Le Golf de Digne les Lavandes situé à Digne-les-Bains (04) est fermé depuis le premier janvier à cause d’un recours porté contre l’attribution de la gestion du domaine à une société hôtelière varoise.
N.C.
Le golf peut être très politique. Très souvent, il est question d’écologie, mais à Digne-les-Bains, c’est un problème de marché public lié à la politique locale qui bloque la pratique de notre sport. Dans cette commune des Alpes-de-Haute-Provence (04), la municipalité est propriétaire du terrain de golf depuis juillet 2002.
Le contrat avec UGolf prenant fin, la mairie avait dès l’été 2022 lancé un appel à manifestation d’intérêt pour la reprise du golf « pour valoriser, gérer et développer » le golf et d’en faire « une destination touristique ». De l’avis unanime, il est nécessaire d’investir massivement dans l’hôtel du golf, totalement désuet et même amianté. Le terrain a également besoin de fonds supplémentaires, notamment pour retravailler le système d’irrigation.
Une promesse à trois millions d’euros
Si l’appel s’est d’abord avéré infructueux, le groupe hôtelier varois Adonis s’est manifesté l’année suivante avec un business plan et une promesse d’investissement de plus de trois millions d’euros. Le 2 novembre, le conseil municipal a approuvé un bail à construction portant sur le Golf de Digne-les-Bains avec le groupe Adonis avec effet en janvier 2024.
Tout aurait dû donc être lancé en ce premier janvier, mais juste avant Noël, comme un mauvais cadeau au projet, Gilles Chalvet et son groupe d’opposition Terre Dignoise ont transmis un recours et un référé suspensif contraignant la ville et le repreneur à attendre la décision du Tribunal Administratif. Elle devrait être rendue à la fin du mois.
Quel est le projet ?
Le groupe Adonis Hôtels & Résidences, qui gère 18 hôtels dont il est propriétaire et 19 autres en mandat de gestion ou mandat commercial, a proposé un investissement de 3,3 millions d’euros. Dans une première phase de travaux qu’il souhaite assurer le plus tôt possible, le groupe veut réhabiliter les bâtiments existants en assurant la partie désamiantage des constructions pour arriver au printemps 2024 à la livraison de l’hôtel rénové (4 étoiles, avec 14 chambres). Adonis assure également qu’il préservera la continuité des services dès la reprise du golf, tout en assurant la réhabilitation des restaurants. Le coût est estimé à 1,5 million d’euros HT.
À l’horizon 2025, le groupe hôtelier compte rénover les autres bâtiments, vestiaires, salle de sport, espace piscine extérieure et terrains de padel tennis. Mais surtout, il souhaite construire un nouvel hôtel 4 étoiles qui comprendra entre 21 et 25 chambres, pour un montant d’environ 1,8 Million d’euros HT. Adonis veut garder UGolf pour superviser l’exploitation du parcours. Ce dernier a d’ailleurs assuré la prolongation des cartes d’abonnement et de fidélisation, selon la mairie.
Une dépense en moins selon la mairie
Sur l’année 2023, le golf a couté 207 000 euros à la commune d’un peu plus de 16 000 habitants selon les élus de la majorité. Avec le bail de 45 ans, la préfecture des Alpes-de-Haute-Provence compte d’abord se débarrasser de cette charge financière et à l’inverse, percevoir un loyer. Dans l’accord entre la ville et le groupe, l’investisseur payera un loyer de 50 000 euros par an à partir de la 16e année et ce pendant 30 ans.
Au total, la ville annonce une économie sur la durée du bail de plus de 9 millions d’euros auquel il faut ajouter les taxes (foncières, de séjour et la Cotisation Foncière des Entreprises) que payera le groupe Adonis. La Mairie considère qu’elle n’a pas les capacités financières pour investir au niveau des besoins du golf, ce que valide l’opposition.
Un manque de garanties pour l’opposition
Le recours a été déposé le 23 décembre dernier par le groupe d’opposition Terre Dignoise et notamment son principal élu, Gilles Chalvet. « Toute notre motivation, c’est pérenniser le golf à moyen et long terme et participer à son expansion », prévient-il rapidement. Il évoque un grand manque de garanties fournies par le groupe hôtelier en motivation de leur recours.
« Nous, on demande des garanties simplement pour qu’on ait une exploitation hôtelière et golfique, poursuit le chef de service en médecine. Il n’y a aucun renseignement sur les modalités de financements des travaux, aucune garantie bancaire. Il n’y a aucun pré-contrat pour les employés pour qu’il y ait un transfert automatique lors de la passation de pouvoir. En l’absence de cela, on a dû déposer un référé, à nos frais pour le bien commun, sinon tout était signé pour 45 ans sans garantie pour l’avenir du golf. Ce qu’on aurait aimé, c’est un plan pour les bâtiments avec un échéancier clair. Tout aurait dû être déposé. Pour l’instant, c’est très succinct, c’est facile de dire : « on va faire ci ou ça » mais on n’a pas de garantie. On ne peut pas engager 83 hectares pendant 45 ans sans des contrats ficelés avec des garanties financières. »
Zéro risque pour la ville…
Le groupe d’opposition remet également en cause les 207 000 euros économisés par la ville. Selon eux, une partie importante sert à l’école de golf. « Sur les 207 000 euros par an, il y en a 47 000 qui sont destinés aux propriétaires privés car une partie des 83 hectares ne sont pas à la ville et 70 000 de subventions à UGolf, explique Gilles Chalvet. Le reste c’est de l’argent pour l’école de golf. Est-ce que ça veut dire qu’on s’exonère de subventions pour l’école de golf ? Je ne comprends pas le mode de raisonnement. »
Mais les choses pourraient vite rentrer dans l’ordre une fois le recours examiné. « Tout a été précipité sur le plan calendaire, tout a été fait très rapidement, résume le chef de Terre Dignoise. Notre recours, ce n’est pas pour bloquer le golf, mais pour avoir plus de garanties. Si Adonis les apporte, dont celle qu’un spécialiste golfique, UGolf ou un concurrent, soit en charge de la partie golfique, on serait d’accord, on arrêterait nos recours. »
« À part une manœuvre politique, on ne voit pas ce qu’il (le mouvement Terre Dignoise) cherche, conteste Pascal Bataillé, associé avec sa femme dans le projet, dans le journal local La Provence. On nous demande des garanties. Mais ce n’est pas aux élus que nous devons les apporter mais aux banques qui nous consentent un prêt. Nous avons trouvé un accord sans le moindre risque pour la ville. Zéro ! Si ça ne marche pas au bout de 3 ou 4 ans, la ville récupère un bien réhabilité et nous rien ». La ville a également publié une lettre ouverte, plutôt virulente, en essayant de casser tous les contre-arguments de l’opposition.
Des salariés sur le carreau
Le golf est donc, pour l’instant, fermé « jusqu’à nouvel ordre en l’absence de gestionnaire ». Bien entendu, les golfeurs ne peuvent plus pratiquer leur sport préféré, mais les plus grandes victimes sont les dix salariés du site. Ils sont en effet au chômage dans l’attente, eux aussi, de la décision de justice.
« En octobre dernier, le premier adjoint nous avait dit que les dispositions seraient prises pour assurer la continuité du golf si tout n’était pas signé, peste Gilles Chalvet, en guise de conclusion. Ce même premier adjoint a décidé de fermer le golf. C’est un bras de fer politique car il veut monter les golfeurs contre nous. Il existe des dispositions à travers des contrats d’exploitation temporaire par exemple pour le laisser ouvert. »