En France, Les Bordes est un club de golf aussi renommé que méconnu. Depuis sa création par Marcel Bich en 1985, il a conservé son caractère totalement privé : seuls quelques happy few ont franchi les grilles du domaine et ont pu jouer le très beau parcours dessiné par Robert von Hagge.
Un deuxième parcours est en cours de construction : il est l’œuvre d’un des plus grands architectes de golf actuels, l’américain Gil Hanse, 56 ans, qui avec ses partenaires Jim Wagner et Neil Cameron, va signer un nouveau golf de pure excellence. L’ouverture est prévue au printemps 2021. Golf Planète a eu la chance de visiter le chantier et vous livre les premières photos de ce bijou que réalise Gil Hanse, l’auteur de nombreux grands parcours comme Castle Stuart en Écosse, le Trump International à Dubaï, l’Olympic Course de Rio, le Pinehurst en Caroline du Nord ou le Los Angeles CC.
Il y aura donc aux Bordes un Old Course et un New Course qui vont lui conférer une place parmi les plus belles destinations golf du monde. Ainsi en a décidé le nouveau propriétaire, M. Driss Benkirane, qui a acquis les Bordes il y a un peu plus d’un an.
Un parcours en équilibre discret avec la Nature
Notre ami Richard Wax, un des meilleurs acteurs et spécialistes de l’architecture des golfs, a rencontré Gil Hanse ; nous avons le plaisir de publier les passages les plus importants de cet entretien paru récemment dans le magazine international Golf Course Architecture.
Quand vous avez visité les Bordes pour la première fois, quelles sont les points qui ont attiré votre attention ?
Quand nous visitons un site, les points évidents qui attirent notre attention sont la topographie, la structure du sol et la végétation. Même si la topographie n’y est pas le point majeur, Les Bordes ont un caractère très intéressant. Quant au sol, il est sablonneux et la végétation se compose principalement de bruyère, de genêt et d’arbres divers… En définitive, le caractère d’un site nous paraît plus attrayant que la topographie elle-même. C’est le cas aux Bordes. Nous avons toujours été attirés par le style fait de stratégie et de panache qui caractérisent les golfs dessinés par Tom Simpson… Notre vision est de créer des parcours en équilibre discret avec la nature et en même temps dotés de quelques trous spectaculaires qui donnent une dimension intense au projet.
Tom Simpson : l’inspiration était là
Vous citez Tom Simpson. Quels autres architectes de golf inspirent votre travail ?
Aux Bordes, c’est clairement Tom Simpson. Nous connaissions ses livres et avons toujours admiré ses réalisations. Mais le fait est que nous n’avions pas eu encore l’occasion de travailler un projet qui pourrait s’inscrire dans son esprit.
Quand le projet des Bordes est arrivé, nous avons eu la grande chance de nous rendre à Morfontaine, à Chantilly et à Fontainebleau. Tout résonnait en nous : l’inspiration était là…
Parmi les autres architectes de golf, je citerais George Thomas, Alister MacKenzie ainsi que Tom Doak, Coore&Crenshaw et naturellement Pete Dye, notamment pour sa méthodologie que nous utilisons…
La transition entre l’environnement naturel et le parcours de golf exige une approche subtile et élégante
Le Val de Loire est réputé pour sa beauté et son calme et Les Bordes ne souffrent d’aucune pollution sonore ou visuelle. Comment maintenir cette harmonie ?
Tout d’abord, nous avons été très prudents dans la manière de préparer le site. La transition entre l’environnement naturel et le parcours de golf exige une approche subtile et élégante. Les grands parcours anciens témoignent de ce nécessaire sens de l’équilibre avec le paysage environnant…
Le propriétaire pratique et aime le golf
Quelle autre particularité doit-on noter dans votre projet ?
Avec mon partenaire Jim Wagner, quand nous travaillons sur un projet, nous examinons toujours la motivation du maître d’ouvrage. Est-ce pour faire de l’immobilier ? Est-ce pour améliorer un bien existant ? Ou est-ce vraiment un projet orienté golf ? C’est le cas aux Bordes. Le propriétaire est un golfeur qui aime le jeu. Lorsque nous l’avons rencontré la première fois, il est clair qu’il voulait créer quelque chose de spécial. Lui et son équipe ont accédé à nos demandes quand nous avons demandé l’espace nécessaire pour rester dans l’esprit de Tom Simpson…
Pour le membre d’un club privé comme Les Bordes, le résultat sera-t-il différent s’il s’était agi d’un parcours destiné à recevoir des golfeurs professionnels ?
Nous sommes à l’écoute de chacun de nos clients et essayons d’atteindre leur objectif. Avec un propriétaire qui est un très bon golfeur, nous savions que le défi concernait l’excellence du parcours. Évidemment nous savions aussi qu’il jouerait avec des joueurs de son niveau mais également qu’il n’y aurait pas de tournoi professionnel a priori. Nous n’avons donc pas été concernés par cet aspect… Nous cherchons à offrir un chemin plus challenging dans tous nos projets. Que vous soyez une bon joueur ou un joueur moyen, vous devez être en mesure de jouer votre balle à un certain endroit, de façon raisonnable… Donner différentes options de jeu et différentes façons de jouer le parcours, voilà notre souhait : ensuite, à vous de relever le défi, de choisir la bonne décision et alors vous serez récompensé…
donner aux joueurs le plus de plaisir possible
Le Old Course et le New Course
Avez-vous cherché à créer un parcours qui serait en contraste avec celui du Old Course dessiné par Robert Von Hagge ?
Oui, c’était tout à fait mon intention. Nous souhaitions que les membres aient deux parcours très différents. Je pense que les deux parcours représentent leur période de création. Dans les années 80, le style de Bob von Hagge ici fut très fabriqué, avec des quantités de terre déplacées, plus pénalisant aussi avec de nombreux obstacles d’eau en jeu. D’un style chargé. C’est un test de golf difficile…
Alors que notre parcours est orienté plus profil bas, plus naturel, plus intégré dans l’environnement. Je pense que le Old Course offre des options stratégiques… fatales si vous ne faites pas le bon choix. Le New Course est un peu plus nuancé et en même temps, un peu moins évident. C’est le résultat de deux différentes philosophies et le choix intentionnel du propriétaire. Nous voulons donner aux joueurs le plus de plaisir possible, sans lequel le jeu de golf disparaitrait.
Les aires de départ sont proches du green précédent, rappelant ainsi les parcours d’origine…
Effectivement et cela accélérera le jeu. L’une des joies au golf est de ne pas à avoir de distance à parcourir pour aller d’un green au prochain départ. Je suis sûr que cela sera apprécié des joueurs.
Quand vous dessinez un parcours, comment l’imaginez-vous selon les différentes saisons de l’année ?
Bien sûr. Avec le superintendant Lee Strutt, nous travaillons sur le choix des graminées dans ce sens. Et nous accordons une grande importance au drainage…
Nous pensons que les meilleurs parcours sont ceux qui se jouent différemment selon les saisons. Ainsi, quand vous jouerez aux Bordes en été, le terrain sera ferme et rebondissant comme un links, il sera humide au printemps et sera parfait à l’automne. En hiver, le parcours sera naturellement plus lent et plus humide.
L’art d’utiliser le sable selon Colt
En incorporant des greens en trompe l’œil, les distances peuvent être trompeuses. Où avez-vous puisé votre inspiration en la matière ?
J’ai eu la grande chance de travailler au Royaume-Uni avec Fred Hawtree dans les années 80. Il était alors en train d’écrire un livre sur Harry Colt : j’ai effectué pour lui des recherches et j’ai visité tous les parcours du légendaire architecte anglais. C’est ainsi que j’ai appris de Colt l’art d’utiliser le sable et les obstacles tortueux. Cela a eu une grande influence sur mon travail.
PHOTOS : Norman Vickery (contact : norman.vickery@gmail.com)