Un seul parcours sur l’île qui n’empêche pas Minorque d’accueillir des golfeurs à la recherche d’autre chose, pour combiner agréablement détente et activités sportives, dans un décor blanc-bleu-vert.
Texte et Photos Denis Machenaud
Les Baléares forment un archipel d’îles à multiples facettes. D’un côté, l’île de Palma de Majorque, la grande, celle qui prend toute la lumière avec ses voisines Ibiza et Formentera, et de l’autre, Minorque dont le seul point commun est la beauté des paysages.
Mais, pour tout le reste, Minorque est une île à part. Sauvage et fière, elle restera toujours la petite sœur de Majorque mais a su – et ce n’est pas son moindre mérite – préserver son identité. Si Majorque compte plus de 20 parcours qui attirent des golfeurs de toute l’Europe, Minorque revendique un seul 18 trous, dessiné par le grand architecte anglais Dave Thomas tout de même, et le revendique.
Un parti pris environnemental
Cinq fois moins grande que Majorque, l’île de Minorque – 700 km² – aurait pu construire d’autres parcours – les projets existent ou ont existé– mais le temps ne semble pas venu de sacrifier à la mode, avec tout ce que cela comporte de dérives, d’excès, en matière d’immobilier notamment. Très peu d’hôtels, beaucoup de villas ou appartements et une clientèle moins attirée par le « bling bling » comme celle de Majorque ou d’Ibiza.
Le parti pris est d’abord environnemental : les priorités ont été fixées depuis quelques années déjà, exactement en 1993 quand l’UNESCO a classé l’île « Réserve de la biosphère » en raison de sa grande variété d’habitats naturels. Ravins, grottes, zones humides, îlots, systèmes de dunes et plages constituent des systèmes où habite un grand nombre d’espèces, dont certaines endémiques. La beauté intrinsèque de l’île a ainsi été préservée : aujourd’hui plus de 60 % de sa superficie reste intacte. Alors que tout le monde cherche des solutions pour faire face au dérèglement climatique – et Minorque n’a pas été épargnée non plus au cours de l’été 2022 – le risque de fièvre immobilière demeure toutefois.
La France, qui occupa l’île durant une très courte période au XIXème siècle, revient en force avec quelques projets spectaculaires d’investisseurs privés, notamment en agro-tourisme qui, à coups de millions, ont remis en selle des infrastructures souvent délaissées, liant la qualité environnementale à un bâti souvent très réussi. Les Minorquins sont d’ailleurs assez divisés sur cette nouvelle conquête, eux qui voient les prix s’envoler chaque jour. Ils oublient seulement qu’ils ont en quelque sorte abandonné leur île à une certaine époque, laissant les Anglais faire totalement main basse sur ce petit trésor planté au milieu de la Méditerranée avec une présence massive qui aujourd’hui ne se dément pas, même si le Brexit en fait hésiter plus d’un…
Un golf en héritage britannique
L’unique parcours de golf de Minorque, Son Parc, est situé au nord-est de l’île, à moins d’un kilomètre de la mer : on le doit bien évidemment à nos amis britanniques qui constituent encore maintenant la principale clientèle de golfeurs, en tout cas la plus visible…
Reste que ce parcours de Son Parc ne manque pas d’attraits et c’est son histoire particulière que nous allons vous raconter maintenant. Pas de club, pas d’association sportive, rien, seulement un parcours mis à disposition des joueurs qui s’acquittent d’une cotisation annuelle ou d’un green fee. Un fonctionnement on ne peut plus simple, qui convient à tous et ce d’autant plus que l’accueil y est toujours impeccable grâce à sa Directrice, Paola Ferroni, Italienne d’origine, en place depuis 2006 et qui tient parfaitement la barre, avec Gustavo, le pro du club. À Son Parc, on sait tout faire, les produits proposés sont limités mais bien choisis et cela est d’autant plus important que l’offre sur l’île, qui se limite au distributeur Decathlon, n’a pas grand intérêt malheureusement il faut bien le dire.
Côté environnemental, question aujourd’hui particulièrement délicate et d’actualité, Son Parc fait figure de modèle puisque la totalité de l’eau du parcours trouve son origine dans les eaux usées traitées depuis longtemps déjà par la station d’épuration et dans les eaux de pluie bien évidemment.. Quand on pense qu’en France, seulement 10 % des eaux usées sont recyclées par les golfs, on se dit qu’il existe des marges importantes qui peuvent être trouvées…
Un parcours Dave Thomas dans un environnement préservé
Côté parcours, comment définir ce 18 trous? En regardant la carte, on se dit très vite que tout va bien se passer. Et puis, on arrive au départ du 1. Et là, soudain, on prend conscience qu’il y a un obstacle d’eau à franchir. Non pas qu’il soit gigantesque mais quand même, un bon bois 3 ou un driver ne seront pas de trop. De l’eau encore au 2 mais moins stratégiquement placée. Par contre, au 3, un par 3 de 132 m des boules jaunes, pas d’autre option que de tenter de toucher le green ; sinon, punition assurée…
Ah, le 4 ! Considéré comme le trou le plus difficile du parcours, là encore, on se demande bien pourquoi mais on comprend vite en estimant la retombée du drive qui se doit d’être très précise avec un fairway large de moins de 30 m. Et les trous s’enchaînent avec beaucoup de pars 4, peu de pars 5 ou 3. Des trous autour de 300 m chacun avec leurs propres difficultés – étroitesse des fairways, emplacement des bunkers et leur difficulté à bien en sortir, greens bien proportionnés mais souvent en dévers selon l’emplacement du drapeau bien sûr.
Quelques particularités aussi comme certains bunkers où la roche devient objet de décoration, et qu’il faut éviter à tout prix.
Vous l’avez compris, Son Parc n’est ni un parcours de pacotille ni un monstre de championnat pour les Popeye du drive ! Finalement, il est plus subtil que ça, varié dans ses difficultés, où tout a été pensé de manière à le rendre exigeant mais raisonnablement, où la stratégie joue parfaitement son rôle, surtout lorsque la tramontane se met à souffler, ce qui arrive relativement souvent dans cette partie de l’île , permettant au parcours de se regénérer et de conserver une fraîcheur qu’il n’aurait pas forcément dans un autre coin de l’île.
Agréable de par son environnement naturel préservé – paons royaux, huppes faciès notamment -, sans empreinte humaine sauf aux trous 1,2 et 18, desquels on aperçoit de jolis appartements d’une blancheur immaculée, sur les côtés.
Précisons que l’architecte Dave Thomas, internationalement réputé pour avoir notamment dessiné le parcours du Belfry, siège d’une Ryder Cup passée, mais pas que… (voir plus bas) aujourd’hui disparu et remplacé par son fils Paul, a usé de tout son savoir-faire pour réussir la gageure de façonner un terrain avec de nombreuses contraintes, très rocheux, doté d’une superficie limitée, et au final, un pari réussi.
Sens du jeu et tactique
Paul, missionné pour une rénovation de grande envergure, n’a pas eu beaucoup de chance. Le Covid est passé par là et a limité ses déplacements à Minorque. Néanmoins, l’œuvre du père, tout en étant respectée dans son esprit, a été embellie par quelques transformations spectaculaires. Parmi les nouveaux trous, on retiendra les deux premiers, le fairway du n°5, et quasiment la totalité des trous, du n°12, anciennement par 3 devenu par 5 au n°18, également auparavant un par 3 bouché par un arbre au milieu et nouveau par 4 devenu un très intéressant « finishing hole ». Ajoutons à cela le practice qui a été déplacé (voir interview de Paul Thomas) pour mieux protéger l’immobilier existant.
Un seul petit bémol qui n’engage que nous : si le dessin des bunkers est parfait, peut-être eut-il été judicieux d’en remplacer certains par des mouvements de terrain en herbe, car, avec un tel sol souvent très résistant, le contact avec la balle est rarement aisé… Paul, qui après son père-créateur, vient de rénover le parcours, redessiné certains trous … n’a pas retenu l’idée d’un nouveau « shaping ».
Après cette balade fort agréable entre oliviers et pins parasols majoritairement, on sait qu’on n’a pas résolu toutes les équations posées par ce parcours. Une seconde visite s’impose pour le moins…
Tous les golfeurs apprécieront ce parcours, à taille humaine, pour ses vacances. Gageons que le touriste de passage ne s’ennuiera pas mais saura apprécier les charmes réels de Son Parc. Dave Thomas et son fils Paul l’avaient bien compris déjà dans les années 80, anticipant un mouvement qui se concrétise 40 ans plus tard, tendant à privilégier d’abord le sens du jeu plutôt que la frappe aveugle, la tactique aux dépens de la longueur à tout prix… Pari réussi !
Le golfeur à un chiffre, s’il n’est pas rassasié, pourra toujours prendre le ferry et se retrouver 2h environ après dans la « grande île » où plus de 20 parcours l’attendent… Dans un autre monde, oui vraiment !
« Un parcours est destiné à évoluer en permanence »
Dave Thomas, grand champion britannique de golf, représenta notamment son pays à la Ryder Cup et réussit une seconde carrière brillante dans l’architecture de golf, Après avoir joué le circuit européen en tant que professionnel, son fils Paul suivit les pas de son père en reprenant cette activité qui l’amènera avec son équipe à concevoir ou à rénover des parcours partout dans le monde.(www.dtlgolf.com).
Paul Thomas a bien voulu répondre aux questions de Golf Planète. Voici ses réponses :
Golf Planète : votre relation avec ce parcours de Minorque est assez ancienne. Vous deviez donc avoir une idée assez précise des améliorations à apporter quand on vous a sollicité à nouveau ?
Paul Thomas : Depuis 1986, nous avons noué, mon père d’abord, moi aujourd’hui, un partenariat solide avec le golf de Son Parc. Ce qui a facilité la mise en œuvre des récents travaux pour aboutir à ce qu’on voit aujourd’hui. Tout en sachant qu’un parcours n’est jamais achevé véritablement, qu’avec le temps, des améliorations peuvent ici et là être toujours apportées. C’est ce qu’on a toujours essayé de faire avec mon père. Dans le cas précis de Son Parc, il a fallu tenir compte en particulier de quelques contraintes sur les trous du début en raison d’une partie immobilière qu’on ne pouvait pas ignorer.
GP : Quel a été l’objectif en commençant les travaux ?
PT : On connaissait le cahier des charges à respecter impérativement. Heureusement, il y avait des réserves de terrain qui ont permis d’opérer quelques changements positifs sur le parcours, en l’allongeant en particulier et en faisant évoluer le dessin de certains trous.
À partir du budget alloué, nous avons pu mettre rapidement en pratique les idées couchées sur le papier. On s’est aussi projeté dans l’avenir, avec la possibilité d’un hôtel sur place et une plus grande fréquentation qui serait générée par un enseignement accru et la mise en place d’une Académie. C’est dans cette perspective que le practice a lui-même dû être repensé.
GP : A quels problèmes techniques avez- vous été confronté ?
PT : Malheureusement à peine avions nous débuté les travaux que la pandémie est arrivée. Ce qui a beaucoup compliqué notre tâche sans nous décourager pour autant. Par exemple, nous en avons profité pour faire en sorte que les points d’eau soient repositionnés, on a amélioré son stockage pour répondre aux nouveaux besoins en la matière.
GP : Incontestablement ce nouveau parcours paraît plus en phase avec les standards modernes…
PT : Il est clairement plus long sans être un monstre loin de là, plus spectaculaire aussi. Plusieurs nouveaux par 4 ont été créés, ainsi qu’un nouveau par 5. Personnellement, j’aime beaucoup le 16, par 3 suivi du long fairway du 17 avec son départ surélevé et du 18, pas facile à aborder, et donc un finish assez solide… Ce 18 dont le green, entre parenthèses est aujourd’hui plus proche du club-house, qui s’enroule autour du practice, protégeant de ce fait les propriétés alentour. Ce qui prouve une fois de plus qu’on peut toujours faire mieux avec un parcours, comme on le fait avec une pâte qu’on pétrit encore et encore.
GP : Le dessin des bunkers est très réussi. Mais la dureté du sol rend parfois le coup très difficile et on pourrait se demander si sur certains on ne pourrait pas les remplacer par du « shaping », tendance en vogue aujourd’hui ?
PT : En matière de bunkers, il est impératif qu’on puisse les voir, les anticiper, pour mieux définir l’orientation du trou, protéger enfin l’emplacement du drapeau et créer un challenge. Mais il est vrai aussi qu’un parcours évolue et les bunkers avec. Ce qui doit permettre de les ré-évaluer de temps en temps si nécessaire.
Voici ses parcours favoris et réputés que Paul a eu le plaisir de concevoir, seul ou avec son père Dave :
Terre Blanche, France
Golf St. Leon Rot, Allemagne
Spey Valley, Aviemore, Ecosse
Pestovo Golf and Yacht Club, Moscou
Abama, Tenerife
Informations pratiques :
SON PARC GOLF CLUB : green-fees entre 49 et 80 euros selon la saison.
https://golfsonparcmenorca.com
Vidéo de présentation de Minorque :