Il est toujours le seul Français vainqueur de l’Open
1ère partie : 1877-1914.
« J’ai tapé mes premières balles à Étretat, Arnaud Massy y a tapé ses dernières.
A Ciboure, j’ai habité rue Arnaud Massy.
Je suis passé pro, l’année du centenaire de la naissance d’Arnaud Massy.
J’ai enseigné à la Nivelle quatre-vingts ans après Arnaud Massy.
J’ai gagné le Trophée Arnaud Massy à Palmola, l’année du centenaire du golf de Biarritz où débuta Arnaud Massy.
Ma fille ne s’appelle pas Palmola.
Arnaud Massy est né à Biarritz, le 6 juillet 1877… »
Philippe Palli
L’apprentissage : Du golf du Phare à North Berwick, la « Biarritz du Nord »
Fils de Bernard Massy, laboureur, et de Marie Lauga, cuisinière, le petit Arnaud est né le 6 juillet 1877 au domicile de ses parents, 3 rue du Nord à Biarritz. Actuellement, rue de Frias dans le quartier du Centre.
Sur son acte de naissance, seul le prénom d’Arnaud est inscrit. Mais pour les Écossais de North Berwick, il a deux autres prénoms : George et Watson.
Après avoir quitté les bancs de l’école, Arnaud, comme beaucoup de jeunes de l’époque, entre tôt dans la vie active. Mousse de mai à octobre, il pèche la sardine du golfe de Gascogne. Cadet « pas de Gascogne » mais au golf du Phare, il zieute les balles en gutta de novembre à avril. Il ne reste pas beaucoup de temps pour les vacances !
Le cadet est payé une vingtaine de centimes le tour et si le « client » ne subit pas la honte d’une balle perdue, un petit pourboire peut se rajouter. Son travail n’est pas trop contraignant par contre le règlement intérieur du golf lui, est assez stricte. Faire un swing par exemple, même un semblant avec la canne d’un « client » est interdit, tout comme être vu sur le parcours en dehors de la fonction. Toute faute, était sanctionnée immédiatement par une mise à pied de plusieurs jours.
Ce nouveau sport les amuse. Afin d’y jouer, ces jeunes cadets biarrots aménagent à proximité du golf « leur parcours ».
N’allez pas imaginer un joli gazon uniforme et bien tondu avec des greens ultra rapides ! Nous sommes à la fin du 19ème siècle et la jolie tondeuse hélicoïdale à essence n’existe pas encore !
Leur zone de jeu est essentiellement GOLF : un départ, une arrivée déterminée par un trou et entre, une zone rase certes mais, pas si fairway que cela.
Selon Massy, de nombreuses parties avec enjeu s’y sont déroulées. Ce qui contribua je cite toujours Massy, » A développer chez certains ce vif désir de gagner ».
Drôles de cannes !
Concernant les cannes, euh ! La CANNE, en posséder une, était « le summum de l’opulence » dira-t-il !
Pour en avoir, les cadets les plus passionnés par le jeu, surveillaient régulièrement les poubelles où les cannes cassées étaient jetées. Récupérées au plus vite et en cachette, les clubs étaient arrangés tant bien que mal pour faire l’affaire.
Sinon, il fallait user d’ingéniosité, de patience et bien entendu continuer ne pas être trop exigeant avec le matériel qui n’était certes pas de grande qualité !
Le manche du bois était fait avec une branche de troène et la tête, avec un tronc d’aubépine façonné au couteau. Puis, pour les raccorder, un trou était effectué dans la tête à l’aide d’un fer rougi. Un peu de colle et voilà, comment était créé un semblant de driver, brassie ou spoon.
Pour le fer, une seule pièce forgée avec les cercles de barriques et un chiffon enroulé pour la poignée ! « Finalement, nous avons été les précurseurs du manche acier ! » dira plus tard Jean Gassiat (vainqueur de l’Open France 1912 et plusieurs fois Champion National)
Quant aux balles, les morceaux de liège rejetés par la mer sont taillés et font l’affaire. Et, lorsque certaines balles égarées dans les buissons ou situées hors limites sont comme par hasard, trouvées, « Milesker Anddié ».
Massy dit avoir eu la chance de trouver l’objet de ses convoitises, un vieux cleek mais de gaucher. Fier et très heureux de sa trouvaille, Massy va donc s’exercer avec ce club.
En moins d’une décennie d’existence du golf de Biarritz, les jeunes cadets du Club montrent une incontestable facilité pour le jeu de golf. La pratique de la pelote y est certainement pour quelque chose !
Le grand golfeur anglais Horace G Hutchinson, vainqueur du British Amateur 1886 et 1887, connaît bien le golf et il écrit ces quelques lignes dans le célèbre annuaire British Golf Links de 1897 « Le cadet Biarrot, avec son béret, ses sandales de cordes, son accent basque, est un petit personnage intéressant et intelligent. Avec l’aptitude innée des Basques pour les jeux, il apprend le golf très rapidement et le swing de nombre d’entre ces petits gamins est digne de Saint Andrews ».
Pensait-il à Massy, possible mais il y en a eu tant d’autres ! Jean Gassiat, Eugène Lafitte, Maurice Daugé pour ne citer qu’eux.
En clôture de la saison golfique, le club organise la compétition des cadets. En 1897, elle se déroule le 20 avril.
Avec un score brut de 82, Arnaud Massy âgé de 19 ans, remporte l’épreuve et, la somme de 30 francs.
Direction l’Écosse !
Suite à cette victoire, Sir Everard A. Hambro, éminent personnage à l’origine du golf de Biarritz le prend sous sa houlette.
Arnaud lui exprime le regret de ne pas trouver suffisamment de parties dont le niveau, plus élevé, lui permettrait de progresser.
L’été suivant, Sir Hambro qui voit en son jeune protégé quelques traces de génie l’emmène durant la saison à North Berwick, haut lieu du golf écossais, et il se charge du planning.
Ce premier contact en terre écossaise, lui permet de découvrir le Golf avec un grand G.
Au programme, fabrication et entretien des divers cannes chez Hutchinson : drivers, brassies, spoons, cleeks, mashies, niblicks, putters etc.
Pour la technique, il est confié à Davie Grant, le beau-frère du célèbre Ben Sayers.
Réputé excellent enseignant, Davie Grant est aussi un bon joueur. Il a participé au British Open de 1879 à 1894 et il a obtenu une excellente 6ème place en 1888.
De retour à Biarritz, le basque revient plus motivé que jamais et n’a qu’une seule idée en tête, retourner en Écosse.
À North Berwick, il pense golf du matin jusqu’au soir. Passionné, travailleur et déterminé l’atmosphère de golf qui y règne lui donne vraiment l’occasion de progresser et, il n’a aucun doute, il est né pour faire du golf.
L’été suivant en 1899, il assiste à un match mémorable entre Harry Vardon et Willie Park Jr.
Harry Vardon, vainqueur du British Open 1896, 1898 et 1899, est le meilleur joueur du moment. Quant à Willie Park Jr, il a remporté le British Open en 1887 et 1889.
Le swing élégant et tout en rythme d’Harry Vardon fascine le golfeur basque. Vardon devient son modèle. Pour Massy, Vardon c’est la perfection.
De gauche à droite
Le pro anglais, originaire de Jersey, a pour l’époque, une position de mains sur le club un peu particulière. En tant que droitier, l’auriculaire de la main droite est sur l’index de la main gauche. Grip des plus courants de nos jours, il est connu sous le nom de grip overlapping.
Bien que cette création fût à l’initiative de l’écossais Johnny Laidlay, vainqueur du British Amateur 1889 et 1891, ce grip portera pendant de nombreuses années, le nom de grip Vardon.
En 1902, Arnaud Massy devient membre de la PGA britannique. Premier français membre d’une association de professionnels de golf, il est aussi le premier français à se lancer dans l’aventure du British Open. Créé en 1860, le tournoi est à l’époque, le Championnat du monde.
Le tournoi n’a pas débuté que l’on parle déjà du pro français. Pas comme favori ! C’est juste la première fois qu’un non britannique participe à l’Open et en plus, il joue en gaucher !
Le public vient, s’installe, guette le passage de la bête curieuse et l’observe. Agréablement surpris par son niveau de jeu, il manquerait d’après les experts d’un peu de concentration et de maîtrise de soi.
Arnaud Massy termine 10ème à égalité avec Andrew Kirkaldy.
L’homme est bourru et ambitieux
A l’issue du tournoi, nombre d’experts pensent « Il est vraiment fâcheux qu’avec des dispositions comme les siennes, il eut pris la mauvaise habitude de jouer à gauche… Il était sans exemple dans l’histoire du golf qu’un gaucher n’ait jamais remporté un championnat de quelque importance ».
Arnaud est bourru certes mais il a de l’ambition. Depuis1898, il a la chance de venir chaque été à North Berwick pour se retrouver entre les mains de Davie Grant et de Ben Sayers. Du point de vue enseignement, il n’y a pas mieux pour l’époque ; il le sait.
Il décide donc d’arrêter de jouer en gaucher et de reprendre en droitier.
Grip à dix doigts et stance ouvert, il s’entraîne en droitier avec autant d’acharnement.
En 1902, entre la saison d’été de North Berwick et la saison hivernale de Biarritz, le tout jeune Golf de Paris-la Boulie fait appel à ses services pour quelques semaines.
Lorsqu’il retrouve Biarritz et ses rochers, il s’entraîne et les jours de tempête, il se rend au golf en courant pour y jouer avec le vent violent.
En 1903, pour sa première participation en droitier au British, il termine 37ème et en 1904, il annule sa participation. Marié depuis peu avec Janet Henderson, jeune écossaise de North Berwick, le basco-écossais accepte en 1905, le poste de 1er professionnel du golf de Paris à la condition qu’il puisse continuer à jouer les tournois en Grande Bretagne.
Arnaud Massy fait maintenant partie des meilleurs joueurs de la PGA Britannique. Lors du British 1905, joué sur le Old Course de St Andrews, il termine à la 5ème place.
Il obtient là son meilleur résultat et il souhaite certainement ne pas en rester là !
« Triompher dans le Championnat Open de Grande Bretagne est la plus grande ambition que puisse formuler un golfer ».
Si Arnaud Massy est ambitieux, Pierre Deschamps, le président du golf de Paris-la Boulie, l’est tout autant.
Il verrait bien jouée dans son club, une belle et grande épreuve équivalente à celle existante en Grande Bretagne.
Le mercredi 20 juin 1906 on lit dans le Figaro : » La Société de la Boulie inaugure pour la première fois sur son terrain, le Grand Championnat Omnium (Open Championship of France) ouvert aux professionnels et aux amateurs comme le concours anglais.
C’est le 30 juin et le 1er juillet que la Société du golf de Paris a donné rendez-vous, à Versailles, à tous les joueurs étrangers, organisant ainsi une seconde grande réunion internationale avec 3000 francs de prix »
La première grande réunion étant l’International de France Amateur créé en 1904 par le golf de Paris.
Pour cette première professionnelle, 18 joueurs prennent le départ dont 3 français. Arnaud Massy et le jeune Louis Tellier représentent le golf de la Boulie et Dominique Coussiès, le golf de Pau.
L’organisation de cette première édition semble avoir été parfaite. L’état du parcours est qualifié d’excellent et, »Le temps était à souhait. Ni vent, ni chaleur…et plus de 50 déjeuners ont été servis ». Que demande le peuple !
En tête dès le 1er jour (36 trous / Jour), Arnaud Massy dont le jeu frôle la perfection conserve son avance et remporte le 1er Open de France devant Tom Vardon.
Il n’y a plus de doute ! Le Français fait bien jeu égal avec les meilleurs pros britanniques.
1907 : la grande année
Cette position de leader dans le monde du golf, lui permet d’être invité par le Grand Duc Michel de Russie et de son épouse, une golfeuse avertie, à participer en compagnie des meilleurs joueurs britanniques au meeting qui aura lieu en février 1907 au golf de Cannes-Mandelieu.
Arnaud Massy y enregistre une nouvelle victoire. C’est un nouveau palier qu’il vient de franchir. Il peut les battre tous ! Y compris les « Trois Dieux du Fairway » qui totalisent déjà 10 victoires au British Open depuis 1894 : 4 pour Harry Vardon , 3 pour John Henry Taylor et 3 pour James Braid. Il les retrouvera au mois de juin à Hoylake sur le parcours du Royal Liverpool où se joue, cette année, le Championnat de Grande Bretagne.
C’est sous une terrible tempête, pluie et vent, que se déroule le British 1907. En tête dès le premier tour, le grand jeu de Massy est excellent pendant tout le championnat. Il utilise régulièrement son driving-iron avec lequel, il fait des merveilles. Ce club avait été spécialement fabriqué pour lui par son collègue et ami, Andrew Kirkaldy.
Pour les experts, cette victoire n’est pas une surprise et tous reconnaissent que le jeu du français basco-écossais a été d’une très grande supériorité.
Premier français et non-britannique victorieux du tournoi, il est à trente ans au summum de son art.
Deux semaines se sont écoulées et tous les meilleurs doivent venir disputer le championnat français. Seul, John Henry Taylor déclare forfait à la dernière minute.
Harry Vardon, James Braid et tous les autres s’inclinent une nouvelle fois devant Maître Massy.
Cerise sur le gâteau pour le golf français, le biarrot Louis Gassiat dit Jean, pro à Baden Baden et dont c’est la 1ère participation, termine seul second de l’Open, grâce à un magnifique birdie au 72ème trou.
En clôture du championnat, un dîner d’adieu présidé par Arnaud Massy a été offert par le golf de Paris, à tous ses adversaires étrangers.
A peine le tournoi français est-il terminé que les lettres et télégrammes de félicitations, arrivent au golf de Paris. Les magnifiques victoires d’Arnaud Massy ont enflammé la presse européenne, américaine et bien entendu française.
Fier de tous ces éloges qui s’adressent aussi bien à Massy qu’au golf de Paris, le Comité de la Boulie remet à Arnaud Massy un portefeuille d’environ 900 francs et annonce qu’il lui triple, en qualité de Champion du monde, ses honoraires.
Après sa victoire au British Open, le Basque est très demandé. Il participe à de nombreux matches exhibitions un peu partout en Europe et participe à l’élaboration de nouveaux parcours français.
Pour la troisième édition du tournoi français, une coupe offerte par Madame George E. Stoïber va enfin doter l’épreuve.
Le saladier en argent d’une valeur de 2500 francs ne sort des ateliers de Risler et Carré qu’en tout début d’année 1909. Avant d’être envoyé au Mid-Surrey Golf Club, dont John H Taylor, vainqueur en 1908, est le professionnel, la coupe est présentée aux membres du Club et à Massy, le second du tournoi.
À Nivelle : le retour au pays
Cette année-là Massy remporte 3 épreuves outre-Manche et en 1910, il inscrit son nom au 1er Open de Belgique.
1911 aurait pu être sa meilleure année. Cependant, elle fût très bonne !
En mai, il remporte à la Boulie, le 1er championnat National, puis il enchaine avec l’Open toujours à Versailles qu’il gagne brillamment devant Edward Ray en réalisant un score total de 284 sur 72 trous « Une performance sans précédent sur les golfs du monde entier » est-il écrit sur le Figaro du 6 juillet 1911.
Son livre « Le Golf », préfacé par Pierre Deschamps, est à la vente ! Editions Pierre Lafitte dans la série « Sports-Bibliothèque ».
Massy quitte Versailles pour Ciboure. Il intègre le tout jeune golf de la Nivelle comme premier Pro.
Et enfin au Royal St Georges, le plus prestigieux des tournois, lui tend une nouvelle fois les bras. A l’issue des quatre tours, il est à égalité avec Harry Vardon. Malheureusement, le champion de France abandonne durant le match de barrage.
En 1912, il remporte le 1er Open d’Espagne et son compagnon de tournoi Jean Gassiat, fait le doublé en gagnant le National de France et l’Open de France. L’année suivante Massy, Gassiat, Louis Tellier et Eugène Lafitte forme le quatuor qui écrase au golf de Paris, l’équipe américaine par 6 victoires à 0. Massy et Tellier sont invités à participer à l’US Open. Le champion français décline l’invitation et Louis Tellier l’accepte. Il terminera à la 4ème place.
En 1914, Massy remporte son 3ème National à la Boulie et signe, pour le printemps, un petit contrat de 3 mois avec le golf de Paris.
En août, la guerre éclate.
Mobilisé, Arnaud Massy est blessé en 1916 à Verdun et sera d’ailleurs décoré.
Les compétitions nationales et internationales sont interrompues jusqu’en 1919, et même 1920 pour l’Open de France. (à suivre). Philippe Palli