Le progrès technique a aussi touché le monde du golf : les performances développées par nos champions toutes semaines sur les circuits professionnels en sont une parfaite illustration.
Et nous simples amateurs, que retenir de cet apport que les équipementiers mettent en avant dans leurs publicités et dans leurs discours. D’autant plus quand l’âge nous oblige à encore plus de modestie…
Ivan Morris, notre chroniqueur irlandais – marié à une Française ! -, handicap à un chiffre depuis 60 ans et écrivain, nous livre son expérience et son avis. Avec une conclusion : le sac de golf parfait n’existera jamais. Alors, prenez votre pied en jouant avec vos amis et ne bataillez plus à chercher un Graal impossible….
Moi joueur passionné de clubs en hickory…
Une chronique d’Ivan Morris
En tant que joueur passionné des anciens clubs en hickory, je suis horrifié au souvenir de ce que j’ai infligé à ce type de clubs lorsque mon grand-père Michael a déployé tous ses efforts pour m’inciter à jouer au golf. Cela s’est passé durant l’été 1961 et j’avoue avoir cassé plusieurs clubs dès ma première semaine d’initiation !
Comment pouvais-je savoir que des bois issus arbres n’ayant pas été naturellement traités étaient désespérément très fragiles ? Ces clubs en hickory ont fini à la poubelle : pour être exact, j’ai conservé les têtes qui sont toujours opérationnelles 60 ans plus tard, avec des nouveaux shafts bien sûr.
Mon premier ensemble de clubs à manche en acier a coûté 10 livres irlandaises au total et comprenait un brassie sans nom, une sorte de bois 2 dans le jargon d’aujourd’hui, avec un manche si rigide et si lourd qu’il serait classé X-500 aujourd’hui. Il me servit de bois de fairway jusqu’à son remplacement par un Spalding Robert T. Jones, bois 4 doté d’une tête rouge peinte de couleurs vives et arborant un insert en os noir et blanc fantaisie.
Mes premiers fers furent un 3 et un 4 (noir avec de la rouille First Flights) accompagnés d’un 5, d’un 7 et d’un 9 (Cary Middlecoff, je crois). Je n’avais pas de wedges mais un putter Golden Goose aux pouvoirs divins qui a fait des merveilles sur les greens. Cette étrange collection m’a propulsé à 10 de handicap … en 10 mois.
J’ai économisé avec parcimonie et au début de l’été 1963, j’ai acheté un set de fers Dunlop Peter Thomson : chacun coutant 4 livres16 shillings et 3 pence : une véritable fortune ! J’ai choisi de compléter mon set insolite en achetant un fer 2 et un sand wedge. J’ai appris tout seul à jouer une variété de coups avec ce fer 2 semblable à celui qu’utilisa Seve à Pedreña lors de son initiation sur la plage, à l’abri de tous les regards.
Les fers Thomson et les bois Jones m’ont amené à 2 de handicap (probablement l’équivalent de +2 aujourd’hui) et un an plus tard, ils ont voyagé avec moi quand j’ai rejoint l’université de Floride en 1965 grâce à une bourse.
En Amérique, je suis passé à des clubs Wilson. Au cours des 15 années suivantes, j’ai joué à zéro ou 1 avec les derniers clubs Wilson, chaque nouvelle année jusqu’au début des années 1980.
Au fur et à mesure que je vieillissais et que mon jeu commençait à décliner, j’ai paniqué à l’idée de devenir un collectionneur de clubs. Je changeais régulièrement d’équipements suite à des caprices parfaitement illogique et je justifiais ainsi mes folies à ma sainte épouse: « Jouer au golf m’évite plein d’ennuis. Je ne cours pas les filles, je ne fais pas des paris sur les chevaux, je ne fume pas et je ne bois pas. Tout le monde a droit à un vice ! ».
À mon avis, les clubs de golf ont toujours été des outils sans attaches sentimentales. Chaque fois que mon jeu connaissait des problèmes, je changeais de club !
Les fabricants ne se soucient que des longs frappeurs
Maintenant que je viens de dépasser les 75 ans et que j’ai perdu 30 kms/h de vitesse de swing, mes baisses de forme sont naturellement plus fréquentes. Et je suis plus que jamais en panique parce que je n’aurais jamais pensé que les fabricants de clubs et de balles auraient rendu le jeu aussi difficile pour les golfeurs âgés tout en le rendant plus facile pour les jeunes rats fréquentant les salles de gym !
Peu importe à quel vitesse je frappe la balle, elle n’ira pas très loin de toute façon : 200 mètres si elle roule bien et si j’ai de la chance). Les gars avec qui je joue me dépassent généralement de 60 mètres. Si l’on est incapable de balancer le club à plus de 160 kms/h et de générer suffisamment de rotation à l’impact pour lancer la balle en l’air, la balle d’aujourd’hui ne volera pas.
Plus je joue avec des clubs et des balles actuels, plus je réalise que les fabricants ne se soucient que des longs frappeurs. La distance est leur seule préoccupation !
Ce n’est pas parce qu’une balle est plus « soft » » qu’elle tourne davantage. Ce n’est pas parce qu’elle est aussi dure qu’un rocher qu’elle vole moins. Ce qui va la propulser dans l’air, c’est la combinaison de la vitesse d’impact, de la précision de la frappe et de la configuration aérodynamique de ses alvéoles.
Pour compliquer encore les choses, un frappeur de balle précis (comme moi !) transfère 90 % de son poids sur son pied gauche avant de tourner la face du club vers la terre et de frapper square à l’impact : ceci n’est pas propice à favoriser les balles hautes. Avec une remarque : garder son poids sur son pied droit pour aider la balle à s’élever dans l’air est la meilleure recette garantissant un désastre !
Le golf n’est pas un jeu parfait
Les choix disponibles ont leurs partisans et leurs détracteurs. Le golf n’est pas un jeu parfait… et je ne suis pas parfait. Jouer avec une balle destinée à obtenir de la distance et il sera plus difficile de la contrôler autour des greens. Jouer avec une balle qui s’avère de grande qualité autour des greens et elle vous décevra quand elle sera sur le tee.
La balle Titleist Pro-V1 qui a été développée par des scientifiques de la NASA au début des années 2000 a révolutionné le monde du golf. Le golf était autrefois un jeu plutôt d’homme mature basé sur l’agilité et la compétence. Aujourd’hui, c’est un jeu de pouvoir plus dédié aux jeunes. À l’ère du spatial, il y a peu de joie dans la technologie pour les personnes âgées. Changer d’équipement n’a jamais été une garantie de succès.
En écrivant cet article, mon intention initiale était d’inclure une fiche technique à partir de mes différents usages de clubs et de balles. Mais j’ai réalisé que ce serait inutile. Le golf est un jeu individuel. Nous devons tous nous faire notre propre opinion à partir de nos propres expériences, en tirant les leçons de nos erreurs.
L’objectif d’un golfeur reste de se faire plaisir en pratiquant son sport favori. Essayer d’être heureux en se promenant, en disant des choses sensées ou non avec ses partenaires, en frappant quelques bons coups et en sachant quel jour on est.
Voilà ce que je devrais rechercher dans mes dernières années de pratique, en oubliant de m’entrainer à essayer 280 mètres au drive ou à réaliser tel ou tel coup impossible. Tout ça, c’est du passé !
Et puis, il faut se rendre à l’évidence : le sac de golf parfait n’existe pas et n’existera jamais.
Ivan Morris