La saison a donc démarré sur les chapeaux de roue. Face aux caméras, les tournois s’enchaînent à Hawaï ces jours-ci, Abu Dhabi cette semaine, vers des dollars par millions pour certains, les trous noirs du cut pour d’autres et vice-versa.
Mais en ouverture, il y a l’incontournable Pro-Am.
Là, c’est une autre musique. Le Pro-Am est un tour de chauffe pour la plupart des touring-pros au départ d’un tournoi où certains vont scorer très bas. Le lendemain, ils disputent le tournoi principal, tous à la recherche d’un premier bon point en passant le cut, la limite de qualification qui frappe aveuglément des stars ou sourit à l’inconnu du jour. Cut! Coupez dans le tas. On ne laisse en jeu que les bons! C’est méchant un tournoi pro. Il n’y a pas d’argent pour tout le monde, alors il faut élaguer.
L’important c’est de participer
« Tu le joues »? « Tu as joué »? Ce sont les mots les plus entendus le mercredi d’une semaine de tournoi au village d’hospitalité. « Ouais, c’était super. Avec Justin, Alain et Laurent, on a joué 64. Quel pied! ». Alors, les témoins sont envieux, pas tellement du score, mais de cette confrérie intime de laquelle ils sont absents. Peu importe qui a gagné d’ailleurs, l’essentiel étant d’abord la gloriole de participer.
Aux premières loges
A entendre les amateurs, le Pro-Am d’ouverture d’un grand tournoi est un must à ne pas manquer. Et ils ont raison. Ce n’est pas tous les jours qu’on peut décortiquer de très près pendant six heures les swings d’école de Rory, Monty ou Emily. A ces occasions, il y a foule dans les coursives des sponsors et des directeurs de tournois. Le lobbying est forcené pour se trouver le précieux sésame offert, voire acheté. Ni l’un, ni l’autre, et c’est l’horreur, ma chère…
Stars anonymes
Ces chanceux rejoignent personnalités et people, invités de choix, pour pratiquer leur golf sous l’oeil plus ou moins attentif de Sergio, Lee ou Justin pour qui c’est un « other day at the office ». A force. Ils ont déjà tout vécu. Pendant cinq bonnes heures, leurs amateurs redeviennent golfeurs de base, sans titres, ni galons, mais pleins d’eux-mêmes en entendant le « Good shot » poli du pro. « J’y étais! », diront-ils plus tard à la façon du briscard, les photos du team au No 1 et du drive au No 10 déjà thésaurisées, heureux d’être forcément de retour l’année suivante, le clin d’œil échangé avec l’autorité pour tout contrat.
Les forçats du Pro-Am
Les jeunes pros ne sont pas toujours prêts à rejoindre un circuit international, soit qu’ils reculent devant le travail exigé ou les frais à assurer. Le Pro-Am devient alors une bonne poire pour la soif. De nombreux clubs les organisent ou les accueillent sous l’égide d’un partenaire. Les dotations ne sont pas forcément riches, mais en les collectionnant, le pro en fait un métier, jouant sur deux tableaux: le gain tiré de cette compétition et la contribution financière (règle non écrite) de ses partenaires d’un jour surtout quand ils l’ont choisi.
Coupeur de têtes
Voilà qui paraîtrait confortable si cela n’illustrait pas le fossé entre un bon score au Pro-Am comptant pour beurre et, deux jours plus tard, la perf nettement moins glorieuse avec pour conséquence l’élimination. Cet impitoyable cut qui emporte tel une lame de fond et parfois sans distinction les têtes d’affiche engagées à prix d’or par un organisateur qui se sentira forcément lésé. Le golf est un sport bien étrange où rien n’est écrit à l’avance. Mais après tout, it’s the name of the game, isn’t it?
Philippe P. Hermann