Hier, si les autorités chinoises ont freiné l’essor du golf dans l’empire du milieu, aujourd’hui, de très grands parcours prolifèrent à Hainan avec, en prime, un vrai joyau à Shanqin Bay.
En 2004, la Chine ne proposait que 170 parcours, un nombre lié à des questions de surchauffe économique et de protection des terres agricoles faisant vivre la majorité du milliard et demi de chinois, nombre qui enfle à raison de 14’500 naissances/jour. Il était alors pratiquement illégal de construire des golfs, à de rares exceptions près. La situation était sérieuse au point de voir près de 70 golfs détruits par les autorités.
Aujourd’hui, la Chine compte près de 600 parcours, certains illégaux mais intouchables, nombre de promoteurs étant personnalités d’état, fonctionnaires, hommes d’affaire plus ou moins archi-millionnaires, donc golfeurs “d’influence”…
A l’heure actuelle le continent asiatique affiche 23,3 millions de pratiquants dont 400 000 sont chinois. L’Association Chinoise de Golf annonce une solide augmentation de leur nombre au rythme de 8% par an jusqu’en 2026, ce qui, rapporté à la population du pays, ne fera toujours du golf qu’un sport de niche mais pouvant rapporter médailles et gloire.
Dans l’espoir de voir un jour un joueur chinois s’imposer en majeur, les meilleurs intègrent des écoles dédiées où les frais d’écolage sont réglés par Pékin quand la famille n’en a pas les moyens.
Hainan, nouvelle Hawaï
Si, depuis 1984, millésime du premier parcours ouvert, le développement du golf en Chine continentale a marché au frein à main, c’est “no limit” à Hainan à une heure de vol de Hong Kong, île tropicale au plein essor poussé par le pouvoir central.
Entre Haïkou (au nord) et Sanya (au sud) et leurs aéroports internationaux, autoroutes, trains à grande vitesse, développements hôteliers géants, promotions immobilières sortent du sol à la chaîne pour en faire une nouvelle Hawaï.
100 parcours sont dans le pipe-line. On s’approche de la trentaine à la suite du Mission Hills bis à Haikou, nouvelle démesure de la famille Chu et dix parcours après les douze de Shenzhen près de Hong Kong.
Plus grand que grand
Faire dans le gigantisme est dans l’ADN chinois. Il faut être plus grand, plus massif ou, à défaut, faire plus étonnant.
A Shanqin Bay (près de Bo’ao sur la côte sud-est de Hainan), il y a de ça en plus vertueux, vu à travers le prisme du sieur Wang Jun, aujourd’hui décédé, ex-patron du Groupe Citic aux moyens illimités, fou amoureux du golf et de ses traditions, mais surtout, fils de l’un des huit « Immortels » du parti communiste qui ont dirigé la Chine dans les dernières années du 20e siècle.
Coore, même pas peur
Il fallait être diablement visionnaire pour oser un golf sur cette large parcelle rude perchée en partie sur une falaise accidentée au bord du Pacifique, la seule du pays. Consultés, de grands architectes s’y refusaient totalement. Trop casse-gueule!
Longtemps négatif, Bill Coore, en binôme avec Ben Crenshaw, acceptait le défi, alignant 125 jours de présence sur site. Et le résultat est savoureux !
Ouvert en 2011, le parcours était vite distingué par un titre de “Meilleur nouveau parcours au monde” et, depuis, N°1 chinois (à la hauteur du Lanhai GC à Shanghaï) et asiatique, membre du Top 100 mondial ici ou là selon les panels. Pour ce qui nous concerne, ce parcours ne déparerait pas un « World Top 25 ».
Membres et invités
Revers de la médaille, son ticket d’entrée se chiffre à un million de dollars. Shanqin Bay est réservé aux membres (50 au maximum semble-t-il) et leurs invités. Exclusivement.
Le personnel leur est totalement dédié. Le visiteur, forcément VIP par définition, est accueilli par une haie de cadres, de caddies et d’employés en tenue qui tous connaissent son nom. Les souriantes assistantes de Joey Garon (directeur atypique venu de Louisiane) ne le quittent pas d’un pouce, lui épargnant tout souci.
Puis Joey, à pied et en costume-cravate, accompagne les joueurs (en voiturette) sur les 18 trous, s’arrêtant avec eux aux “dormy houses” du 4 et du 12 où ils dégustent longuement des plats chinois faits minute comme au club-house de très bon goût.
A noter que, depuis son arrivée en Chine, Joey Garon n’a connu que deux clubs, Lanhai et Shanqin Bay, donc le top du Top. Mais, heureusement, pas de grosse tête…
Sous le charme de la difficulté
Cerise sur ce beau gâteau, le parcours stupéfie. Coore & Crenshaw, architectes-vedettes, ont tenu compte de tous les éléments, de tous les vents, de toutes les pentes et contre-pentes, des fortes différences d’élévation.
Dans leurs aménagements, ils ont gardé les vestiges d’une muraille antique, d’une plantation d’ananas sauvages et du tunnel d’un vieux fort militaire à la base du club-house. Aucun artifice.
Les trous n’avancent pas masqués. Sur 6’251 mètres pour un par 71, les nombreux pièges réels comme visuels (hors 150 bunkers) protègent des greens aux contours mystiques, mais aux surfaces accommodantes. C’est à la fois sauvage et soigné, la maintenance étant parfaite.
Après s’être battu contre le par 3 du N° 3 (165 m.) vers l’océan, le N° 6 (409 m.) ultra-gardé par un étang, il faut encore se payer le retour et, pour faire simple, enchaîner le 15 (422 m.), le 16 (287 m.) ouvert aux paris, et le 17 (330 m.), trois par 4 effrontés quand on swingue les pieds dans la Mer de Chine face aux embruns dans un spectacle 3D de “Pure” golf. Inoubliable!
Privilège rare
Jouer Shanqin Bay est donc un cadeau pour privilégié. Si vous deviez bénéficier d’une invitation, à défaut du million dans votre poche, habitez au BFA Hotel voisin plus terre-à-terre (et son parcours de Graham Marsh), ou descendez la côte en direction de Sanya en vous arrêtant au bout d’une petite heure sur la péninsule de Shenzhou en total développement. Logez au Four Points by Sheraton pour jouer au Dunes, club accueillant, deux superbes parcours de Tom Weiskopf classés dans le Top 10 chinois dont le West Course, une petite merveille.