Les 24 règles du golf soumises aujourd’hui à plusieurs alinéas et commentaires divers, en font le quasi concurrent de notre Code civil… Edictées en 1744, les premières n’étaient pourtant qu’au nombre de 13. Pourquoi cette évolution ? Réponse en plusieurs chapitres…
Par Sébastien Brochu
Deux simples feuilles contre un livret aujourd’hui… Les premières règles du golf furent édictées en 1744 par le club écossais The Honourable Company of Edinburgh Golfers qui organisait une compétition (la plus ancienne connue à ce jour) sur son links de 5 trous de Leith. Ce simple parchemin allait changer le destin de la petite balle blanche. Déjà existant depuis plusieurs siècles, le golf n’était jusque-là qu’un loisir. Avec l’établissement des règles, il devient un véritable sport, prêt à se développer.
Quand le golf devient un sport
Face à l’augmentation constante de la pratique, des compétitions, de la mise en place de nouvelles formules sans compter, déjà, de la lenteur du jeu, les règles ont évolué. En accompagnant le développement du golf, elles se sont mises en quête d’une universalité somme toute difficilement atteignable. Le prix à payer : le rajout de règles, dispositions et autres alinéas, de modifications et d’essais en tout genre entrecoupés de débats houleux.
Des règles édictées par chaque club
Cette évolution longue et complexe a accouché aujourd’hui à un pensum de 24 règles méconnues par la plupart des joueurs. Et encore : pendant longtemps, elles étaient beaucoup plus nombreuses (40 en 1893 !) et, jusqu’en 1952, n’étaient même pas uniformes pour tout le monde ! Certains articles donnaient la chair de poule aux légalistes qui ne savaient plus comment se comporter à l’image de la façon de se dropper après perte de balle dans un obstacle d’eau :
- Lancer la balle à au moins six yards derrière l’obstacle (1754 St. Andrews).
- Lancer la balle au-dessus de la tête (sans indication de la distance) (1776 Bruntsfield Links).
- Faire face au trou et laisser tomber la balle au-dessus de la tête (1809 Honourable Company).
- Mettre la balle sur le tee et la jouer derrière le danger (1812 St. Andrews).
- Lancer la balle par-dessus l’épaule (1825 Perth).
Saint Andrews devient le garant des règles…
Les règles ont donc subi petits et gros changements au cours de plusieurs périodes distinctes. La première se termine en 1897, date à laquelle Saint Andrews prend définitivement le pouvoir en la matière en créant son Comité des Règles reconnu comme autorité responsable. A ce titre, le R&A est hâtivement considéré comme « l’inventeur » des règles bien que les siennes ne datent que de 1754.
Codifiées 10 ans plus tard, celles-ci sont identiques à celles de 1744, à une exception près, celle de la règle 5. Saint Andrews y instaure la notion de dropper sa balle au lieu de la poser et annule la possibilité de rejouer sur un tee. Redécouvertes seulement avant la Seconde Guerre mondiale, les règles de 1744 étaient donc plus à l’avantage du golfeur…
… au détriment d’Edimbourg
Pourquoi alors le club d’Edimbourg n’a pas tenu le rôle traditionnellement conféré à Saint Andrews ? Alors qu’il aurait pu être considéré comme le berceau du golf, il en est finalement que le landau, pâtissant d’une instabilité chronique en déménageant tour à tour à Leith puis Musselburgh et enfin Muirfield…
Nous entendons souvent que le golf est régi par des règles ancestrales et que leurs principes n’ont pas fondamentalement changé. En voici la traduction qui recèle quelques petites pépites, avec entre parenthèse des précisions. Faites-vous votre opinion !
Les 13 règles originelles du golf
Règle 1
Vous devez mettre votre balle sur un tee à une longueur de club du trou précédent (les départs n’existaient pas encore).
Règle 2
Le tee doit être un peu surélevé par rapport au sol (le tee était alors une motte de sable).
Règle 3
Vous ne devez pas changer la balle que vous avez tapée sur le tee.
Règle 4
Vous ne devez pas déplacer les pierres, les os (ou arêtes pour un links!), ou aucun morceau de club pour l’intérêt de jouer votre balle sauf sur le fair green (fairway) et seulement à moins d’une longueur de club de votre balle.
Règle 5
Si votre balle va dans l’eau ou sur toute surface aqueuse, vous avez la possibilité de la sortir, de l’apporter derrière l’obstacle, de la remettre sur un tee et la jouer avec n’importe quel club, mais vous rendrez un point à votre adversaire pour avoir ainsi sorti votre balle de l’eau (article à l’origine du coup de pénalité).
Règle 6
Si les balles se retrouvent où que ce soit, proches à se toucher, vous devez relever la première balle, même si vous jouez le dernier (article à l’origine du stymie).
Règle 7
Lorsque vous tentez de rentrer votre balle dans le trou, faites-le honnêtement et ne jouez pas sur la balle de votre adversaire si elle n’est pas dans la ligne vers le trou (voir stymie aussi).
Règle 8
S’il vous arrive de perdre votre balle, parce qu’elle aura été ramassée ou de n’importe quelle autre façon, vous devez revenir à l’endroit où vous avez joué votre coup, jouer une autre balle et rendre un point à votre adversaire pour cette malchance. (la balle provisoire n’était pas encore instituée !)
Règle 9
Toute personne qui tente de rentrer sa balle dans le trou n’a pas le droit de s’aider en marquant sa ligne vers ce trou avec un club ou quoi que ce soit d’autre.
Règle 10
Si une balle est arrêtée par quelqu’un, un cheval, un chien ou quoi que ce soit d’autre, la balle ainsi stoppée doit être jouée là où elle s’est arrêtée (article à l’origine de l’influence extérieure).
Règle 11
Si vous bougez votre club dans le but de jouer un coup et que vous allez assez loin dans votre mouvement pour redescendre le club vers la balle, et si, par exemple, le club se casse à ce moment-là, vous compterez le coup. (définitions du coup de golf et de l’air-shot!)
Règle 12
Celui dont la balle est la puis éloignée du trou doit jouer d’abord. (le ready golf n’existait pas encore)
Règle 13
Aucune tranchée, aucun fossé ou creux fait pour la préservation du links, ni les trous des écoliers, les lignes des soldats ne doivent être considérés comme des obstacles, mais si la balle y tombe elle sera relevée, remise sur un tee, et jouée sur un club en fer. (premières notions de terrain en réparation et de règle locale)
Il faut noter que les règles de 1744 concernaient la formule du match-play alors prédominante et ce n’est qu’après l’avènement du stroke-play (officialisé par Saint Andrews en 1759) que l’interprétation est devenue plus… complexe.
D’autre part, il est curieux de constater qu’il n’est nullement fait mention (sauf dans les règles 5, 8 et 11) de pénalités encourues. Nous étions entre gentlemen…
Play the ball as…
L’absence la plus remarquée dans ce texte est celle d’une règle, d’un principe ou que dire… d’une loi immuable voire d’une philosophie de vie que tout golfeur doit connaître (à défaut de la respecter, de l’adopter et même de la chérir) : la fameuse notion de « jouer la balle où elle repose ». Mais il n’a pas fallu (heureusement) attendre bien longtemps : vaguement abordée en 1758 par un commentaire sur les articles 5 et 13, elle l’est clairement exprimée en 1775 par ceux qui doivent être considérés au final comme les véritables créateurs des règles, les membres de l’Honourable Company of Edinburgh Golfers.
Golf bless you !