Un important arrêté concernant notamment l’utilisation de produits phytopharmaceutiques dans les golfs et autres terrains sportifs a été publié au Journal Officiel à la mi-janvier.
Golf Planète a demandé à Rémy Dorbeau, président de l’AGREF / Institut Ecoumene Golf & Environnement et directeur du golf de Chantilly, de nous éclairer sur la portée de ce texte de loi et sur les changements que sa publication entrainera sur le quotidien de nos golfs.
Ses réponses sont donc importantes et pertinentes : il est recommandé à tous de les lire attentivement.
En 2025, les produits de synthèse seront interdits
Golf Planète : Un important arrêté concernant notamment les golfs vient d’être publié au Journal Officiel : que dit- il ?
Rémy Dorbeau : L’arrêté du 15 janvier 2021 complète la loi Labbé qui interdit depuis le 01/01/2017 aux personnes publiques d’utiliser/faire utiliser des produits phytosanitaires pour l’entretien des espaces verts, forêts, promenades et voiries (sauf pour des raisons de sécurité …) accessibles ou ouverts au public.
Depuis le 01/01/2019, l’interdiction s’étend aux particuliers. Les jardiniers amateurs ne peuvent plus utiliser ni détenir de produits phytosanitaires sauf ceux de biocontrôle, à faibles risques et autorisés en agriculture biologique.
Les produits phytosanitaires de biocontrôle, à faibles risques et autorisés en agriculture biologique restent cependant utilisables, ainsi que tous les autres produits de protection des plantes (macro-organismes, substances de base).
Sur les golfs, à compter du 1er juillet 2022, les produits phytosanitaires de synthèse ne pourront être appliqués que sur les départs, fairways et greens.
Au 1er janvier 2025, tous les produits de synthèse seront interdits d’utilisation sauf ceux qui seront inscrits sur une liste établie pour une durée limitée par les ministres chargés des sports et de l’environnement, pour lesquels aucune solution technique alternative ne permet d’obtenir la qualité requise dans le cadre des compétitions officielles.
Des solutions alternatives doivent être trouvées rapidement
GP: Face à la réalité des golfs aujourd’hui, comment peuvent s’imaginer les changements à apporter : Quel calendrier ? Quels moyens ? Quels résultats à attendre ? Y – a t-il des golfs qui ne pourront pas se mettre rapidement en conformité avec le décret ?
RD :Les fabricants de produits phytosanitaires financent des recherches depuis une dizaine d’années dans le développement des produits de biocontrôle.
Ces produits ont des efficacités limitées et doivent obligatoirement être intégrés dans une méthode globale d’entretien des gazons dont les résultats actuels ne sont pas comparables à ceux des méthodes chimiques utilisées jusqu’à présent.
L’AGREF au travers de son Institut Ecoumène IEGE effectue depuis 2008 des essais officiels d’efficacité sur des produits, de synthèse ou non, développés par les firmes afin de soutenir une autorisation de mise sur le marché.
70% des substances testées actuellement sont des produits de biocontrôle ou de nouvelle génération. La majorité des 30% restants concernent des substances de bases qui sont susceptibles de se combiner aux solutions de biocontrôle homologuées et d’en améliorer les performances.
Le programme de recherche MODEGE, engagé il y a 6 ans sur nos fonds propres et soutenu par Ecophyto II+, destiné à modéliser l’apparition des maladies a débouché, fin 2020, sur l’élaboration d’une méthode efficace de contrôle de la fusariose hivernale en utilisant de l’huile parafinique.
De nombreuses solutions alternatives doivent être trouvées rapidement pour répondre aux attentes environnementales et sociétales.
Les investissements financiers engagés jusqu’à présent ne suffisent pas et c’est pour cela que la filière s’est engagée autour du fonds de dotation FFGreen créé en novembre 2020 pour conduire, financer tous les projets d’intérêt général en matière de recherche, innovation, soutien aux clubs, formation et de sensibilisation…
Si nos espoirs reposent pour une part sur les progrès dans la sélection de graminées résistantes aux bioagresseurs, de nombreuses problématiques n’ont pas de solutions évidentes à ce jour et nécessiteront de nombreuses années de recherches et d’essais.
Le changement climatique rend les choses complexes et impérieuses. A cela s’ajoutent le suivi et le contrôle des espèces invasives existantes et émergeantes (maladies, insectes ravageurs ou plantes indésirables) qui peuvent rendre la pratique du jeu rapidement impossible.
Les dirigeants mais aussi tous les golfeurs doivent s’engager
GP : Les golfs, sous la pression des normes nationales et européennes mais aussi grâce à une politique volontariste proposée par la Fédération, ont déjà réalisé de gros progrès en matière environnementale. Quels vont être les prochaines étapes ?
La recherche, évidemment, harmonisée au niveau national et international…
La bonne conduite des programmes déjà engagés, comme par exemple Golf pour la Biodiversité, et ceux qui sont en développement…
Mais la réussite de cette transition passera par l’engagement des dirigeants et des golfeurs. Les dirigeants de clubs doivent soutenir leurs intendants qui se retrouvent parfois seuls à assumer ces changements face aux attentes des golfeurs. Les prix des produits et des matériels subissent de lourdes augmentations et maintenir les dépenses destinées à l’entretien des parcours est déjà une prouesse en soi.
Le coût de la transition écologique ne sera pas neutre pour les clubs et il faut d’ores et déjà expliquer aux golfeurs que nos structures ne pourront pas répondre à leurs attentes sans leur fidèle soutien moral et financier.
L’Agref continuera d’investir ses ressources et ses compétences dans la formation professionnelle, l’animation de son réseau professionnel et dans l’expérimentation au travers de son institut IEGE.
La ffgolf s’est engagée depuis de nombreuses années dans la préservation de l’environnement, au service des clubs, et continuera sûrement de s’investir dans la réussite de cette transition écologique indispensable au développement de notre sport.