacré à l’environnement et au golf que nous avions publié en septembre de l’an dernier.
Première fois qu’un dossier aussi complet était présenté : vous avez été nombreux à le lire et à le commenter.
Pour ceux qui n’avaient pas eu l’occasion d’en prendre connaissance, nous publierons ce mois-ci les trois parties de ce dossier important.
Un mariage contre nature ? 1ère partie : Le Constat
Voici le premier dossier « Golf Planète Enquête ». Il est consacré à un sujet majeur pour notre sport passion : golf et environnement. Ce dossier en trois parties est un peu long : il a essayé d’être le plus exhaustif possible. Et mérite votre lecture. Vos réactions sont les bienvenues. RdM
Un dossier préparé par Denis Machenaud
Au moment où l’on parle de transition écologique, il nous a paru souhaitable à «Golf Planète» de nous pencher sur la question parfois controversée des rapports du golf avec l’environnement, en France et dans le monde. Car les enjeux sont non seulement hexagonaux mais aussi planétaires.
Cette enquête sera traitée en trois parties
- Constat -sans parti-pris mais aussi sans concession ni tabou- de la situation générale en 2019 en France et dans le monde
- Propositions de solutions pour un équilibre harmonieux entre le golf et la Nature,
- Exemples concrets de réussites en France et sur la planète golf.
Le premier volet de notre enquête montre la complexité d’une situation générale où tout a été permis jusqu’à un passé récent, où les fantaisies les plus folles ont été autorisées avant que chacun s’aperçoive qu’on était allé un peu trop loin et qu’il fallait se poser les bonnes questions en remettant le modèle à plat.
L’eau, les intrans et pesticides, la faune et la flore, voilà trois composantes indissociables de la vie d’un golf que les acteurs doivent réguler avant que le législateur n’intervienne trop brutalement, ce qui pourrait bien arriver si l’on n’y prend garde…
Nombreux sont ceux qui, encore aujourd’hui, se voilent la face et considèrent que l’on peut continuer à swinguer sans ne rien faire. D’autres, à l’opposé, pensent qu’on se rapproche de la situation du Titanic, que l’on continue à danser au son d’une belle musique sans réaliser qu’on est entrain de couler, qu’il y a du souci à se faire et qu’il est temps d’agir.
A l’évidence, le golf n’est pas un sport comme les autres . Sa spécificité en fait une discipline à part, protéiforme, difficile à cataloguer en tout cas . Le nombre très important de nouveaux parcours dans les années 80 ne s’est pas toujours effectué dans des conditions idéales.
Aujourd’hui, se pose la question de l’intégration plus harmonieuse du golf dans l’environnement et son acceptabilité par l’ensemble de la société et non plus simplement des golfeurs eux-mêmes.
Pour y parvenir, la Fédération a, depuis longtemps, indiqué la marche à suivre et multiplié les initiatives afin d’inciter les Clubs à réduire l’impact négatif d’une consommation excessive d’eau, d’un usage excessif de pesticides et d’engrais, et respecter au mieux la biodiversité. Trois reproches couramment faits au Golf dont il doit impérativement se défaire sous peine de se voir accolé pour longtemps une image dévalorisée.
Une analyse en profondeur s’imposait . Vous êtes prêts pour affronter ce parcours plein d’embûches et d’obstacles en tout genre mais riche d’enseignements ? Alors, on y va.
« On the tee »
LE CONSTAT
La spécificité du golf doit être prise en compte
On ne comprend rien à la situation si on ne prend pas en compte les spécificités du golf.
Comme l’a expliqué Dominique Bonnot dans un article paru en 2018 sur le site de la Fédération Française de Golf : « chaque golf est unique à cause de sa situation géographique d’abord, englobant le climat, l’altitude, la géologie, la pédologie (partie de la géologie qui étudie les caractères chimiques et physiques des sols), les précipitations, son environnement ensuite sur lequel le golf a été tracé… et forcément, pas par hasard. Il existe des golfs forestiers, des links (bord de mer), des golfs en altitude, en plaine, en zone urbaine… l’historique du site également : les golfs peuvent s’implanter sur d’anciens milieux dégradés tels que des friches industrielles, carrières, décharges, d’anciennes terres agricoles, zones inondables ou zones naturelles… Son ancienneté et sa superficie sont enfin à prendre en compte. Plus un golf est ancien et sa surface étendue, plus le potentiel, en termes de biodiversité, peut être important. »
Si on ne prend pas ces critères en compte qui fixent bien le décor, il est impossible alors d’avoir un jugement honnête sur la mise en cause éventuelle du Golf dans le processus environnemental.
Le développement exponentiel des années 80, pas toujours bien maitrisé, continue de peser
Pour rester dans la sincérité, a-t-on toujours pris garde par le passé aux contraintes qui nous paraissent aujourd’hui fondamentales : milieux naturels fragiles de grande valeur écologique (dunes, coteaux calcaires, pelouses sèches, landes, de plus en plus rares et menacés) ?
Sous prétexte de réaliser le plus beau golf de la planète, les architectes et les aménageurs n’ont-ils pas en maintes occasions par le passé oublié les principes de préservation de la nature et dessiné des golfs dans des zones peu propices ou trop gourmandes en eau ou produits d’entretien par exemple ?
L’aménagement de la côte Aquitaine n’est pas un cas isolé mais symptomatique. Les «anciens» se souviennent de la fameuse Mission Biasini – la MIACA – dans les années 1960, qui avait pour objectif de faire du littoral atlantique une nouvelle Californie française. Pour séduisant qu’était l’objectif, s’il avait été adopté dans son intégralité, n’aurait-il pas encore davantage participé à la destruction de l’environnement malgré, notamment, une frénésie de nouveaux parcours tous plus beaux les uns que les autres ?… La question mérite d’être posée.
Mais comme on est en France, où le « tout ou rien » prévaut trop souvent, en dépit du bon sens, on a finalement oublié que la côte aquitaine, de Soulac au nord jusqu’au littoral landais, possède des kilomètres ininterrompus de dunes qui auraient pu servir de décor magnifique et naturel à des parcours de type « links ». Le Conservatoire du Littoral ayant préempté la totalité, plus rien n’a été possible, surtout avec la fameuse bande des 100 m de côte. Aujourd’hui, aucun parcours de ce type n’existe entre Saint Jean de Monts en Vendée et Chiberta sur la Côte basque. On peut le regretter évidemment, lorsqu’on pense aux somptueux projets, en Gironde en particulier, des plus grands architectes mondiaux qui resteront désormais dans les tiroirs pour toujours, surtout lorsqu’on constate que les links sont aujourd’hui les plus prisés des golfeurs, en Ecosse bien sûr ou ailleurs, et aussi les moins gourmands en traitements.
En 10 ans, de 1980 à 1990, la croissance du nombre de parcours (18 trous majoritairement) a été très rapide (+ 195 %, avec un ralentissement dans la décennie 1990 ; + 35,2 % de 1990 à 2000). La croissance a diminué mais s’est poursuivie de 2000 à 2005 (+ 5,1 %). la région Île-de-Franceabritant à elle seule près d’une centaine de parcours. Au total, dans l’Hexagone, 33 000 hectares sont consacrés au golf. «Nous avons fait parfois n’importe quoi, aujourd’hui, il faut payer la note… » confesse un architecte français bien connu…
Une surface importante mais qu’il faut relativiser. Elle représente largement moins d’1% de la surface de la forêt française et, à titre de comparaison, sensiblement la même étendue que la forêt domaniale d’Orléans, par exemple.
Après ce développement exponentiel, il a fallu ensuite subir les fourches caudines de certains écologistes idéologues, lesquels ont empêché tout nouveau projet, quel qu’il soit, en jouant à l’infini des procédures multiples… avec un grand succès d’ailleurs ! Comme si un golf, au contraire de toute autre activité humaine, pouvait se concevoir seulement comme un simple espace vert, sans arrosage ni engrais d’aucune sorte.
Des systèmes de compensation ont été édictés, avec obligation, par exemple, de replanter là où on a enlevé des arbres, recréer de la biodiversité là où on y a porté atteinte, ce qui est une bonne chose, sauf que, parfois, cette exigence a retardé le projet, augmenté les coûts à un point tel que le découragement a remplacé la volonté d’entreprendre, alors qu’un dialogue constructif aurait pu éviter la surenchère.
Il n’empêche que quoi qu’on fasse, on ne fait pas fi aussi facilement d’une industrie qui génère en France 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires annuel et emploie près de 15 000 personnes.
Tout n’est pas si simple…
Dès lors qu’on a décidé de prendre le golf pour cible, il est important de rétablir certaines vérités et tordre le cou à de nombreuses exagérations.
Par exemple, environ entre 40% et 50% de la superficie d’un golf est laissée à la discrétion de la nature. Un golf avec ses espaces boisés, ses plans d’eau, ses zones humides est aussi un havre de biodiversité tant animale que végétale. Les chevreuils, cerfs, faisans ou perdrix s’y réfugient souvent en période de chasse. Qui n’a pas croisé alors un lièvre ou une poule faisane avec ses poussins ?
On le voit : les aspects positifs et négatifs sont souvent mêlés. Il est donc important d’avoir une approche claire et lucide de la situation par rapport au golf qui, qu’on le veuille ou non est un des acteurs, parmi d’autres, au cœur de la problématique environnementale.
Les très nombreuses études effectuées depuis les années 50-60, notamment aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, ont pour beaucoup été entachées du vice originel d’avoir été pratiquées directement par l’industrie du golf ou ses émanations, en particulier l’USGA, la très puissante Fédération américaine. Ces nombreux conflits d’intérêt, comme on les appellerait aujourd’hui, ont contribué à jeter un doute certain sur la validité des informations communiquées par ces organismes et, encore aujourd’hui, on voit que, sur certains points, l’argumentation reste pour le moins contestable.
Le golf a été classé – c’est ainsi – comme le 4e sport le plus polluant, après le ski, les sports mécaniques et le tir. Il peut aussi représenter un danger pour la biodiversité des espaces sur lesquels les parcours sont installés. L’impact de la construction, du positionnement et de la gestion des terrains de golfs est d’ailleurs en débat, au moins depuis les années 1970. Mais pourquoi donc les golfs s’affranchiraient-ils des lois de la Nature et ne composeraient-ils pas avec elle ?
La Fédération n’est pas restée inactive…
C’est une des raisons pour lesquelles la Fédération française de golf n’est pas restée sans rien faire.
Prônant le dialogue depuis longtemps, depuis 2004, elle a mis en place une Commission en charge des questions de préservation de l’environnement, du développement durable et de la sensibilisation des clubs et des pratiquants.
En 2006, suite à la sécheresse, la première charte a été signée entre la Fédération, les associations et les ministères des Sports et de l’Ecologie engageant la filière à réduire les consommations d’eau, prioritairement celle venant du réseau public.
En 20l6, la Charte «Golf et Environnement» a été signée et un «Guide de gestion environnementale des espaces golfiques» est paru, toujours sous l’égide de la FFG.
Enfin, une convention a été signée avec le Muséum National d’Histoire Naturelle sur la biodiversité des golfs français et en particulier le Golf National en région parisienne. Au début de cette année, la FFG a lancé une vaste campagne de sensibilisation des joueurs sur l’environnement . Dans le cadre de ce partenariat, un dispositif inédit de labellisation des clubs qui s’engagent en faveur de la connaissance, la préservation, la valorisation de leur patrimoine naturel -le Programme Golf pour la Biodiversité- a également été mis au point. Thomas Charrier, de la Ffgolf, le confirme : «pour un niveau Bronze, le coût se situe entre 3000 et 4000€ (environ 6 jours de travail par les experts) tandis que le niveau Argent se situe entre 7000 et 10 000€ (14 jours de travail). Fin 2019, nous espérons compter au moins 40 clubs engagés. Mais il est vrai que le coût est un frein important pour les clubs ».
L’obtention de ces labels n’est pas neutre dans le budget. Autant dire qu’en cette période un peu difficile sur le plan financier, de nombreux golfs n’en ont pas encore fait une priorité… Dans le passé, d’autres initiatives étaient apparues : «Ecocert» avait créé le label «Golf éco-durable» pour récompenser les pratiques durables. D’autres labels ont été mis au point pour qualifier une gestion plus écologique (et donc différenciée) des espaces verts (Ex. le Label «EVE» ; pour « «Espaces verts écologiques» », délivré également par Ecocert) » .
La prise de conscience existe donc. Il reste que d’énormes problèmes subsistent, certains qui peuvent trouver leur solution à court ou moyen terme, d’autres, plus structurels qui exigeront une volonté de fer pour que le golf devienne -mutatis mutandis- exemplaire à tous égards.
Trois reproches principaux
Principalement une consommation d’eau excessive, voire un gaspillage de la ressource, un usage excessif de pesticides et d’engrais et une appropriation foncière de milieux abritant souvent des habitats vulnérables.
Les golfs ont souvent été considérés par le grand public et plus encore par les environnementalistes comme d’intérêt très faible voire franchement négatif pour l’environnement (le Worldwatch Institute allant jusqu’à parler dans ces cas de « Toxic green »).
Quels sont les problèmes concrets auxquels un Directeur de golf doit faire face aujourd’hui ?
L’Eau : accès et consommation
Selon leur implantation géographique, les golfs disposent de différentes possibilités d’accès à l’eau. Globalement, 90% des golfs utilisent de l’eau impropre à la consommation humaine.
Les dernières études (document FFG) montrent que les golfs utilisent d’abord l’eau souterraine (41%), puis l’eau de retenue (pluviales), 23%, ce qui est un signe encourageant, puis l’eau de surface (17%), l’eau publique (potable), 10%, enfin l’eau brute (canaux), 3% , les eaux usées (3%). Depuis 10 ans, le recours à l’eau publique a baissé de près de 20% et de 15% pour l’usage des eaux des canaux d’irrigation où les golfs se trouvent en concurrence directe avec les agriculteurs.
L’évolution est donc largement positive si on considère qu’en 2005, en France, les golfs utilisaient des forages (dans 41 % des cas) ; un pompage en canal (26 %) ou en cours d’eau (9 %) ou dans une retenue collinaire (seulement 5 %). 8 % des golfs interrogés utilisaient de l’eau recyclée et 11 % des golfs interrogés utilisaient directement de l’eau potable (golfs urbains ou anciens en général, qui pourraient utiliser une eau recyclée).
En France, l’AGREF (Association des Intendants de parcours français), estimait qu’en 2005 un golf moyen nécessitait 3 176 m3 d’eau d’arrosage par hectare et par an environ 57 000 m3 pour un 18 trous. (On considère qu’un parcours de 9 trous représente la consommation d’une commune de 350 habitants).
Selon la Fédération, 54 % des 620 responsables de golfs interrogés avaient en cinq ans diminué leur consommation d’eau. Et 14 % à 90 % utilisent une eau non-potable. La part des golfs dans l’irrigation française serait de 0,74 % du total (21 241 000 m3 par an pour 82 % des golfs, sur environ 7 000 hectares irrigués). Les pistes de travail de la FFG sont de mieux répartir les apports, une irrigation plus efficiente et économique, le choix de graminées moins exigeantes en eau et la création de réserves pluviales.
Sans surprise, les golfs qui arrosent le plus (de 25 000 à plus de 50 000 m3/an) sont situés sur le littoral aquitain et dans le grand Sud-Est, mais en termes de surface arrosée par région, la région parisienne domine. «La consommation d’une tranche de 9 trous est estimée en moyenne à 24 800 m3 en 2010. Les écarts de consommation d’une région à l’autre peuvent être très importants» (ex. consommations moyennes par région et par tranche de 9 trous variant de 8 374 m3/an en Champagne-Ardenne à 77 234 m3/an en Provence-Alpes-Côte d’Azur). L’eau prélevée dans le réseau public en 2012 a été estimée à 2 340 000 m3, soit 8 % de toute l’eau utilisée par les golfs, ou 10 % du parc golfique.
Un entretien régulier, voire intensif, est le plus souvent nécessaire : tonte quasi-quotidienne, pesticides, arrosage plusieurs fois par jour seulement pour réguler la température en cas de forte chaleur. D’où des chiffres de consommation en eau très importants. Mais en saison estivale, nombreux sont les golfs qui choisissent de n’arroser que les deux hectares de terrain les plus sensibles, les greens et les départs.
Les golfs comme les autres usagers doivent également se plier aux lois, règlements et arrêtés qui régissent l’usage de l’eau car partout ils entrent en concurrence avec les particuliers qui ne comprennent pas toujours très bien pourquoi des restrictions d’eau leur sont imposées.
En résumé, disons que l’eau, certes, est un problème mais qui, en France, sur le plan de la quantité, se résout relativement aisément. Jusqu’à quand ?
Les intrants, pesticides ou autres
Les gazons ont des systèmes racinaires très développés capables de capter les éléments mobiles dans le sol . C’est pour cela, nous dit Rémy Dorbeau, directeur du golf de Chantilly et l’un des meilleurs experts en la matière, « qu’on préconise les bandes engazonnées pour protéger les bords de ruisseau et les cours d’eau des lixiviations de pesticides et d’azote .»Il suffirait sur les gazons intensifs de 1,50 kg/ha/an d’engrais (soit 1,5 % de la quantité d’engrais et de désherbants utilisés en France pour les espaces verts), mais les documents des semenciers qui vendent les graines d’Agrostis stolonifera principalement utilisée sur les greens, recommandent de 100-200 kg/ha/an d’azote sous forme de nitrate, de 50-75 kg/ha/an de phosphore et de 250-400 kg/ha/an pour le potassium, à épandre seul ou en mélange, selon les besoins, la saison, la météo, etc.
On le voit, un écart considérable entre une bonne pratique et la réalité.
La majorité des engrais utilisés sur gazon sont à libération progressive car il faut absolument rechercher à éviter les à-coups de pousse qui affectent énormément la qualité des greens.
Ailleurs, selon les golfs, la nature du sol, le climat, le taux d’engazonnement, et l’importance de la fréquentation, il existe des techniques pour limiter la lixiviationde l’azote, en particulier en limitant l’arrosage au strict nécessaire et en veillant à ne pas surdoser. L’impact est donc très variable, mais sans engrais à diffusion lente, il semble impossible d’éviter ces lixiviations d’azote s’il pleut après un épandage (les nitrates sont très solubles dans l’eau). Des études plus générales montrent que des aérosols de pesticides peuvent aussi contaminer les eaux météoritiques (pluies, brumes, rosée) localement ou à distance.
« Les aérosols ont généralement peu d’impact sur les gazons arrosés, poursuit Rémy Dorbeau, car les résidus de pesticides sont enfouis dans les premiers centimètres du sol où le réseau racinaire du gazon est très dense pour être rapidement dégradés par les bactéries du sol. C’est le principe du Phytobac agréé par le Ministère de l’Environnement destiné à traiter les fonds de cuves. »
Ce sont les greens qui, bien que ne constituant que 2 % environ d’un parcours, consomment le plus de produits chimiques. Les pesticides les plus utilisés le sont sur les greens : les désherbants sélectifs concernent surtout les autres zones de jeu comme les départs et les fairways, les insecticides,fongicides dont l’usage est de plus en plus réduit au minimum, et les lombricides. Là encore, heureusement, en France, il n’y en a pas non plus d’homologué sur gazons car l’homologation d’un pesticide exige une étude d’innocuité sur les lombrics . Le lombric est historiquement avec la taupe qui le consomme le premier animal «nuisible» que les greenskeepers ont cherché à éliminer dès les années 1800 au moyen de produits chimiques
Des raticides, taupicides, souricides sont éventuellement utilisés en complément. Parmi ces produits, les phytosanitaires visent par exemple à soigner ou éviter la brûlure en plaques, la fusariose froide, le fil rouge ou d’autres maladies du gazon qui sont d’autant plus contagieux que les gazons sont monospécifiques, génétiquement très homogènes, et très densément plantés (100 kg/ha, avec sursemis de 50 kg/ha), trois conditions qui favorisent la propagation rapide de maladies. Une fertilisation de 70 kg d’azote/ha est recommandée pour les semences traditionnelles (pendant le semis ou peu après)
Mais il n’y a pas que les taupes, ragondins… L’intoxication à l’arsenic empoisonne aussi les animaux se nourrissant d’organismes du sol ou de champignons bioaccumulateurs. Là encore, la France est bon élève puisque l’arsenic disponible en France n’existe pas.
Pour diminuer la consommations de pesticides, les formations d’intendants de golf recommandent maintenant d’installer de nombreux nichoirs pour oiseaux insectivores et chauve-souris comme au golf de Toulouse qui a pu obtenir ainsi le premier label «écodurable» d’Ecocert. On empoisonne également les étangs avec des poissons herbivores exotiques (carpes Amour ou perches Soleil, par exemple) qui mangent les algues qui pullulent à cause des nitrates, mais qui détruisent aussi la flore naturelle productrice d’oxygène et épurant l’eau de ses nitrates au profit d’espèces planctoniques qui contribuent à rendre les eaux troubles.
L’affaire, comme on le voit, n’est vraiment pas simple avec, souvent, un aspect positif contrebalancé par une atteinte à l’environnement.
Oui, mais…
Aux États-Unis, la Fédération américaine, l’USGA, a financé une étude visant à modéliser le devenir dans le sol et l’eau d’infiltration des différentes formes (espèces) notamment dans la zone racinaire du gazon.
Un gazon similaire à celui d’un gazon de golf a été créé et entretenu par l’Université de Floride et des lysimètresont permis de mesurer la quantité d’eau percolant au travers des racines du gazon et dans le sol, ainsi que la quantité de nitrates lessivés au passage. Les résultats ont confirmé que, comme dans les sols naturels ou agricoles, la composition du substrat (proportion de tourbe, argile et sable) influence fortement la mobilité et la lixiviation(lessivage) provoqué par l’arsenic présent dans les produits phyto-sanitaires. Heureusement, en France, le MSMA – arsenic – n’a jamais été autorisé à la vente, le problème, à cet égard, n’existe donc pas.
L’ Université du Massachusetts et celle de Californie ont démontré, selon l’USGA, que les pesticides étaient fortement interceptés par les feuilles du gazon et qu’ils étaient surtout présents en surface, percolant moins qu’on ne le craignait vers les nappes. Une partie (moins de 13 % en général) de ces pesticides se volatilise (sublimation ou envol d’aérosol) dans l’air, en quantités différentes selon les molécules.
Au regard des normes de l’EPA en vigueur lors de l’étude, les doses moyennes de substances actives mesurées dans l’air n’étaient pas dangereuses pour l’homme, mais «cependant, des précautions doivent être prises immédiatement après l’utilisation d’un pesticide. Le ruissellement et le lessivage superficiel des pesticides par l’eau varient fortement selon le type de sol, de plante, le degré de pente, la pression de vapeur du produit et la température de l’herbe. Jusqu’à 10 % d’un pesticide appliqué avant une pluie peut être emporté par cette dernière. Sur les fairways, l’herbe agrostis se montre mieux en capacité de limiter le ruissellement que le ray-grass par exemple». L’étude montrait que les modèles de dispersion et de percolation des pesticides utilisés en agriculture ne peuvent s’appliquer aux golfs dont les capacités de filtration (grâce au gazon dense) s’avèrent importantes, d’où le conseil de l’USGA de les utiliser pour épandre et épurer des eaux usées, sous réserve d’études plus approfondies.
La Faune et la Flore de plus en plus prises en compte
Il y a beaucoup à dire sur ce point qu’on a longtemps négligé mais qui, aujourd’hui, devient crucial du fait de la disparition en silence de nombreuses espèces d’oiseaux en particulier (1/3 a disparu dans nos campagnes françaises).
Bien sûr, le golf n’est pas seul responsable -loin de là- du phénomène mais il peut y contribuer dans certains cas .
Le côté positif ou le verre à moitié vide : comme on l’a vu plus haut, les espèces sont inégalement touchées par cette activité. Par exemple, un certain nombre d’oiseaux y trouvent plus facilement refuge qu’en ville ou dans la campagne urbanisée .
Sur un parcours et notamment dans les hauts roughs, on trouve de nombreuses espèces d’insectes comme les abeilles, les sauterelles, les papillons mais aussi des reptiles, des hérissons ou des rongeurs. C’est pourquoi il est recommandé de privilégier une tonte tardive à la fin de l’été pour permettre le cycle de reproduction .
La FFG, à la rubrique «Environnement» de son site internet, va plus loin en passant en revue l’ensemble de la faune qu’on voit sur les golfs.
Le verre à moitié plein : le cas particulier des abeilles
Les insectes, comme les abeilles et les papillons, en butinant, permettent la pollinisation et la reproduction de nombreuses espèces végétales.
Lorsqu’elles sont en fleur, les plantes présentes sur le parcours, et particulièrement les espèces mellifères, permettent aux insectes pollinisateurs de trouver le nectar et le pollen nécessaires à leur alimentation. De nombreux golfs ont des partenariats avec des apiculteurs locaux. L’utilisation d’insecticides n’est pas autorisée sur les golfs français et la bonne santé des ruchers installés à proximité des parcours témoigne des moindres pressions qui s’exercent sur les abeilles et de ressources mellifères disponibles en quantité.
Nombre d’oiseaux sont de très bons auxiliaires de culture. Comme l’indique la FFG sur son site, à la rubrique « environnement » : «l’étourneau sansonnet se nourrit des larves de tipules qui dégradent les greens et les mésanges se nourrissent de chenilles processionnaires du pin, très urticantes. »
Les conditions particulières qui règnent dans les mares (petites étendues d’eau, stagnante et peu profonde, naturelles ou aménagées) permettent le développement de plantes diversifiées -sur les berges, à la surface ou sous l’eau- et l’accueil de nombreuses espèces (crapauds, grenouilles, tritons) et d’insectes (libellules, demoiselles, coléoptères aquatiques etc.).
Les amphibiens, en se nourrissant essentiellement d’insectes (chenilles, vers blancs, taupins…) et de mollusques (limaces, escargots) sont d’excellents auxiliaires de culture.
Les bassins artificiels peuvent s’apparenter à une mare ou un étang et ainsi servir de refuge voire de site de reproduction à de nombreuses espèces végétales et animales. Les réseaux de fossés qui les alimentent servent également de voies de communication pour de nombreux petits animaux aquatiques comme les grenouilles et les tritons. Les berges en pente douce favorisent la colonisation par la flore, formant des ceintures de végétation où des insectes comme les libellules réalisent leur métamorphose, où les oiseaux d’eau peuvent construire leur nid. La conservation d’une ceinture végétale autour des zones humides contribue par son action de filtration à préserver la qualité de l’eau et des habitats. Ce sont des territoires de chasse privilégiés pour les oiseaux et les chauves-souris. En France, 40 % des zones humides ont disparu en 50 ans. Les chauves-souris sont d’excellents chasseurs d’insectes et utilisent les zones boisées, les cavités des arbres ou certains bâtiments pour se reposer. Elles affectionnent particulièrement les milieux humides pour se nourrir.
Un arbre mort sur pied ou un tas de bois au sol peuvent abriter entre 1000 et 3000 espèces d’insectes décomposeurs qui se nourrissent de bois mort et participent à la décomposition de celui-ci. La décomposition du bois produit de l’humus qui enrichit les sols et permet le développement d’autres espèces végétales. Il fournit également des sites de nidification pour plusieurs espèces d’oiseaux comme le pic épeiche et la sittelle torchepot. Les tas de bois au sol permettent à de nombreuses espèces de passer l’hiver à l’abri, comme les hérissons, les amphibiens, les reptiles et de nombreux insectes comme les abeilles sauvages ou les bourdons. Et un cinquième des espèces forestières vivent aux dépens du bois mort : coléoptères, mousses, lichens et près de 85% des champignons.
Les interstices des pierriers ou murets vont servir à la fois de refuge et de site de reproduction pour une multitude d’insectes et de lieu de chasse pour leurs nombreux prédateurs naturels (reptiles, hérissons, fouines, oiseaux…).
Les turricules résultant de l’activité des vers de terre sont indispensables à la bonne vie des sols, supports de nos gazons, en contribuant à leur aération, à leur fertilisation naturelle et au drainage des eaux par les galeries qu’ils creusent. Les périodes où ils sont le plus visibles se situant au printemps et à l’automne.
On le voit, il y a beaucoup d’avantages à laisser la nature s’exprimer, alors qu’on a trop longtemps tenté de la contrecarrer. Certes, la situation n’est peut-être pas aussi idyllique mais, enfin, là encore, il y a bien des raisons d’espérer.
Le verre à moitié vide
Le côté négatif des études a confirmé la grande pauvreté écologique des greens, mais également mis en évidence l’absence anormale de groupes importants d’espèces dans les pièces d’eau.
Certains jugent qu’ils seraient par ailleurs un habitat peu attractif, voire parfois un piège écologique pour les espèces menacées, en offrant par exemple pour les bruants ortolans mâles un territoire qui ne convient pas aux femelles.
Certaines zones sableuses dénudées comme les bunkers attirent les insectes ou animaux fouisseurs qui n’y sont pas tolérés. Les zones engazonnées ou l’effet miroir des étangs vont attirer des oiseaux qui y trouveront peu à manger ou risquent d’être empoisonnés par les pesticides. Beaucoup de golfs sont situés près de zones balnéaires littorales, sur des corridors biologiques et/ou corridors de migration aviaire où ces milieux dunaires ont souvent été modifiés, de landes ou des tourbières sauvages. On cite souvent l’exemple du fameux golf de Falsterbo en Suède, orienté nord-sud sur une péninsule, aménagé entre le cordon dunaire et les vastes lotissements d’un programme immobilier de la zone arrière-littorale .
Il est indéniable enfin que la cohabitation avec certains oiseaux est difficile, à tel point que des matériels de piégeage sont utilisés, avec le risque d’accoutumance de ces oiseaux, et en contradiction avec l’idée de golf «écologique».
Impacts positifs et motifs d’espoir !
Comme pour d’autres espaces verts (grands jardins publics ou privés) ou pour les zones d’exercice de terrains militaires, certains espaces verts de zones d’activité ou d’autres espaces dédiés au sport (pistes de ski, prairies et parcours associées à certaines zones de sports ou loisirs équestres), les golfs présentent a priori certaines potentialités pour la biodiversité.
Ces parcours s’insèrent dans des terrains parfois très vastes constitués d’une mosaïque paysagère dont une part -souvent importante- est constituée de graminées plus élevées et diversifiées (moins souvent tondues ou fauchées) et de milieux enbuissonnés ou arborés, potentiellement plus favorables à la biodiversité.
Des reliefs variés sont recherchés ou reconstitués par les aménageurs et paysagistes de golf. Ils sont favorables à l’établissement de microclimats et de micro-habitats propices à la diversification des communautés végétales et des niches écologiques (si la gestion du milieu le permet).
La présence d’eau (dormante ou courante), et parfois de franges de zones humides naturelles ou d’apparence naturelle devrait permettre l’accueil de nombreuses espèces aquatiques et des zones humides (25 % de la biodiversité environ en Europe de l’Ouest dépendent des zones humides).
L’essentiel du trafic étant sur les fairways, les terrains sont pas ou peu écologiquement fragmentés par des clôtures ou routes imperméabilisées et les voitures électriques, la plupart silencieuses, y sont relativement peu nombreuses, sachant néanmoins qu’au printemps, la reproduction et l’élevage des jeunes espèces peut être fragilisée par le passage des golfeurs.
Le gazon dense présente comme on l’a vu, dans une certaine mesure, des propriétés intéressantes de filtration et d’épuration de l’eau, plus importante que ce que laissaient imaginer les premiers modèles utilisés dans les années 1990, créés pour des milieux plutôt agricoles.
L’environnement nocturne des golfs est généralement mieux protégé que celui des parcs urbains car ils sont fermés la nuit et situés en périphérie. Étant moins soumis à la pollution lumineuse, si on y utilisait moins de pesticides (insecticides notamment), et si on y acceptait un sol plus riche en humus, en bois-mort et des floraisons plus importantes (source de nectar et de pollen), ils seraient théoriquement favorables à de nombreuses espèces d’insectes (papillons de nuit) et d’animaux (chauve-souris, reptiles, amphibiens et autres mammifères insectivores nocturnes). Ces derniers vivent et se déplacent essentiellement de nuit, et échappent donc a priori plus facilement au matériel de tonte ou de fauche, ainsi qu’aux épandages de produits chimiques qui se pratiquent de jour.
Plusieurs études laissent penser que les parties densément boisées des golfs sont plus riches en oiseaux et (logiquement) en espèces forestières. Par exemple au Japon, la flore ainsi que les arthropodes et vertébrés ont été inventoriés dans 12 golfs, et comparés à celles des abords de ces golfs. C’est dans leurs parties boisées que les golfs présentaient le plus grand nombre d’espèces, avec une relative similarité avec les espaces boisés proches. Les auteurs de l’étude japonaise estiment que -en contexte urbain– des golfs riches en essences autochtones pourraient contribuer à la conservation d’espèces de la forêt indigène.
Les évaluations environnementales et scientifiques disponibles concluent que les composantes arborées, humides, aquatiques et de hautes herbes ou strates buissonnantes des parcours de golf, présentent -à certaines conditions- un réel potentiel d’habitats ou habitats de substitution pour l’accueil de nombreuses espèces animales ou végétales, éventuellement menacées dans le contexte écopaysager local et parfois régional ou national. Toutefois les résultats d’inventaires naturalistes montrent que dans les conditions actuelles de gestion des golfs, ce potentiel ne peut pas s’exprimer pleinement. Les études montrent que l’industrie du golf a pris conscience de ce fait et qu’elle évolue.
Ainsi, comme nous le verrons en seconde partie de ce dossier, certains golfs récents présentent une part plus importante d’espèces autochtones qui nécessitent souvent moins d’entretien et d’arrosage. Comme l’explique Norbert Amblard du golf d’Esery : «il reste beaucoup à faire pour protéger la biodiversité. Des mesures d’accompagnement peuvent être facilement mises en œuvre, sans abîmer le jeu.»
Quelques freins aux progrès
L’État du Michigan a identifié en 2008 plusieurs freins côté industrie du golf dont les plus importants sont :
- L’ignorance des coûts réels des pratiques actuelles, pas d’internalisation des coûts environnementaux, (de moins en moins vrai)
- Beaucoup d’installations ont intégré des technologies qui ne facilitent pas les alternatives
- L’impact potentiel de la performance environnementale qui pourrait parfois diminuer la qualité de produits technologiques comme certaines balles biodégradables mais, semble-t-il, moins performantes
- La force de l’habitude pour les professionnels notamment un certain scepticisme à l’égard des écotechnologies nouvelles ou n’ayant pas encore fait leurs preuves pour le golf ; le principe du jetable «si ce n’est pas cassé, ne le répare pas» ou le principe «ce n’est pas mon affaire»ont la peau dure…
Au regard de cette situation, il faut reconnaître que, depuis le début du XXIe siècle, la mentalité a considérablement évolué grâce à une prise de conscience des enjeux vitaux pour la planète dans son ensemble. Et ce sont ces efforts qu’il faut mettre en avant, en notant qu’ils ne sont pas encore suffisants et devront être accélérés dans le futur pour donner à notre jeu de golf l’image qu’il mérite et améliorer encore la sécurité et la santé de tous.
*AGREF : Association des greenkeepers de France