Dès son élection à la tête de la Fédération Française de Golf, Pascal Grizot a fait de la transition écologique un des trois objectifs de sa politique : « Notre défi lié à la transition écologique incite à œuvrer efficacement pour diminuer l’utilisation de l’eau pour l’irrigation des parcours et pour trouver des alternatives à l’utilisation des produits phytosanitaires qui seront interdits en 2025. Le développement de la biodiversité sur les parcours est également un objectif majeur pour nous. »
Le président de la Ffgolf a ainsi choisi d’appeler comme vice-présidente auprès de lui Sylvianne Villaudière, en charge de la transition écologique. Une décision d’autant plus forte que Mme Villaudière ne vient pas du monde du golf mais de l’entreprise, avec une forte connotation environnementale.
Diplômé de Sciences-Po Paris, son parcours professionnel de dirigeante d’entreprise et d’ experte en stratégie d’alliance et de gouvernance RSE a toujours été tourné vers le développement durable et la transition climatique. En 2007, elle a ainsi cofondé le « Collège des Directeurs du Développement durable » (C3D) dont elle fut la déléguée générale pendant 10 ans. Mme Villaudière est chevalier de la Légion d’Honneur.
Golf Planète l’a rencontrée pour faire le point sur son action au sein de la Fédération Française de Golf.
Les changements de comportements et de pratiques à poursuivre
Vous êtes vice-présidente de la Fédération Française de Golf, en charge de la transition écologique. Tout d’abord, Madame, vous qui ne venez pas du monde du golf, quel sentiment vous anime après ces premiers mois de présence au sein de l’équipe qui dirige le golf en France ? Votre titre fait appel à la notion d’écologie et non d’environnement : est-ce simplement une question de vocabulaire ?
Je suis heureuse de collaborer aux côtés de Pascal Grizot et d’une équipe formidable à la tête de la FFGolf, tout en partageant mon expérience professionnelle de vingt ans dans le domaine du développement durable.
Accélérer la transition écologique en conciliant les exigences environnementales, sportives et économiques de la filière golf est l’ambition de notre nouvelle équipe. Le terme « transition écologique » a été retenu car il incarne la dynamique en cours et les changements de comportements et de pratiques à poursuivre face aux enjeux et à l’évolution des réglementations.
Vous avez insisté sur le fait que « le golf est un sport qui se joue au cœur de la Nature » mais aussi sur « le temps qui presse ». Pourquoi ?
Effectivement, le golf se joue en plein air et au cœur de la nature. Le public ne sait pas toujours combien les golfs sont riches d’une diversité d’espaces. De fait, les espaces de jeu représentent en moyenne moins des deux tiers de la surface totale du site ; les autres surfaces étant souvent constituées d’espaces à caractère naturel (forêts, pièces d’eau, prairies fleuries…). Les golfs peuvent ainsi accueillir une biodiversité importante souvent méconnue.
Sachant que l’ensemble des surfaces allouées aux golfs sur le territoire national représente plus de 30 000 hectares, notre responsabilité est de concilier sport et nature et de veiller à la gestion durable des parcours.
De fait, le temps presse, pour nous comme pour toutes les organisations à travers le monde, il y a urgence face aux dérèglements climatiques et à l’érosion de la biodiversité. La ffgolf et toute la filière golfique s’engagent et agissent face à ces urgences.
Pas de solution satisfaisante aujourd’hui pour remplacer les produits phytosanitaires
Quels sont les objectifs que vous vous êtes fixés à court et moyen termes ? Sachant que lors de votre installation, Pascal Grizot a demandé qu’il « soit mis un terme aux pratiques peu respectueuses de l’environnement dans les golfs » ? Un décret de janvier dernier fait état de l’interdiction de tout produit sanitaire dans les golfs en 2025 : est-ce possible ?
Comme l’a souligné Pascal Grizot, notre objectif est d’accélérer la Transition écologique du golf, inscrite avec le Sport et le Développement comme l’un des trois piliers de notre mandature 2020-2024, ce qui est une première pour la ffgolf. Nos priorités sont la gestion durable de l’eau, la gestion durable des parcours et gazons, la préservation de la biodiversité, et l’éco-innovation.
Pour répondre aux enjeux de l’interdiction des produits phytosanitaires à horizon 2025, nous veillons à développer les projets de recherches et les expérimentations sur le terrain. De fait, aujourd’hui il n’existe pas de solution permettant de remplacer les produits phytosanitaires existants tout en conservant la qualité des parcours. Ainsi, notre enjeu est d’utiliser tout le temps qu’il nous reste d’ici 2025 (très court) pour engager et développer un maximum de programmes de recherches pour trouver des solutions. C’est déjà ce que nous sommes en train de réaliser avec le projet « Collections variétales » lancé avec l’AGREF. Il s’agit de mener des expérimentations de graminées plus résistantes et moins gourmandes en eau pour les greens des golfs.
Pour cela, nous collaborons avec les Ministères (sports, transition écologique, agriculture) et les fédérations et ligues des sports de gazon (foot, rugby, sports hippiques) car ces disciplines sont aussi concernées par la Loi Labbé II sur le Zéro Phyto, et nous savons que nous sommes plus forts ensemble.
Nous développons aussi des programmes de formation et une communication renforcée sur la transition écologique auprès de tous nos publics avec pour objectif l’obtention de 200 clubs labellisés « Golf pour la Biodiversité » d’ici 2024, et nous accompagnons les clubs dans leurs investissements en matière de gestion durable de l’eau.
Nous travaillons en bonne intelligence avec les différentes instances de la filière et tous les services de l’État (Ministères, Agences de l’eau, Polices de l’eau, etc…) pour réduire les pratiques peu respectueuses de l’environnement et accompagner tous les golfs vers la transition écologique de leur structure. Des partenariats ont été noués par agir avec l’appui des meilleurs experts français et internationaux comme ceux du Museum National d’Histoire Naturelle sur les enjeux de biodiversité. J’aurai d’ailleurs le plaisir d’exposer les premiers résultats de nos travaux lors d’une table ronde organisée par l’Office Français de la Biodiversité à l’occasion du prochain Congrès mondial de la Nature en septembre à Marseille.
Pour la mise en œuvre de votre politique, vous avez choisi de mettre en place un comité stratégique accompagné d’un « comité miroir » : pouvez-vous nous en dire plus et rappeler les personnes qui les composent ?
Le Comité Stratégique de Transition écologique du golf a été constitué dès le début de l’année. Il rassemble chaque mois une quinzaine de représentants de toute la filière ainsi que des dirigeants de la ffgolf et les pilotes des groupes experts qui suivent les sujets environnementaux : Gérard Boudon pour la gestion durable de l’eau, Rémy Dorbeau pour la gestion durable des parcours et Béatrice Gaulier pour l’Eco-Innovation.
Le Comité Miroir n’a pas encore été constitué. Il rassemblera une fois par an quelques acteurs parties prenantes de nos activités de transition écologique et sera l’occasion d’en discuter et d’évaluer nos actions.
Que les golfs soient reconnus à leur juste valeur
pour les services rendus à l’environnement !
Quelles sont vos contacts avec les 700 golfs de France, avec les directeurs et les intendants de parcours ? Rappelons que vous venez du monde de l’entreprise et vous avez été à la création du Collège des Directeurs du Développement durable (C3D). Le monde institutionnel du golf a-t-il été réceptif à vos méthodes ?
En ce début de mandature dans le contexte de pandémie, je n’ai malheureusement pas pu rencontrer de nombreux responsables de golfs. Mais nous avons veillé à établir des liens en renforçant la digitalisation et les webinaires sur la transition écologique. J’ai été frappée par la forte audience et l’intérêt de nombreux acteurs du golf à travers tout le territoire. C’est vraiment formidable aussi de voir combien le Bureau et le Comité directeur de la ffgolf sont attentifs et soucieux de faire progresser la transition écologique. J’envisage de faire une tournée des ligues dès que possible en 2022 et aller à la rencontre des acteurs sur le terrain et des institutionnels de nos régions pour renforcer les actions de concert.
Comment tous les golfeurs de France peuvent participer à la mise en place d’une politique vertueuse écologique ?
L’enjeu est d’engager un maximum de golfeurs dans la transition écologique pour qu’ils profitent pleinement de leur sport de nature. Afin de partager avec les golfeurs et le grand public son ambition pour la transition écologique, la FFGolf a actualisé son site internet, en y intégrant une rubrique transition écologique. Vous y découvrirez les actions en cours et déjà réalisées par la fédération et les clubs.
Nous avons aussi lancé un programme de communication avec des contenus vidéos courts et interactifs permettant aux pratiquants de mieux comprendre les enjeux de gestion des parcours, découvrir des personnalités engagées pour la transition écologique du golf, repérer des éco-innovations ou connaitre des espèces de faune ou flore présentes sur les golfs. Nous communiquons auprès des golfeurs pour qu’ils adoptent les gestes responsables et deviennent de vrais éco-golfeurs !
Et bientôt, les golfeurs pourront aussi contribuer via des dons aux programmes du fonds de dotation ffgreen, que nous lançons avec pour vocation d’encourager, de faciliter et d’accompagner la transition écologique de notre discipline sportive.
Des politiques mises en place à l’étranger vous ont-elles été utiles dans votre approche ?
Nous suivons de près, via le R&A, les politiques mises en place dans les autres pays européens. Le R&A encourage fortement la collaboration européenne et les projets transversaux : nous nous inscrivons dans cette dynamique.
Déjà, il y a quelques mois la FFGolf a conçu sa propre feuille de route décrivant les actions stratégiques à mener sur les dix prochaines années via le programme Golf Course 2030 développé en partenariat avec le R&A.
Qu’est-ce qui vous ferait dire un jour que vous avez réussi ?
Que les golfs soient reconnus à leur juste valeur pour les services rendus à l’environnement et que la performance sportive soit associée à un développement durable du golf.
Photos Ffgolf, Golf National, Golf de Chantilly, Wentworth, Portrush, GP, DR