En Virginie de l’Ouest, un mécène avait restauré Oakhurst Links en 1994, véritable avant-propos de l’histoire américaine du golf.
On est en 1860. Un groupe de Britanniques s’installe dans le comté de Greenbrier en Virginie de l’Ouest. George Grant suggère à ses amis, Russel Montague et Roderick McIntosh McLoad, de créer un parcours de golf, un links de préférence comme dans leur Ecosse natale. A Oakhurst, le terrain idéal est trouvé permettant à Montague de poser un parcours vallonné de neuf trous dessinés par la nature, dont l’entretien est assuré par… un troupeau de chèvres.
Dans ce club ainsi formé, le premier des Etats-Unis à proposer son propre parcours, la première médaille de championnat connue remonte à 1884. Elle était jouée le jour de Noël. Huit ans plus tard, le club cessait de fonctionner, avec le départ de l’un ou l’autre des membres, le parcours retournant à son état original de pâturage, les mêmes chèvres broutant l’herbe de ce qui redevenait simplement la propriété Montague.
En 1960, Lewis Keller Sr., en vadrouille golfique au Greenbrier, apprend l’existence de cette pièce de musée, complètement cachée sous soixante-dix années d’abandon. Keller est un richissime promoteur, membre de Seminole et de Winged Foot, deux des clubs les plus huppés aux Etats-Unis. En 1987, développant une station de sports d’hiver et d’été non loin de là, il convoque Bob Cupp, architecte notoire, pour lui dessiner deux parcours de golf et l’emmène par curiosité voir le site d’Oakhurst.
Cupp cerne vite le dessin originel du parcours. Dès lors, avec l’appui de Phil Patton et de l’USGA (la fédé américaine), il commence la restauration de cette pièce rare qui devient un National Club, belle distinction. Tout est restauré, y compris l’adorable petite maison de Montague qui sert de club-house. En huit jours seulement, sous la direction de Cupp, le parcours est passé au tamis, un effort plus archéologique qu’architectural. On ressème l’herbe d’origine. On met du sable local dans les bunkers retrouvés. On arrose à la main et, seules les tondeuses sont contemporaines, les anciennes n’existant plus.
Pour aller jusqu’au bout de cette restauration, on inaugure le « new » Oakhurst Links en 1995, en profitant du public et de la communication entourant la Solheim Cup disputé au Greenbrier America’s Resort voisin où un imposant hôtel, entouré de trois parcours, loge en secret dans ses sous-sols un vaste abri-bunker de commandement, relais de la Maison Blanche en cas de guerre. Ces lieux se visitent comme un musée et Oakhurst était aussi au programme de la découverte.
A l’inauguration du club, la balle guttapercha juste posée sur une pincée de sable, Sam Snead (83 ans), alors Head Pro du Greenbrier, était le seul à toucher le green du No 1 (110 m.) en régulation d’un coup de « mashie » monté sur un shaft hickory. Depuis, le visiteur ne pouvait aborder ce par 34 qu’équipé et accoutré de la même façon que Slamming Sam, après avoir réglé un green-fee de 75 dollars.
Et si l’USGA reprenait Oakhurst…
Malheureusement aujourd’hui, à White Sulphur Springs, on parle au passé de cet Oakhurst qui devait inspirer l’addition voisine d’un grand parcours signé par Nicklaus, Player, Trevino et Palmer sur commande de Jim Justice, patron du Greenbrier Resort et dernier propriétaire du vieux club. Après avoir vécu de façon cahotante depuis sa création, c’est une inondation centennale qui le ravageait en 2012 et, depuis trois ans, la propriété ne donne plus signe de vie, les soins abandonnés. C’est regrettable. En avril prochain, sous le chêne-icone d’Augusta National, on en touchera deux mots à Mike Whan, le nouveau patron de l’USGA qui s’est promis de bousculer cette organisation tout en respectant ce qui a fait la richesse de son histoire.
Philippe P. Hermann
©Oakhurst, Hermann, Greenbrier, Golfpass