L’histoire ce jeune homme inconnu de tous avait, il y a plus d’un siècle et pour la première fois, déchainé les passions. Victorieux à la surprise générale de l’US Open 1913, sur le parcours du Country Club de Brookline où se déroule cette année l’US Open, l’amateur Francis Ouimet a permis au golf américain de prendre son envol. Il y eut un avant et un après.
Avant, le golf aux Etats-Unis n’était qu’un loisir dévolu aux classes aisées. La Grande-Bretagne dominait le monde à travers son Triumvirat composé de J.H. Taylor, James Braid et Harry Vardon. Futur sextuple vainqueur du British Open, ce dernier est la première star internationale du golf. Il est le premier à être sponsorisé pour traverser l’Atlantique et disputer l’US Open.
Un grand favori en tournée : la star Harry Vardon
Le Tiger Woods de l’époque ne devait faire qu’une bouchée de ses concurrents comme il le fit 13 ans plus tôt, en 1900. Mais cette fois, quelques joueurs américains ne l’entendent pas de cette oreille, notamment le double tenant du titre John McDermott. La presse s’intéresse à cette rivalité naissante, mais celle-ci ne fait pas la une des journaux. Pas encore.
Un inconnu habite face au trou 17 : Francis Ouimet
En bon professionnel, Vardon a étudié le jeu de ses rivaux, mais il ignore tout du champion local, un ancien caddie de condition modeste, qui habite avec ses parents en face du trou 17 du Country Club.
Un certain Francis Ouimet. Rejeté par son père qui désapprouve son amour du golf et qui l’exhorte à faire autre chose de sa vie, il a appris seul les rudiments du jeu.
A 20 ans, le Massachusetts Amateur en poche, il vient de disputer l’US Amateur, battu seulement en quarts par le futur vainqueur Jerome Travers.
Un film et un livre tirés de l’événement
Comme le montre faussement le film de Bill Paxton Un parcours de légende, tiré du bien meilleur livre de Mark Frost La plus grande partie de tous les temps, Francis Ouimet (avec un nom pareil, il doit bien avoir des origines françaises !) n’est pas un sombre inconnu venu de nulle part. Mais il est certain qu’à l’entame du tournoi, son rôle est celui de simple figurant.
Amateur, Ouimet a failli ne pas disputer le tournoi
Or au départ, le jeune amateur ne devait même pas le disputer ! Salarié dans un magasin d’articles de sports, il ne disposait plus de jours de congés, mais face à l’insistance de l’USGA et la compréhension de son employeur (béni soit-il !), Francis parvient, en ce jeudi 18 septembre 1913 à se présenter au départ de l’US Open.
La paire mythique avec son caddie
C’est au milieu d’une foule très clairsemée qu’il effectue ses deux premiers tours en compagnie d’un caddie de 10 ans assez fantasque, Eddie Lowery. Cette union consacrée sur place, au pied levé, marquera des générations entières à travers une photo iconique les représentant. Plutôt nerveux, Ouimet limite les dégâts et finit la journée à + 5 (le tournoi se disputait alors sur 4 tours en deux jours), à quatre longueurs de Vardon, déjà leader.
Un birdie au 17 l’envoie en play-off
Le vendredi, c’est une autre paire de manches ! Connaissant le parcours par coeur, grâce notamment à un birdie au 17, il arrache en +12 (!) un play-off sur 18 trous face à la star, accompagnée cette fois par son pote Ted Ray, futur vainqueur en 1920. Victime de ce que l’on n’appelait pas encore les yips, Vardon n’a pas réussi à conclure sur les greens. La presse nationale s’empare du sujet qu’elle considère déjà comme un exploit.
Un autre birdie au 17 lui donne la victoire
Au petit matin, Ouimet découvre avec stupéfaction la foule immense venu le soutenir. On parle de 10 000 personnes, soit la plus grande affluence jamais enregistrée alors pour un tournoi de golf aux Etats-Unis. Dans l’après-midi, il est traité en héros après sa prodigieuse victoire marquée, encore une fois par un birdie au 17. La révolution peut commencer.
La Une du New York Times
Cette fantastique victoire, marquée par un sens de la dramaturgie inédit au golf, fait la une des journaux locaux et nationaux. Le New York Times titre même « Ouimet World’s Golf Champion », démontrant la méconnaissance totale du jeu et de la compétition. De nombreux Américains découvrent ce sport, d’autres s’aperçoivent qu’il peut être pratiqué par des jeunes pas forcément aisés. L’après a commencé.
Une explosion du golf US
En 1920, on compte plus de 1 000 parcours, un nombre qui a doublé en 10 ans. Beaucoup sont des clubs municipaux accessibles au public. Ceux-ci vont permettre de faire exploser la pratique. Selon la fondation Ouimet, au moment de l’US Open 1913, on dénombrait à peine 350 000 golfeurs. Ce chiffre passe à 2,1 millions en 1923 !
A jamais, le père du golf US
Parmi eux, de nombreux enfants et de caddies ont commencé à rêver. Bobby Jones, Gene Sarazen et plus tard Ben Hogan et Byron Nelson ont tous, à un moment donné, rendu hommage à Francis Ouimet qui a poursuivi avec classe sa carrière jalonnée de 2 US Amateurs (1914, 1931). Mort en 1967, à 74 ans, il est considéré comme l’un des pères du golf américain.