L’un des golfs les plus connus au monde n’aurait jamais dû sortir de la terre d’Augusta qui a autrefois servi de pépinière. En effet, un immense projet hôtelier devait voir le jour en 1927…
L’histoire fait frissonner plus d’un amateur de golf : l’Augusta National Golf Club, théâtre du Masters, a failli ne jamais exister ! La faute à un projet pharaonique du promoteur hôtelier J. Perry Stoltz. Visionnaire, il avait jeté son dévolu en 1925 sur cette douce partie de Georgie dont il prévoyait le quadruplement de la population en un quart de siècle.
Mais au fait, il y avait quoi avant ?
En préambule à ce récit d’épouvante, il est indispensable d’aborder le passé horticole du terrain. En 1854, le rédacteur en chef de la revue The Southern Cultivator, Dennis Redmond utilise le site de 148 hectares pour cultiver des arbres fruitiers. Il y fait construire plus tard une maison – l’une des premières du Sud en ciment – qui constitue aujourd’hui le noyau central du club-house d’Augusta.
Une plantation de fruits, d’azalées et de magnolias
L’affaire périclite et Redmond est obligé de céder le terrain en 1857 à un baron belge, Louis Berckmans. Avec son fils Prosper, horticulteur, ce médecin botaniste crée la Fruitland Nurseries pour développer les espèces d’arbres fruitiers mais aussi ornementaux. Ils plantent notamment une allée de magnolias qui allait devenir la fameuse Magnolia Lane… L’entreprise est un succès : la pépinière est la plus florissante du Sud des Etats-Unis, grâce notamment aux cultures de pêchers et d’azalées.
La mort de Prosper Berckmans conduit à la vente
Les décès successifs de Louis en 1883 puis celui de son fils Prosper en 1910 fragilisent l’entreprise. L’héritage prévoit de séparer le terrain en deux parties. L’une pour ses trois fils qui se désintéresseront petit à petit des lieux et l’autre pour sa seconde épouse. Celle-ci exploitera la maison comme un grand salon de… thé. Laissé en gérance de 1919 à 1925, la pépinière est finalement vendue à notre J. Perry Stoltz en question.
Le Commodore souhaite reproduire son hôtel de Miami
Laissé plus ou moins à l’abandon pendant quelques années, le terrain est donc racheté en septembre 1925 par J. Perry Stoltz qui aime se faire appeler le « Commodore ». Imbu de lui-même, ce promoteur a fait fortune dans la fabrication de l’ancêtre du flipper avant de faire construire à Miami l’imposant Fleetwood Hotel. Moche !
Un hôtel de 15 étages avec une tour de 30 mètres
Nous sommes au début des Années folles, tout est démesure. Stoltz compte non seulement investir à Augusta mais aussi dans le Tennessee et en Caroline du Nord ! Trois projets hôteliers identiques à celui déjà réalisé à Miami : 15 étages abritant 300 chambres et une tour de 30 mètres pour y planter une antenne radio. Bigre !
L’inauguration de l’hôtel Fleetwood, dont le coût est estimé à 2 millions de dollars, est prévue pour 1927. Et la maison doit servir de bureau pendant les travaux avant d’être détruite. Ah non !
Un hôtel resort équipé d’un… golf !
Parmi les nombreux équipements de loisirs en projet, la construction d’un parcours de golf. Mais le Commodore n’envisage pas d’en faire son vaisseau amiral. Pour lui, il ne s’agit que d’un simple équipement d’appoint dont la conception est d’ailleurs confiée au maître d’oeuvre de l’hôtel. Allons bon !
Un projet mort-né par l’ambition démesurée de Stoltz
Si les premières dalles de béton de l’hôtel sont coulées, les travaux n’iront pas plus loin. Mener la construction de 3 hôtels en même temps est une entreprise bien audacieuse, surtout sans les fonds suffisants. En janvier 1926, il abandonne le projet. Et l’ouragan qui s’abat sur Miami en septembre, ravageant son hôtel, éteint définitivement tout espoir. Ouf !
La crise de 1929 empêche tout autre projet, jusqu’à…
Propriétaire du terrain, la société Washington Heights Developpement tente bien de monter un autre projet hôtelier moins ambitieux, mais l’argent manque et la crise de 1929 complique davantage les choses…
Deux ans plus tard, en 1931, un certain Bobby Jones et son partenaire Clifford Roberts font une offre 60 % moins élevée que le prix établi en 1925. La première bonne affaire du duo qui allait placer le Masters et son parcours d’Augusta sur le toit du monde. Mais ça, c’est une autre histoire bien moins effrayante.