La moitié du palmarès en Grand Chelem de Tom Watson est entachée par des victoires survenues avec un équipement jugé par la suite illégal. Dégagée de tout soupçon, la légende américaine est pourtant resté fidèle au principal fautif de l’affaire : la société Ram Golf.
Par Sébastien Brochu
La publication sur les réseaux sociaux de l’historien américain Connor T. Lewis met en évidence l’incroyable mésaventure survenue au champion Tom Watson. Les articles de presse relatent la non-conformité d’une partie de son équipement lors de quatre titres majeurs remportés en 1977 et 1982. Ces faits déterrés de l’Histoire, nous oblige à poser plusieurs questions. La première est brutale : Tom Watson a-t-il triché ?
Triche ou pas triche ?
La réponse est non. Juridiquement, la raison est simple : au moment des faits, aussi bien en 1977 pour ses fers qu’en 1982 pour sa balle, les équipements de marque Ram n’étaient pas jugés illégaux. Ils ne le sont devenus qu’a posteriori. Moralement, la réponse doit être nuancée car s’ils avaient été dûment testés avant les épreuves, ils auraient été interdits. Pas vu, pas pris en quelque sorte. Une autre question vient alors à l’esprit : est-ce que Tom Watson savait ?
Le savait-il ?
Evacuons immédiatement la (trop petite) balle de 1982. Déclarée légale en début de saison, ce n’est qu’en août, après l’US Open et le British, que l’erreur de fabrication a été trouvée par l’USGA. La différence de diamètre était de toute façon si minime qu’il aurait été impossible de la constater putter en main. En guise d’explications, la société Ram Golf évoqua un problème de fabrication où les balles incriminées auraient été dépourvues de la dernière couche picturale. D’autres seraient restées trop longtemps dans le moule…
Pour les fers, un (tout) petit doute subsiste
Attardons-nous plutôt sur l’affaire des rainures trop larges, déclarées illégales juste avant l’US PGA 1977. Les instances n’ont eu aucun doute sur la bonne foi de l’Américain, d’autant que ce dernier a lui-même demandé aux inspecteurs de juger de la conformité ou non de sa série. Pour autant, un petit doute subsiste et il tient à un homme à l’origine de la polémique : un certain George Burns.
Pro sur le PGA Tour depuis 1975, ce natif de Brooklyn connait sa meilleure saison. Il vient de terminer 5e de l’Open remporté par Tom Watson. Il figure parmi les espoirs sous contrat avec la marque Ram.
Une semaine avant les faits, équipés de fers flambants neufs, il participe au Greater Hartford Open (futur Travelers Championship). Après deux tours en 65 et 72, il constate que ses fers répondent de façon surprenante. Son partenaire de jeu Jerry Heard se demande aussi, en passant sa main sur la face des fers, si les rainures ne sont pas anormalement larges. Après confirmation des officiels, Burns décide de quitter le tournoi en s’auto-disqualifiant.
Plus d’un an pour s’apercevoir de la différence
La nouvelle arrive jusqu’aux oreilles de Tom Watson qui décide à son tour de faire vérifier ses clubs. A l’issue du test, l’Américain, mortifié, déclare : « J’utilise ces fers depuis plus d’un an, ils ont servi au Masters et à l’Open… ».
Comment un champion de sa trempe ne s’est-il jamais aperçu de l’erreur de fabrication pendant plus d’un an alors qu’un obscur pro (pardon M. Burns) a mis deux jours à peine pour faire examiner ses clubs ? Il reste que Tom Watson, comme d’autres qui n’ont pas réussi à le battre, pourrait avoir été avantagé si l’on considère que des rainures plus larges permettent d’effectuer plus facilement du spin. Tout est question de « largesse » : ce n’est pas sans raison qu’il existe une réglementation en la matière.
Jack Nicklaus n’a jamais rien réclamé
La première victime concernée par ces polémiques n’est autre que Jack Nicklaus. Des quatre Majeurs en question, il a fini 2e à trois reprises…. Mais « l’Ours blond » ne s’est jamais plaint, considérant que son rival n’a jamais fauté. Et puis, il sait trop bien que l’histoire du golf est jalonné d’exemples similaires, surtout du temps où les pros façonnaient eux-même leur attirail alors qu’aujourd’hui les équipements subissent des normes en constante évolution.
A qui la faute alors ?
A cette époque, l’industrialisation du matériel de golf connaissait encore quelques anicroches et les contrôles de conformité par les instances étaient beaucoup trop aléatoires et imprécis. Les temps ont changé…
Il reste que le principal fautif de toute cette controverse demeure assurément Ram Golf. On imagine que l’entreprise a pris ses dispositions pour améliorer son service de contrôle qualité ! La société peut en tout cas remercier Tom Watson d’être allé jusqu’au bout de son contrat…
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