Être actif ou inactif, that is the question quand le week-end se fait maussade sur le golf lémanique. Reste le ski pour les fanas et Golf+ pour d’autres, un bon livre faisant le joint surtout quand un grand sourire s’y invite.
Chutes de neige répétées sur la région lémanique, routes-patinoires, golfs peinturlurés de blanc, mercure au plus bas, et me voilà volontaire pour copiner avec la cheminée du club-house, suivant d’un oeil le retour aux affaires du vainqueur Victor Perez ou l’écroulement de Shane Lowry à force de bogeys gâchant son pourcentage des millions de ce Rolex Series. A ce moment-là, dans leurs barbes – être imberbe devient rare chez les pros – nombre d’entre eux auraient pu préférer dépiauter avec moi un bouquin des plus originaux au coin du feu.
Du gros ballon à la petite balle
Physique de 3ème ligne à la moustache souriante, Pierre-Michel Bonnot ajoute deux détails à son CV: le goût des bonnes tables plutôt que les plus cossues et une connaissance inépuisable des choses du golf. Ça tombe bien pour le journaliste qu’il est, longtemps rédacteur-pilier des pages ovales de l’Equipe, alternant la couverture des plus grands tournois avec un amour immodéré pour les facéties alvéolées de la petite balle blanche bougeant un sport dont les composantes produisent le lignage le plus important au monde juste après la bible.
Outre le maniement des mots, Pierre-Michel Bonnot est servi par une grosse imagination et un joli sens de l’humour au second degré très présent au fil de « Un Fairway nommé Désir », titre d’un écrit de 400 pages (chez Solar) rassemblant cent de ses chroniques parues mensuellement de 2009 à 2020 chez nos confrères du Journal du Golf.
Jean-Luis Beautifutal aime le Stroke Plaie
« Priez pour eux, pauvres bêcheurs », « Stroke Plaie », « Race d’Ace agace, hélas »… Les titres de chaque scénario donnent le ton, ouvrant des paragraphes de volume varié, animés aussi par les « names » du golf mondial, d’hier ou d’aujourd’hui. Ils côtoient étroitement ses propres personnages, de Jean-Luis Beautifutal à Alexis Kopurchic-Smart, dit Kopur, et « cette conjuration de révoltés du bout d’tee »… Il faut, bien entendu, avoir une once de « kulture » pour pleinement savourer l’ivresse PMB… Mais l’essayer, c’est l’adopter.
Voir les choses du golf autrement
Au moment du renouveau inattendu que le « noble jeu » connaît à la sortie du confinement, l’apprécier à la façon PMB, c’est en avoir une vision décalée. Les golfeurs et golfeuses, stagiaires, CDD ou CDI, devraient s’en inspirer et l’aborder sans garde-à-vous.
Tout un apprentissage dans le texte à ne pas regarder de travers. C’est juste de la fiction. Mais peu importe leurs qualités ou défauts, passer par le tamis de ce « Fairway nommé Désir », c’est reprogrammer les neurones, prêt à décontenancer toute opposition. Par exemple, juste lâcher, mine de rien, « voilà un homme qui ira loin » à un adversaire dont le court putt dépasse le trou No 1 d’un bon mètre cinquante, le déstabilisera jusqu’au bout du parcours.
Un match-play politique
Avec cette mise à niveau, où un certain sourire marque chaque épisode de « Un Fairway nommé Désir », où « on évolue sans règles, ni contraintes qui régissent désormais l’éducation des enfants », votre base de données s’enrichit de mille faits ignorés.
Telle l’histoire de William H. Tait, Président des Etats-Unis en 1916, continuant sa partie alors que le fameux Pancho Villa mexicain attaquait Columbia, et celle d’Obama quittant la sienne à l’annonce du sanglant attentat de l’ambassade US à Beyrouth en 1983.
En revanche, les Américains n’ignorent rien des parties d’Obama et Trump avec McIlroy ou Tiger. Voilà une bonne piste qui simplifierait notre vie politique si les interminables débats de l’Assemblée Nationale, leurs noms d’oiseaux, et même les 49-3 tout autant contestés, étaient remplacés par un medal-play électoral pour tous les intéressés.
« On en sait plus sur un collègue en quatre heures de golf qu’en dix ans de bureau. Et voir Mélanchon balancer son driver dans l’étang, ou Le Pen perdue dans le rough », leur apprendrait le sens de la mesure. En cela, les chroniques de Pierre-Michel Bonnot n’ont rien d’iconoclaste. A lire et à relire.
* Du même auteur, « Il est fort ce zéro »