Tiger Woods : c’est le titre d’un gros livre (735 pages) qui se lit d’une traite.
Parce qu’il s’agit de la biographie d’une légende vivante du sport mais aussi parce que le style journalistique et le livre lui-même (souplesse de l’ouvrage, interlignage, police de caractère, mise en page) rendent l’ouvrage facile à dévorer.
Tout golfeur va ainsi découvrir le mythe Woods, avec son long règne qui a gravé à tout jamais l’histoire du golf mais aussi avec les gouffres obscurs d’un homme prédestiné et préfabriqué, malheureux, solitaire, se noyant dans des aventures sans lendemain en croyant y découvrir l’humanité qui lui échappait. Une épopée moderne.
Woods a vécu la plus belle des vies : il lui aura manqué de goûter aux charmes d’une simple vie heureuse.
Le livre des journalistes américains, Jeff Benedict et Armen Keteyian, traduit en français par Philippe Chassepot, repose sur une longue enquête de trois ans qui aborde tous les aspects de la vie du Tigre : ses parents, son enfance à pas forcés vers les greens, sa jeunesse manquée, ses exploits sportifs, ses batailles avec ses entraineurs, ses caddies et son entourage, son mariage, son addiction au sexe, ses chutes et ses rédemptions miraculeuses, son obsession du contrôle, les blessures d’un corps à qui il a tant demandé, ses victoires incroyables… Et encore, il manque le dernier chapitre qui a du surprendre les auteurs du livre : sa victoire au Masters l’an dernier et le record de 82 victoires PGA de Snead égalé. Et ce n’est pas encore fini, disent aujourd’hui ceux qui l’ont enterré hier.
L’Élu selon le père
Que retenir de cette longue biographie « du plus grand athlète de tous les temps » : l’enfance d’abord. Entre Earl, un père omniprésent qui l’a baptisé l’Élu, « celui qui allait non seulement révolutionné le monde du golf mais aussi apporté sur terre un message universel ». Bref, un Jésus ou un Martin Luther King qui allaient changer le monde.
Sauf que le petit, maintenu à l’écart de tous dès la petite école -entrainements oblige- a toujours préféré la solitude que les réunions en groupe. En plus, on n’a jamais su s’il était noir ou pas. À vrai dire, peu importe. Lui-même s’en moque. Son père a plus souffert de sa peau. Lui se disait Cablinasian, néologisme pour Caucase, Black, India et Asia.
Le vertige des exploits
Les résultats sportifs n’ont pas tardé : 1er trophée à 3 ans, Meilleur amateur à 18 ans et n°1 mondial à 21 ans. De quoi plaire au jeune homme dont le seul objectif a toujours été les titres. Et déjà faire mieux que l’idole : Jack Nicklaus. Pas l’argent contrairement à ce qui a été dit. Quand il va à Las Vegas, c’est aussi pour gagner. Gagner, pas de l’argent, plus que ça.
Les exploits et les records donnent le vertige. Retenons le premier Masters en 1997 à 21 ans ainsi que les années 2000 et 2006. Et cet US Open de 2008 où à Torrey Pines, il bat Rocco Mediate en play-off alors qu’il souffrait le martyre à cause d’un genou en bouillie et d’une fracture à la jambe !
L’enfer comme hors-limite
Mais voilà le tableau se noircit : à force de vouloir vivre sa jeunesse manquée et connaître la vie imaginée entre deux practices, il se perd dans des enfers dorés que l’argent facile permet de s’offrir. En cachette, en loup solitaire, loin de son clan. Mais la réalité des tabloïds de « presse » aux États-Unis où la transparence démocratique oblige à tout dévoiler le rattrape vite. Déballage, scandales, argent, sexe et people font exploser une vie prévue pour ne pas supporter le moindre grain de sable. 120 maitresses selon l’accusé lui-même, des virées nauséabondes avec les amis basketteurs Barkley et Jordan, ont eu raison de sa vie rêvée avec Elin et ses deux enfants, ou plus tard avec la championne de ski Lindsey Vonn « qui aimait tant Sam et Charlie ». Photo prise la nuit du 27 novembre 2009, autre face de la médaille Woods. Qui résume ses enfers. Que ses détracteurs contempleront en dénonçant son manque d’empathie, son absence de gratitude, son radinisme, son orgueil… Les coachs Harmon, Haney, Foley ou les caddies Fluff ou Williams en ont parlé. Et bizarrement leurs témoignages ont encore participé à la promotion de l’image du Tigre. Plus on en parle, plus les dollars pleuvent. Peu importe en bien ou en mal. Le buzz et le fric font bon ménage. La morale n’est plus de ce siècle.
Tiger Woods ? Une vie sans vie.
RdM
Tiger Woods, de Benedict et Keteyian, Hugo Poche, 8,50 euros. Dans toutes les librairies. www.hugoetcie.fr