Suite à la parution de notre dossier « Golf et Environnement », un des fidèles amis de Golf Planète, M. Henri Bataille, nous a envoyé une tribune que nous vous proposons de lire aujourd’hui. Elle a trait à une pollution que nous aurions oubliée : la pollution sonore qui peut parfois régner sur nos golfs.
Prenez votre temps pour lire cette tribune vécue et bien écrite ! Nous y reviendrons la semaine prochaine en donnant la parole aux premières personnes intéressées par ce dossier : les intendants de parcours. En attendant, bon golf à tous !
Bien entendu, tous nos amis fidèles de Golf Planète peuvent nous faire parvenir leurs réactions à cette tribune libre.
7 heures du mat, je monte le son
Aujourd’hui, j’ai décidé de me lever tôt pour profiter pleinement du parcours de golf. Je me réjouis déjà d’avoir un parcours vierge, pour moi tout seul, cela va être fabuleux. Départ à 7 heures du matin.
La magnificence du site, l’étendue, le calme, tout va vraiment être parfait…. Le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt. Sérénité, tranquillité. Tout va être paisible, jouer au golf, c’est être en osmose avec la nature ; on est d’accord ?
Je suis sur le tee du 1 et déjà, l’équipe des jardiniers a tondu le départ à ras, je les vois s’éloigner sur leur engin ronflant. Il faut que vous sachiez que notre parcours est superbement entretenu par une équipe de jardiniers dévoués, enthousiastes et consciencieux. Nous avons l’un des parcours de France les plus manucurés. Pour preuve, déjà, sur le green du 18 – proche du départ du 1 -, un jardinier s’affaire avec un coupe-bordure pour fignoler les bords de green et de bunker. Attention, pas votre taille-bordure électrique lambda de chez Jardiland ou Truffaut. Non, du vrai matos, du sonnant. Donc, je me concentre pour mon drive, car 90 décibels à moins de 50 mètres, il faut quand-même s’accrocher.
90 décibels à gérer
Attention, je drive maintenant ; je prends garde à l’immense tondeuse au milieu du fairway, les jardiniers ont la priorité, et attention ! ils ne portent pas de casque anti-balles de golf mais bien des casques acoustiques. Le danger, ce n’est pas les golfeurs, mais bien le bruit.
Cette tondeuse à fairways a l’air d’une petite merveille de technologie, achetée certainement à grand coût par le club. La Ferrari de la tonte, et à quel prix ? Cher, au prix de plus de 85 décibels à gérer.
On arrive au green, je me commence à me dire que j’aurais pu emporter mes boules Quiès, parce voilà que tout cela recommence. Maintenant c’est la tondeuse à green. Même topo, 80 ou 90 décibels en pleine volée, casque anti-bruit pour le personnel de terrain.
On passe au départ du 2, la tondeuse à départ nous a vraiment fait un vrai tapis : c’est presque aussi bien qu’un green… Elle s’en va maintenant vrombir vers les autres trous.
J’avance avec les tondeuses, le trou numéro deux, le trois. Tiens, je vois qu’on passe aussi la tonitruante souffleuse à rosée en plus de la tondeuse à green.
Voilà maintenant les ratisseuses à bunker qui entrent en action. Au cas où vous ne le saviez pas, non, on ne ratisse pas les bunkers à la main, il y a des machines à moteur thermique pour faire cela.
Je me sens un petit peu comme un chef d’état ou un acteur en tournage, avec ce cortège de véhicules autour de moi. Mais non, dans ce cas-ci, ce n’est pas le service de sécurité rapproché : ce sont les ouvriers de parcours en décibels rapprochés !
Gestion des heures et machines électriques
Je commence quand-même à me poser quelques questions : pourquoi ne pas travailler dans le sens opposé à la progression du golfeur et commencer par les trous où il n’y a pas de golfeurs ? Autre question : à l’heure des voitures électriques, ne pourrait-on pas se tourner vers un matériel de maintenance de golf électrique et silencieux : cela serait quand-même mieux pour tout le monde, les ouvriers de terrain et les golfeurs ! Cela doit être possible !
Cela fait maintenant 9 trous que j’ai mon essaim de décibels avec moi. Ils me quittent enfin.
Un peu de calme, quoique au loin, j’entends les débroussailleuses qui nettoient les fourrés. Un mal nécessaire oui, il faut gérer la végétation, mais pour trouver mon havre de paix, je commence à me dire que j’aurais intérêt à jouer plus tard dans la journée, quand les ouvriers de terrain sont partis. En plus, avec l’automne qui arrive, les feuilles vont commencer à tomber des arbres et en corollaire, le ballet des souffleuses qui déplacent les feuilles d’un endroit à l’autre, à grand bruit, pas vraiment mon idée d’une matinée au calme. A quand les souffleuses silencieuses, la libération du golfeur sensible au bruit ? Le bruit et le golf, « une équation environnementale» (comme on dit doctement) difficile à résoudre – me semble-t-il.
Je passe au quatorze, je suis devant « la ferme », c’est ainsi que l’on appelle ici le local de maintenance du matériel. On répare, on s’affaire avec les engins, on fait tourner les moteurs.
16, 17, 18: calme plat, mais où est ma suite présidentielle ? Heureusement, c’est l’heure de la pause des jardiniers.
Un mal nécessaire ?
Retour au club-house, je rencontre Paul, c’est le technicien vidéo chargé de la « com » du club, je vous le disais que notre club a les moyens de ses ambitions. Notre club est engagé à fond sur une « gestion raisonnée », le phytosanitaire, la préservation de l’eau, la biodiversité…..On appelle cela « une démarche écoresponsable » et c’est très bien. Notre club s’enorgueillit d’ailleurs de s’être vu décerné tous les blasons et médailles environnementales possibles et imaginables. Par contre, qu’en est-il du « défi environnemental » par rapport au bruit et à la pollution sonore ? Des mots qui sonnent bien mais vides de solution ? Le bruit au golf…une pollution oubliée – ou tabou ? – qui n’intéresse personne ou pour laquelle personne ne souhaite se remuer ?
Un mal nécessaire à accepter ?
– Bonjour Paul, qu’est-ce qui vous emmène aujourd’hui ? Paul me dit qu’il a tourné un documentaire sur la qualité et la variété de la biodiversité du parcours. – Ah oui, et pour la faune ? Paul me dit qu’il a fait des vidéos de lapins et de quelques canards. Mais où sont les biches et les chevreuils qui figurent sur les photos du site internet du club ? Paul ne les a pas trouvés. On se demande pourquoi …
Maintenant, il est temps que je rentre chez moi, au calme, pour me reposer de mon parcours de golf…
Henri Bataille
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