Golf Planète a le plaisir de publier la rubrique de Kristel Mourgue d’Algue, ancienne joueuse du Circuit Européen qu’elle a rejoint après avoir emporté le titre prestigieux de championne universitaire américaine.
Kristel est aujourd’hui co-éditrice du Guide Rolex des «1000 Meilleurs Golfs du Monde» et copropriétaire du Grand Saint Émilionnais Golf Club. Et ambassadrice des Hôtels Beachcomber.
Voici le détonnant Brandel Chamblee !
La cinquantaine élégante, la chevelure poivre et sel ondoyante, les pattes-d’oie malicieuses présumant de nombreuses interrogations voire remises en question, le sourire charmeur mais incisif, une épouse journaliste, Bailey Mosier, ravissante aux allures de mannequin : voici le détonnant Brandel Chamblee !
Après une quinzaine d’années dans les rangs des professionnels et une victoire sur le PGA Tour en 1998 lors du « Greater Vancouver Open », l’américain Brandel Chamblee (BC) est devenu l’un des commentateurs vedettes de Golf Channel dès son arrivée sur les ondes en 2004. Investigateur forcené, chacune de ses argumentations s’appuie sur quantité de données analysées, disséquées et sans cesse recoupées. Son érudition et son éclectisme (il voue notamment une passion pour la littérature classique et la politique) lui permettent de proposer une vision élargie du monde du golf. Ses analyses ne se cantonnent pas au swing (il a d’ailleurs écrit deux livres dont le dernier, publié en 2016, « The Anatomy of Greatness », fut consacré à l’étude du mouvement des plus grands champions de l’histoire) ou aux compétitions professionnelles mais permettent systématiquement de prendre du recul et d’élever le débat.
Bouillonnant, il n’hésite pas à exprimer ses opinions diverses et variées alors évidemment, il court des risques… Comme il se plait à rappeler : « je ne suis pas une pom pom girl mais un analyste » (Golf Digest, 7 août 2018). Les discours pommadés sur les joueurs ou les parcours ne sont pas pour lui. « Nombreux sont ceux qui aimeraient me voir trébucher. Cela ne me dérange pas, cela fait partie de l’équation » (The Province, 27 août 2019). Poussé par son amour du jeu, il se mit « en danger » à nouveau, en 2018 puis en 2019 lorsqu’il se présenta aux pré qualifications de l’Open britannique senior qu’il réussit à chaque fois, après quinze ans d’absence des fairways ; chapeau bas !
Bien que disposant chacun d’une vibrante personnalité, Brandel Chamblee s’apparente quelque peu à Johnny Miller. Désormais retraité du petit écran depuis 2019, Miller (73 printemps, 25 victoires dont deux Majeurs) officia pendant 30 ans pour la chaine NBC après avoir quitté les rangs des professionnels. Intrépide, il s’attirait fréquemment le feu des critiques, en particulier lorsqu’il déclara juste avant la Ryder Cup de 2006 au K Club en Irlande, que les Etats-Unis présentaient l’une des plus « navrantes équipes de l’histoire ». Le résultat de 9,5 à 18,5 se révéla cruel mais éloquent…
Affirmations et polémiques
Peu de journalistes peuvent s’enorgueillir d’aller aussi loin dans l’affirmation de leurs opinons. BC quant à lui, estime en effet que Tiger n’a pas réalisé pleinement l’étendue de son potentiel hors du commun : « son obsession pour la préparation physique et les blessures qui suivirent le stoppèrent dans son ascension spectaculaire » (Golf Digest, 7 août 2018). Il soutient en effet que Jack Nicklaus gagnait 10% du temps lorsqu’il se présentait au tee numéro 1, alors que « Big Cat » atteignait le chiffre incroyable de 20% (Golf Channel, 4 février 2020).
A l’égard du sujet brulant de la « Premier Golf League », dévoilé officiellement dans sa version « moderne » *1 en début d’année et qui viendrait concurrencer entre autres le Tour américain, BC n’a pas hésité à affirmer que « les fonds de caniveau de ce circuit hypothétique proviendraient d’un pays qui bafoue régulièrement les droits de l’homme » (Golf Channel, 10 mars 2020).
De toute évidence avec un avis sur tout, il peut en agacer certains… notamment le quadruple vainqueur en Majeurs, l’américain de 30 ans, Brooks Koepka lorsqu’il suggéra qu’il n’avait pas la trempe des meilleurs du monde. Ou bien lorsqu’il s’étonna qu’il se soit concentré à perdre du poids pour apparaitre tel un apollon lors d’une séance photo pour le magazine ESPN en août de l’année dernière, alors qu’il venait de remporter trois Majeurs en quatorze mois ! *2 Il créa également la polémique en déclarant que le numéro 1 mondial, le Nord irlandais, Rory McIlroy est un « pétochard sous pression » tandis qu’il débuta avec un 79 The Open au Royal Portrush en 2019. Il calcula que McIlroy avait déjà réalisé trois scores de 79 et plus, lors du premier tour d’une épreuve du Grand Chelem (Golf Channel, 18 juillet 2019). Porté par sa passion pour l’analyse du swing, BC assura en mars dernier pouvoir régler le problème de mouvement du triple lauréat en Majeurs, Jordan Spieth, « en deux secondes » (Golf.com, 29 mars 2020). Il renchérit en expliquant que son coach, l’australien Cameron McCormick, n’était pas à la hauteur de son élève et que finalement les pros dans leur ensemble, se débrouilleraient mieux tout seuls car peu d’enseignants s’avèrent compétents… Il est vrai que sa quête permanente du Graal le mena à analyser le mouvement des meilleurs joueurs à travers l’histoire pour leur trouver de multiples similitudes, telles que le fait de soulever le pied gauche à la montée (ce qui permet en outre de soulager la tension sur le dos et ainsi d’aspirer à plus de longévité). Il défend également un swing libéré de toutes contraintes technologiques car la perfection n’existe pas et au bout du compte le plus important est de se faire confiance.
Et il lui arrive parfois de se tromper dans ses prédictions. Il le reconnait, nommément lorsqu’il affirma en septembre 2018 que Tiger Woods ne remporterait plus de tournois Majeurs (Golf.com, 23 septembre 2018). Après quatre opérations du dos en moins de cinq ans, l’analyste ne pouvait croire à une renaissance du Tigre. Cela dit il n’était pas le seul ; l’Australien Greg Norman en octobre 2016 ou encore l’ancien basketteur Michael Jordan, son vieil ami, en avril de la même année n’y croyaient pas non plus !
Élégance et courage
Il sait aussi se montrer bienveillant, notamment lorsqu’il salue la prise de risque de l’américain de 26 printemps, Bryson DeChambeau devenu en l’espace de quelques mois le « Hulk » des greens avec vingt kilos additionnels de muscles. Il rend hommage à un sportif qui faisait au préalable partie de l’élite mondiale mais qui se met en danger pour constamment s’améliorer.
Son matériel original, avec tous les clubs à la même longueur, sa posture anticonformiste au putting et aujourd’hui cette masse musculaire extraordinaire témoignent d’un athlète d’exception, qui devrait en inspirer bien d’autres au vu de ses récentes performances (six top dix lors de ses six dernières apparitions).
Érigé en véritable star, sollicité sur tous les sujets en permanence, Brandel Chamblee a invariablement l’élégance et le courage de répondre à ses détracteurs sur les réseaux ou ailleurs. Il ne se défausse pas mais travaille encore et toujours, pour alimenter sa réflexion. Merci pour nous Monsieur « out of the box » !
Kristel Mourgue d’Algue
*1 Dans les années 90, l’Australien Greg Norman avait déjà lancé l’idée mais fut stoppé par le dirigeant du PGA Tour de l’époque, Tim Finchem, qui par la suite imagina les World Golf Championships.
*2 En créant un déséquilibre, la perte de poids peut s’avérer dangereuse chez tout sportif.