En 2021, nous vous avons emmenés découvrir de superbes parcours au coeur de clubs très privés. Ainsi, Pine Valley (Etats-Unis), Castiglion del Bosco en Toscane ou Haesley près de Séoul, et le 30 décembre, Shanqin Bay, No 1 chinois clos à double-tour. Comme vous en redemandez, même avec la quasi-impossibilité d’y jouer, nous leur consacrerons encore quelques profils en 2022. Et puis, vous avez raison, on ne sait jamais…
Il s’appelle Peter de Savary, britannique bon teint, à la fois extravagant et conservateur à souhait, rencontré lors de son défi America’s Cup perdu en 1983. Puis, les golf-trotters l’ont revu au Skibo Castle en Ecosse, adresse du célébré Carnegie Club et son excellent links signé Donald Steel.
Dans le luxe de bon ton, la performance était belle, mais de Savary passait la surmultipliée en 1998, découvrant Cherokee Plantation, vestige d’une propriété de 10’000 hectares où suaient encore 560 esclaves en 1860 à 90 minutes de Charleston, capitale historique de la Caroline du Sud, nid des confédérés lors de la guerre de Sécession.
25 membres
Aujourd’hui, l’état affiche 350 parcours, souvent de belle facture, de Hilton Head à Myrtle Beach. Parmi eux, Cherokee Plantation, sans doute le plus cher des clubs privés américains, comme le souhaitait de Savary en lâchant 50 millions à l’ouverture du projet. 10’000 hectares, c’est vaste, d’autant plus quand ils sont juste savourés par douze membres. Chasse, pêche, golf… et la paix!
Le ticket d’entrée? Environ $1’900’000 et une cotisation annuelle de $175’000 pour assurer le bon roulement des installations, du centre fitness aux pistes équestres, la marina pour les bateaux des membres, la cave à vins, les chiens de chasse, la piscine, le croquet, le cottage pour les invités, le tennis, le droit de construire sa “petite” maisonnée, l’habitat de 75 employés, etc. Le plan pour le proche avenir vise vingt-cinq membres au total…
Le souvenir de la tribu Cherokee
Vu d’ici, ça paraît énorme, hors de proportions. Vu de là-bas, pas un battement de cil. Ce n’est ni plus, ni moins étonnant que d’autres clubs de même senteur à Augusta, Carmel ou Long Island dont des membres le sont aussi à Cherokee Plantation qui, avant de devenir cette chère retraite dorée, a hébergé Bing Crosby, Jackie Kennedy ou Robert Beverly Evans, un président d’American Motors baptisant une jeep de ce nom de la tribu indienne chassée des lieux, dont les premières traces sur le continent américain remontent à dix siècles avant JC.
Style links
L’endroit est évidemment superbement ordonné. Le parcours planté par Donald Steel (son premier aux USA) et les greens de Tom Mackenzie ne sont pas en reste. Dans un total respect de l’environnement, le parcours de 6400 mètres (par 71) est à la mesure des hautes qualités du club. Il a une allure de links où on peut laisser le lob wedge dans le sac pour faire rouler les balles aux drapeaux.
On y trouve cinq par 3 entre 185 et 143 mètres, de jolis par 5 pour débuter chaque boucle (520 et 470 mètres), de bons obstacles d’eau aux Nos 9 (430 m.) et 17 (530 m.) et seulement 35 bunkers idéalement disséminés. Pour être performant, on doit sortir tous les coups du sac, la précision étant ici un must pour défaire un parcours « very demanding ». Stroke index 74.6 et slope 136 des tees arrières.
Scarlett et défaite
Au détour d’un marécage, quand le jour tombe avec sa cohorte de couleurs pourpres tamisées par un voile de brume, à deux pas de Plantation House, cœur de la propriété, l’ambiance de “Autant on emporte le vent” saisit le visiteur qui ne s’étonne pas d’apercevoir l’espace d’un instant, entre deux rangées de saules pleureurs, l’inoubliable Scarlett galopant vers son beau capitaine, une image vite effacée par le partenaire d’un jour à la sortie du No 18, signalant insidieusement la perte de votre première partie à Cherokee Plantation.
Philippe P. Hermann
Photos: Cherokee Plantation